L'ÉCOLE
L'enseignement chrétien et les erreurs de l'épanouissement du moi
en éducation1
Jean-Marc BERTHOUD
Le courant pédagogique qui domine notre siècle se fonde sur l'idée que l'éducation
et l'instruction de la jeunesse doivent aboutir à ce que l'on appelle son "épanouissement" le plus complet. Un tel but, à première vue fort louable, est devenu un cliché rongé
à la base par des erreurs dont on peut faire remonter la source jusqu'aux écrits de
Jean-Jacques Rousseau. Ce dernier fait partie d'une tradition pédagogique généreuse
mais optimiste à outrance, qui a d'autres ancêtres : Fénelon, Comenius et même
certains pédagogues de la Renaissance, et parmi eux, Rabelais et Montaigne. Tout autre
fut la tradition pédagogique de la Réforme, tradition portant la marque de ce grand
maître des humanités chrétiennes, Mathurin Cordier, maître de Calvin lui-même et de
tant des meilleurs esprits issus de la Réforme.
Dans une première partie, nous allons nous arrêter sur quelques-unes des notions
fausses que recouvre cette pédagogie de l'épanouissement du moi. Parmi les idées que
nous passerons au crible, nous trouvons celles de non-directivité, de désinhibition, de neutralité morale et intellectuelle et de responsabilisation. Ces
diverses notions, sous des vocables barbares, recouvrent des concepts clefs de ce que l'on
veut bien, faute de mieux, appeler la "pédagogie moderne".
Nous examinerons ensuite, dans une seconde partie, les repères que nous avons établis
dans la Charte fondamentale de l'enseignement pour répondre aux erreurs contenues
dans la pédagogie de l'épanouissement du moi.
Pour terminer, nous tâcherons de formuler les raisons qui militent en faveur de
l'établissement d'écoles véritablement chrétiennes et de définir les fondements sur
lesquels de telles écoles devront être édifiées.
1. Les erreurs de l'épanouissement du moi en éducation
Un des principes directeurs qui inspirent ce que l'on appelle la pédagogie active si
couramment pratiquée aujourd'hui est celui de la non-directivité. La personne
dispensant un enseignement de ce type doit permettre aux enfants d'exprimer en toute
liberté ce qui est en eux. Le rôle de l'enseignant devient passif et doit se limiter, en
principe, à susciter de la part des élèves les réponses à leurs propres questions.
Signalons d'abord que ce principe de non-directivité, qui est l'un des
principes fondamentaux de la réforme que l'on a imposée, tant au contenu qu'à la forme
de l'enseignement public dans la plupart des pays occidentaux, constitue en fait le
contraire même de toute véritable instruction, de toute véritable éducation. Le
pédagogue, pour être digne de ce nom, ne peut que conduire des élèves vers des
connaissances qui leur étaient jusqu'alors inconnues. Comment peut-on en même temps
conduire vers des connaissances et refuser de conduire l'élève, de le diriger ? Si
les moyens de raisonnement sont innés chez tous les hommes, le contenu de la pensée ne
peut venir que de l'extérieur, de celui qui conduit l'élève vers les connaissances à
acquérir, connaissances qui proviennent ou de l'éducateur, ou des vérités objectives
présentes dans la création, ou du Créateur lui-même. Par exemple, tout enfant
mentalement normal a la capacité intuitive, a priori, de parler. Mais les mots
qu'il utilisera devront tous venir de l'extérieur, de sa mère, de ses frères et
soeurs,
de son entourage. C'est ici que se situe l'erreur fondamentale de Descartes et, en
philosophie, de toute la tradition idéaliste qui à la base de toute connaissance
posait l'idée a priori de Dieu, idée innée et intuitive. Au fond de cette
théorie de non-directivité pédagogique se trouve l'idée que l'enfant, tel Dieu,
contient toutes ses connaissances en lui-même, et qu'il ne faut pas le conduire vers
l'acquisition de connaissances qui lui sont extérieures en termes philosophiques
des connaissances a posteriori. Bien au contraire, il est nécessaire de faire
sortir toutes ces connaissances de l'enfant lui-même, de son propre fond, exactement
comme l'araignée qui extrait le fil dont elle fait sa toile de son propre ventre ! Il est
évident que celui qui applique de telles méthodes prétendument non-directives de
manière suivie ne parviendra à rien apprendre de bon et d'utile à ses élèves. Comme
la nature ne supporte pas le vide, il finira par les orienter vers le mal, c'est-à-dire
vers le néant.
C'est ce que l'on peut observer dans de nombreux pays où l'on est revenu de cette
malheureuse expérience. Entre temps, une génération d'enfants a été sacrifiée sur
l'autel d'une idée fausse et nuisible. Nous ne voyons pas de quel droit l'école publique
se permettrait de faire de telles expériences sur les enfants. Cette prétendue non-directivité est une des erreurs capitales que cache cette fameuse éducation par l'épanouissement
du moi.
Si le moi doit absolument s'épanouir et que c'est dans cet épanouissement que
se trouve le coeur de toute vraie pédagogie, alors toute inhibition de l'épanouissement
de ce moi doit être éliminée. Les inhibitions religieuses, morales, rationnelles,
esthétiques et même grammaticales doivent être abolies pour que l'éducation, ou
plutôt l'épanouissement du moi puisse pleinement se manifester chez l'enfant.
A la base de cette démarche éducative réside l'idée que les inhibitions et
les causes extérieures d'inhibitions chez les élèves sont mauvaises. Le
postulat d'une telle affirmation est l'idée rousseauiste que l'enfant en lui-même est
bon naturellement, et que ce sont des contraintes extérieures moralement inhibantes
que la société lui impose, qui provoquent tout le mal. En conséquence, pour que
l'enfant puisse s'épanouir, il faut le laisser libre (c'est-à-dire libre des
contraintes sociales ordinaires imposées par le maître, les parents ou la société).
Car le bien, il le possède naturellement en lui-même. Pour cette raison, il nous faut
parler d'une éducation "désinhibante", libératrice et pour tout dire salvatrice, car il ne s'agit plus ici d'une modeste tentative d'éduquer l'enfant, mais bien d'un
projet d'épanouissement total de l'homme, véritable ersatz de religion humaniste.
Une telle option pédagogique, si elle est appliquée de façon conséquente, implique
que l'enseignant exerce le moins possible d'influence morale directe sur l'enfant. Il faut
également que les élèves soient dégagés, autant que faire se peut, de l'influence
morale nécessairement inhibante des parents ; car cette influence serait une
manifestation néfaste des valeurs éthiques fixes qu'ils chercheraient à inculquer à
leurs enfants. C'est ici que nous voyons apparaître dans les bagages de tout pédagogue
travaillant à l'épanouissement de la personnalité de l'enfant, la notion de neutralité morale. Notion désinhibante s'il en est !
Cette conception d'une neutralité obligatoire de l'école est un reflet anachronique
de l'idéologie humaniste, laïque et scientiste du XIXe siècle. Une des acquisitions les
plus solides de la réflexion méthodologique moderne est le constat qu'une telle
neutralité est bel et bien impossible. Tout enseignement véhicule nécessairement des
valeurs. Ainsi le paradoxe se situe dans le fait que si l'on veut respecter les
convictions religieuses, morales et politiques de tous les parents, l'école
publique en est amenée, dans une société pluraliste telle que la nôtre, à faire
abstraction de toute valeur. C'est le respect des valeurs par le vide ; ou, en d'autres
termes encore, le nihilisme moral et spirituel, ceci malgré la fréquentation obligatoire
du "Séminaire pédagogique" ! Ce vide des valeurs, cette absence de
direction religieuse, morale et politique est certainement l'une des causes les plus
importantes du désarroi spirituel, moral et intellectuel qui frappe de nombreux jeunes
et, disons-le, également de nombreux adultes, et cela même parmi les pédagogues. Par
ailleurs, si les maîtres doivent abandonner toute conviction personnelle en pénétrant
dans leur classe, afin de permettre l'épanouissement sans entrave du moi de nos jeunes,
ils ne peuvent susciter chez les jeunes dont ils ont la charge ces convictions fermes qui
fondent l'intelligence et de la volonté et qui sont comme l'ossature de toute vie.
En faisant disparaître la dimension éthique et spirituelle de l'enseignement
rappelons-le, pour permettre au moi de l'élève de s'épanouir plus librement on
aboutit à une véritable dépersonnalisation des rapports humains en classe. On en arrive
à une dynamique collective analogue à celle qui se développe entre le patient et le
psychanalyste. Il faut la liberté absolue d'expression, car seule l'expression libre
c'est-à-dire sans inhibitions morales peut guérir. Ne nous y trompons pas
: selon l'optique de nos "éducateurs-libérateurs", il faut soustraire
nos enfants à l'influence nuisible et inhibante de leurs parents, de leurs maîtres et de
la société "bourgeoise". Rappelons seulement que, selon les théories
de Freud, toute inhibition morale est source de névrose et obstacle à l'épanouissement
du moi véritable. Ainsi sont ouvertes les vannes de l'anarchie morale, de la révolution
puis de l'oppression totalitaire qui en est le fruit nécessaire.
Cette vision rousseauiste et freudienne de l'homme naturellement bon primitif
pour l'un, subconscient pour l'autre est-elle compatible avec la réalité humaine
telle que nous l'observons et avec la révélation d'un christianisme confessant qui seul
peut donner à la création son sens véritable ?
L'observation de n'importe quel petit enfant montre qu'il y a en lui de fortes
tendances égocentriques. Les parents, les frères et soeurs, les petits amis, les
camarades d'école, les enseignants, en un mot toute la réalité qui lui est extérieure, tant naturelle que sociale, doit lui apprendre qu'il y a des règles, des lois physiques
et morales qu'il faut observer si l'on veut vivre avec ses semblables de manière
fructueuse et qui plaise à Dieu. Par ailleurs, tout l'enseignement du christianisme
historique nous permet de comprendre cette constatation naturelle, car l'Écriture affirme
que l'homme est, depuis la chute, pécheur, et que, livré à lui même, il est par nature
enclin au mal. Si, en conséquence, on laisse aux enfants une entière liberté
d'expression dans un domaine ou dans un autre, les pensées et les impulsions les plus
mauvaises qui sommeillent en eux, s'exprimeront immanquablement, elles aussi. La Bible
nomme cette liberté-là celle des impulsions de la chair. L'Écriture nous enseigne
également que les diverses autorités, familiales, scolaires, sociales ou politiques
(autorités même non chrétiennes, Romains 13) sont établies par Dieu pour réprimer ce
mal, pour freiner l'attraction naturelle de l'homme pécheur pour le mal, pour endiguer
l'épanouissement malsain du moi charnel, de cet être primitif si cher à Rousseau, du
subconscient considéré si favorablement par Freud. C'est pour cette raison que la peur
du gendarme freine notre tendance innée à enfreindre le code de la route. Les autorités
familiales et scolaires placées au-dessus de nos enfants ont un effet bénéfique sur eux
en réprimant leurs impulsions naturelles mauvaises. Par ailleurs nous savons que le mal
ne peut être enlevé ni par l'influence des lois, ni par l'éducation, ni par l'action
disciplinaire des autorités, mais par Jésus-Christ seul qui a expié ce mal une fois
pour toutes au Golgotha, dans le temps, dans l'histoire, afin que nous soyons en mesure
d'obéir à Sa volonté, à Sa Loi.
L'école publique, en voulant à tout prix maintenir une attitude strictement neutre,
en ne voulant jamais indiquer, ni recommander ou conseiller un comportement précis
quelconque parviendrait, prétend-on, à responsabiliser les enfants, c'est-à-dire
à en faire des êtres responsables. Voici un nouveau volet dans notre description de la
pédagogie de l'épanouissement de l'enfant. On veut persuader les enfants que l'être
responsable est celui qui est responsable devant sa propre personnalité libre, la
responsabilité étant d'aboutir à l'épanouissement maximal de sa propre personne.
Évidemment, dans un pareil processus, il ne se trouve guère de limites pour l'humble
amour chrétien qui se résume par l'amour premier et absolu que nous devons à Dieu et
cet amour du prochain à l'égal de notre amour pour nous-mêmes, que nous devons aux
autres.
En premier lieu, nous pouvons affirmer que sur le plan de l'éthique il n'y a pas de
neutralité : on est ou pour le bien, ou pour le mal. Si l'on prétend observer une
quelconque neutralité morale, si l'on prétend que chacun peut faire ce que bon lui
semble, ce qui lui convient le mieux, on place le bien sur un pied d'égalité avec le mal
et, en conséquence, on abolit la différence absolue entre bien et mal. En optant pour
une telle position de neutralité éthique, on accomplit une oeuvre de confusion morale
plus grave encore que si l'on s'opposait ouvertement et cyniquement au bien. Répétons-le
: une telle neutralité éthique dissimule immanquablement une éthique bien précise,
mais dissimulée. Car cette éthique si bien cachée, qui est celle de nos éducateurs non
directifs qui semblent vouloir désinhiber, déresponsabiliser les enfants qui leur
sont confiés et les conduire à un épanouissement parfait, est si contraire à
l'éthique chrétienne et au simple bon sens, (bon sens qui provient d'une conscience
droite), qu'elle n'ose pas se montrer ouvertement telle qu'elle est. En effet, notre
conscience n'est pas si libre que nous voulons bien souvent le croire. Notre
responsabilité n'est pas uniquement engagée envers nos propres impulsions, elle n'a pas
pour seul but notre plein épanouissement. La conscience de l'homme est régie par une loi
fixe : la Loi de Dieu, loi qui constitue un système juridique et moral touchant à tous
les domaines de la vie sociale et personnelle. Car cette prétendue responsabilité de
l'homme envers ses propres impulsions uniquement serait en effet une excellente manière
de définir ce qui en est le contraire, l'irresponsabilité ! Non, l'homme est responsable
d'abord devant Dieu ; puis envers son prochain ; et finalement envers la création. Et les
critères qui donnent des bornes à cette responsabilité se trouvent consignés d'une
manière immuable dans la Loi divine. Cette Loi a certes un caractère conceptuel
analogique, elle est accommodée aux capacités des créatures limitées que nous sommes,
mais cependant elle reflète de manière certaine la pensée véritable de Dieu. On y voit
apparaître tout à la fois sa sainteté et l'ordre qu'Il a établi dans sa création dès
le commencement pour la vie et le bonheur de ses Créatures.
La désinhibition ou plutôt la démoralisation des élèves que nous
proposent ces pédagogues de l'épanouissement ne rend d'aucune façon les enfants libres,
mais les livre plutôt au libre épanouissement de leurs propres tendances anarchiques et
mauvaises. Dans une classe ainsi livrée à une pareille liberté, l'influence
dominante sera inévitablement celle des éléments les plus anarchiques, les plus forts.
Le champ abandonné à lui-même se remplit bien vite de mauvaises herbes, de chiendent,
de ronces et d'épines. Il en est de même en ce qui concerne l'âme de l'homme. Toute
liberté sans frein ne peut que la corrompre. Ainsi, la liberté que nous proposent ces
pédagogues de l'épanouissement est une liberté pour le développement de leur
nature corrompue ; guère celle de faire croître le bien.
2. Les fondements philosophiques et pédagogiques d'une école chrétienne
Sur le plan théologique, il est essentiel d'avoir une foi véritablement confessante.
Il en est de même dans l'éducation chrétienne. Celle-ci se trouve menacée de toutes
parts par des dangers, tant sur le plan de la pratique de l'enseignement que sur celui des
principes eux-mêmes. Pour revenir au plan théologique, une arme très efficace pour
assurer la défense de la Foi est en effet une confession de la foi bien adaptée
aux difficultés et aux erreurs du jour et de toujours. Nous pensons que sur le plan de
l'éducation également la formulation de principes pédagogiques chrétiens définis de
manière précise et équilibrée est une arme essentielle pour la restauration de cet
enseignement chrétien dans lequel nous sommes engagés.
En conséquence, lorsque quelques parents protestants et catholiques se sont décidés,
en l'été 1979, à fonder dans le canton de Vaud une association de parents chrétiens en
vue d'oeuvrer à la défense des intérêts des familles de notre pays sur la place
publique, une de nos premières préoccupations fut de formuler une liste de principes
pédagogiques chrétiens susceptibles de répondre aux dangers proprement éducatifs tels
que nous les percevions. Cette Charte fondamentale de l'enseignement, après avoir
été soumise à diverses personnalités chrétiennes2, a été adoptée lors
de la fondation de notre Association comme constituant sa base doctrinale. Examinons-en
brièvement les divers articles.
Le premier point traite du but que devrait poursuivre tout enseignement réellement
digne de ce nom, mais plus particulièrement tout enseignement qui se veut chrétien.
Nous considérons que le but véritable de tout enseignement est d'apprendre aux
enfants à connaître Dieu, à le glorifier et à lui rendre le culte et l'honneur qui lui
sont dûs.
Article I
Notre deuxième article répond au subjectivisme moderne qui nie ce que Francis
Schaeffer appelait la "vérité vraie". En effet, le relativisme
dialectique de la pensée moderne s'infiltre partout, même dans les Églises. Ce
relativisme (très proche du scepticisme intellectuel), auquel on s'habitue trop
aisément, nous rend incapables d'apercevoir les liens étroits qui rattachent le monde
visible au monde invisible, le naturel au surnaturel, la création à Dieu. Depuis
Descartes, et bien plus encore depuis Kant et Hegel, l'idéalisme, au sens philosophique
du mot, sens qui est celui d'un subjectivisme humaniste, refuse toute continuité entre la
Révélation générale de Dieu dans la Création et la Révélation particulière de Dieu
dans sa Parole incarnée et écrite. Par la méthode dialectique
(thèseantithèsesynthèse) on détruit la capacité logique de la pensée
humaine à définir des concepts précis, vrais ou faux. Ceux qui se soumettent de façon
conséquente à une telle manière de penser deviennent incapables d'affirmer une
connaissance vraie, tant sur le plan de la nature que sur celui de la Parole de Dieu.
C'est pour nous opposer à de telles erreurs que nous affirmons :
Vu que l'univers et tout ce qu'il contient est l'oeuvre du Créateur, il s'ensuit que
toute connaissance vraie doit se fonder sur la Révélation de Dieu, dans le respect de
l'ordre stable de la réalité créée.
Article II
Cet ordre stable, tant de la Parole divine que de la création qu'elle soutient à tout
instant, est en effet attaqué de tous côtés par le relativisme moral et le scepticisme
épistémologique. Prenons quelques exemples de ces tendances tirés de l'école :
l'évolutionnisme biologique résolument opposé aux contraintes de la méthode
expérimentale ;
la relativisation des bases du calcul introduit dans les premières années de
l'école par les prétendues mathématique modernes ;
la destruction des structures grammaticales stables en faveur d'une sorte
d'existentialisme linguistique qu'on trouve dans l'enseignement "rénové" du français3 ;
l'histoire sans dates, et par conséquent sans structure dans le temps ;
toutes les théories de non-directivité, et bien d'autres déviations
pédagogiques encore.
Toutes ces bizarreries pédagogiques diverses manifestent de façon flagrante les
effets de ce subjectivisme, de cet idéalisme, de ce relativisme sceptique qui font fi de
toute vérité conceptuelle, de toute réalité stable, de tout ordre dans la création.
Certaines, tel le calcul sur d'autres bases que dix ou douze, ne sont pas fausses en
elles-mêmes. D'autres, tels l'abandon de la grammaire ou des dates, sont intrinsèquement
perverses. Mais ce qui est grave c'est que cette façon de penser, dans son principe
même, ébranle les repères à tous les niveaux et ainsi tend à abolir tout sens aux
réalités qui nous entourent. Elle livre les jeunes et les moins jeunes aussi
à un monde perçu comme étant intégralement absurde. Une telle éducation envoie
notre jeunesse, sans boussole ni étoile polaire, sur une mer sans rivage où elle est
ballottée de-ci de-là par des bourrasques d'idées à la mode.
Cette coupure qu'entretient l'idéalisme philosophique entre le monde spirituel et tout
le domaine de la vie matérielle, conduit à une intellectualisation de l'enseignement. La
formation de l'intelligence s'en trouve coupée de toute discipline morale. C'est ici la
porte ouverte à une science sans conscience (bébés-éprouvettes, euthanasie, pollution,
avortement, etc.) et à une conscience individuelle variable puisque sans aucune
connaissance de Dieu. C'est le suicide spirituel d'une civilisation. Si Luther avait été
instruit de cette manière dans une société ainsi éduquée, il n'aurait pas été
compris quand il a dit devant la diète de Worms le 18 avril 1521 :
Ma conscience est prisonnière de la Parole divine : je ne puis et ne veux rien
rétracter, puisqu'il n'est ni sûr ni honnête d'agir contre sa conscience4.
Nous affirmons :
En conséquence, on ne peut pas séparer l'acquisition des connaissances de la
formation morale et spirituelle de la jeunesse. L'ignorer est dangereux.
Article III
L'État moderne déborde de plus en plus les fonctions de justice, de police et de
guerre que lui confie Dieu. Il prétend toujours davantage se substituer aux
responsabilités que l'individu est appelé à exercer dans le cadre de ces institutions
communautaires naturelles ou créationnelles que sont la famille, l'école, l'entreprise,
l'Église et toutes les associations que les hommes constituent pour promouvoir le bien
commun5. La famille, qui est sans contredit la cellule de base de toute
société saine, est aujourd'hui de plus en plus attaquée. Nous prendrons un exemple
parmi bien d'autres. L'éducation sexuelle, théoriquement facultative, mais en fait
imposée à presque tous les enfants de notre canton, constitue une intrusion
particulièrement flagrante dans un domaine qui devrait normalement être strictement
réservé aux parents6. Tant sur le plan de la nature que sur celui de la loi
de Dieu, le devoir et le droit d'éducation et d'instruction des enfants revient à la
famille qui, elle, peut déléguer cette responsabilité à des personnes de son choix.
Contrairement à ce que l'on croit habituellement, l'État n'a aucun droit naturel ou
biblique sur les enfants. Par une action scolaire foncièrement anti-familiale, on
affaiblit le rôle des cellules saines de la société et l'on favorise la croissance de
cellules sociales cancéreuses de type individualiste ou administratif. Contre ces
tentations symétriques qui sont celles, tant du libéralisme que du socialisme, nous
affirmons :
La responsabilité de l'éducation des enfants incombe en premier lieu aux parents, et
seulement par délégation aux institutions scolaires. Les droits et les obligations des
parents à l'égard de leurs enfants ont priorité sur ceux de l'État.
Article IV
De nombreux mythes, tels ceux d'une non-directivité possible en éducation, ou encore
l'égalitarisme, le dialogue, l'enfant au centre du parcours pédagogique,
l'autocréativité et l'innocence native de l'enfant, bon sauvage corrompu par les
institutions sociales et surtout par sa famille, tous ces mythes et bien d'autres encore
entravent gravement le processus d'enseignement. C'est pour réagir contre l'influence
néfaste de tels mythes pédagogiques que nous affirmons :
Tout véritable enseignement ne peut que se fonder sur une hiérarchie, le maître
dispensant les connaissances aux élèves qui les reçoivent. En conséquence, le maître
doit disposer d'une autorité sur les élèves. Ainsi pourra-t-il communiquer à ceux
placés sous son autorité des connaissances qui leur étaient jusqu'alors inconnues. Une
discipline précise est indispensable à l'efficacité de l'enseignement.
Article V
Une des principales raisons pour lesquelles les enfants apprennent de moins en moins de
choses en classe provient de l'ignorance ou du refus des principes scolaires
élémentaires énoncés ci-dessus. Ces principes relèvent aussi bien du bon sens
millénaire des hommes (signe de l'action en eux de la grâce commune de Dieu) que des
enseignements consignés dans la Bible.
Combien de fois par le passé, des intellectuels, dans leur suffisance arrogante ont
prétendu avoir tout découvert par eux-mêmes ! Pour faire valoir leur prétention à
l'originalité, ils cherchent bien souvent à jeter le discrédit sur leurs
prédécesseurs. Le mépris courant pour l'enseignement de l'histoire et le rejet si
commun de toute tradition vivante témoignent de cette attitude.
Un exemple classique est celui fourni par le cénacle de poètes français du XVIe
siècle qui se nomma La Pléiade. En portant aux nues leur talent pourtant bien
réel et en poussant jusqu'à l'absurde leur admiration exclusive pour les poètes de
l'Antiquité, Ronsard et ses amis ont fait croire à bien des générations d'amateurs des
lettres la légende fabriquée par eux-mêmes qu'avant la manifestation triomphante de
leur génie poétique, les muses avaient délaissé la France. Pourtant, nous commençons
à reconnaître aujourd'hui la prodigieuse richesse de la poésie chrétienne médiévale,
tradition poétique abandonnée par les auteurs de la Renaissance, mais reprise d'une
manière merveilleuse par la poésie réformée de l'époque que Pierre Courthial appelle "l'âge
d'or du protestantisme français", époque glorieuse s'étendant grosso modo de 1533 à 16337.
Dans le canton de Vaud, les Cahiers vaudois8 se sont imposés au
début du siècle de manière assez semblable. Aujourd'hui les diverses innovations
scolaires, parées du titre usurpé de "réformes", en usent de même
pour faire avaler leurs lubies passagères comme des nouveautés d'une originalité "transcendante". Ainsi, selon les promoteurs du français rénové, la véritable grammaire
n'existait pas avant l'ère bénie de leurs inventions linguistiques9. Il en va
de même pour les promoteurs de la nouvelle histoire thématique ou de cette ancienne
mathématique des ensembles qui, malgré son âge plus que vénérable, a été baptisée maths
modernes. Ces quelques remarques aident à mieux comprendre la portée de notre
sixième article qui affirme :
Toute pratique éducative cherchant à innover en faisant table rase du passé
que ce soit dans l'enseignement des sciences exactes, de l'histoire ou des langues
notamment est nuisible à l'instruction véritable de la jeunesse. La transmission
des connaissances, héritage précieux de nos aînés, doit sans doute être constamment
rectifiée selon la vérité et le respect du réel. Vouloir abolir l'acquis spirituel,
moral et intellectuel de nos prédécesseurs aboutit à une méconnaissance du réel et à
un déracinement de la personne. Il n'y a pas d'avenir sans tradition.
Article VI
Nos ancêtres du Moyen Âge étaient plus modestes que nos théoriciens de la table
rase lorsqu'ils disaient que, s'ils voyaient plus loin que leurs pères, c'était parce
qu'ils étaient juchés sur leurs épaules !
Dans notre charte, nous avons également réagi contre une autre mode malsaine, celle
qui considère l'enfant comme une simple abstraction détachée du contexte et des
circonstances qui lui sont propres. Cette attitude pédagogique ne tient pas compte des
particularités génétiques, familiales, culturelles, historiques, sociales ou surtout
religieuses dans lesquelles l'enfant se trouve. C'est ainsi qu'elle voue les enfants à
une formation essentiellement intellectuelle, abstraite et en grande partie coupée de la
réalité. Dans cette perspective, les enfants sont trop souvent considérés comme des
entités abstraites, permutables et interchangeables, de véritables numéros. C'est sans
doute ce genre de dépersonnalisation des individus qui est le plus adapté au travail
industriel moderne, fragmenté, cassé, ou, comme on dit, au travail à la chaîne. Mais est-ce là le but d'une éducation véritable ? Une éducation véritable doit-elle
aboutir à cette société industrielle sans âme que décrit si bien Landry dans son
roman Bord du monde ?
Il n'y avait plus d'honnêteté, pas même avec les morts. C'était parce que les
vivants vivaient d'une existence gâchée, d'une existence hâtive comme un journal qui ne
sera rien demain. Il n'y avait pas de tombes, pourquoi y aurait-il des lendemains, et des
responsabilités, et des morales ?10
Est-ce cette vie sans signification, sans rime ni raison et surtout sans saveur ni
vitalité, sans espérance, que nous voulons pour nos enfants ? La vie véritable est
d'une autre aune. C'est cette diversité de la réalité qu'évoque ce texte de Roger
Barilier :
L'égalité n'est pas de ce monde. Il y a des montagnes plus hautes que d'autres, des
régions plus attrayantes, des climats plus chauds et plus froids. Et parmi les milliards
d'hommes qui peuplent la planète, il n'y en a pas deux qui seraient identiques.
Telle est la nature des choses, et la Bible nous dit même que Dieu est à l'origine de
cette situation. Selon une parabole de Jésus, un homme reçut cinq talents, un autre
deux, un troisième un seul. Flagrante inégalité !11
Pourquoi donc les idées sottes et simplistes des hommes devraient-elles réduire à
une grisaille uniforme une diversité si riche, si belle, si variée ? C'est ce qui motive
notre septième point :
L'enseignement doit se donner dans le respect de la nature propre et du développement
moral et intellectuel spécifique de ceux qui le reçoivent. Les garçons et les filles
doivent recevoir un enseignement partiellement différencié de manière à respecter la
nature de chacun. L'enseignement doit être donné de manières diverses adaptées à
l'âge, aux capacités, aux rythmes d'assimilation des enfants. Il est, par exemple,
aberrant de vouloir initier de petits enfants à des formes de raisonnement abstrait,
propres uniquement aux intelligences formées, ou de vouloir imposer à tous, sans
discriminations, une formation uniquement intellectuelle. L'enseignement doit être conçu
de manière à conduire à l'insertion pratique ultérieure des jeunes dans la vie.
Article VII
Bref, une école véritablement chrétienne ne peut se contenter d'une forme
extérieure de piété chrétienne, d'un vernis recouvrant d'une fine couche de piété
des programmes foncièrement humanistes et athées. La schizophrénie intellectuelle12 d'une piété chrétienne côtoyant une intelligence païenne a ravagé l'Église de Dieu
et ruiné la civilisation chrétienne de l'Europe. Des modes de pensées qui sont
indépendants de la pensée de Dieu, telle qu'elle nous est révélée dans la Bible, ne
sont guère autre chose que des formes d'idolâtrie intellectuelle. Nous avons autre chose
à faire que de construire des écoles chrétiennes pour y abriter un nouveau paganisme
maquillé d'un vernis chrétien ! C'est pourquoi nous affirmons :
Il est indispensable d'établir dans toutes les matières de l'enseignement une
conception d'ensemble des programmes scolaires répondant à une véritable finalité
chrétienne respectueuse du réel13 et de faire en sorte que la vision
chrétienne de l'enseignement, ici définie, puisse à nouveau inspirer l'éducation
publique de notre canton.
Article VIII
Tel est bien là notre but final, que l'école publique puisse enfin elle-même rendre
pleinement gloire à Celui qui est son chef véritable chef qui n'est certes pas le
Chef du Département de l'Instruction Publique et des Cultes du canton de Vaud. Mais avant
que nous en arrivions là, ce but doit obligatoirement être celui de toute école
chrétienne digne de ce nom. Nous avons de l'ouvrage devant nous !
3. Quelle école chrétienne ?14
Nulle part dans la Bible Dieu ne confie la tâche d'instruire la jeunesse à l'Église
ou à l'État. Cette tâche repose sans équivoque possible sur les épaules des parents
qui doivent rendre compte devant Dieu de l'éducation qu'ils auront donnée aux enfants
qu'Il leur a confiés. L'école chrétienne a pour mission d'aider les parents à
accomplir cette tâche. Moïse est très clair au sujet de cette obligation des
parents :
Écoute, Israël ! L'Éternel, notre Dieu, est le seul Éternel. Tu aimeras l'Éternel,
ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. Et ces commandements,
que je te donne aujourd'hui, seront dans ton coeur. Tu les inculqueras à tes enfants, et
tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu seras en voyage, quand tu te
coucheras et quand tu te lèveras. Tu les lieras comme un signe sur tes mains, et ils
seront comme des fronteaux entre tes yeux. Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et
sur tes portes.
Deutéronome 6 : 4-9
Aux enfants, il est ordonné :
Écoute, mon fils, l'instruction de ton père et ne rejette pas l'enseignement de ta
mère.
Proverbes 1 : 8
Aux parents, il est dit :
Instruis l'enfant dans la voie qu'il doit suivre ; et quand il sera vieux il ne s'en
détournera pas.
Proverbes 22 : 6
Ces deux aspects de l'enseignement des Proverbes sont explicitement repris dans le
Nouveau Testament :
Enfants, obéissez à vos parents, selon le Seigneur, car cela est juste
Et
vous, pères, n'irritez pas vos enfants, mais élevez-les en les corrigeant et en les
instruisant selon le Seigneur.
Ephésiens 6 : 1-4
Ces textes nous montrent que c'est la tâche des parents chrétiens de donner à leurs
enfants une instruction centrée sur Dieu et sur son oeuvre de Créateur et de Sauveur qui
soit à l'honneur de Jésus-Christ. Ce n'est pas un enseignement profane, et souvent
antichrétien, que l'on trouve dans des systèmes scolaires publics entièrement
sécularisés qui accomplira pour nous cette tâche. Et les écoles privées qui suivent
les programmes de l'État et où l'enseignement est souvent imprégné des méthodes
pédagogiques à la mode, ne l'accompliront pas davantage.
Des parents chrétiens soucieux d'instruire leurs enfants dans la crainte de Dieu,
doivent joindre leurs forces à celles d'autres parents partageant leurs convictions afin
de donner à leurs enfants, avec l'aide d'enseignants chrétiens, une instruction
chrétienne conséquente. Le but d'une telle école chrétienne est de faciliter la tâche
éducative des parents. Au fond, l'école chrétienne n'est qu'une extension éducative de
la famille chrétienne. Elle doit être sous le contrôle des parents des enfants qui la
fréquentent. Ce sont eux qui ont la responsabilité d'établir la nature de
l'enseignement à donner. La responsabilité dans ce domaine est celle des parents plutôt
que celle de l'Église. Dans cette perspective, l'enseignant est le délégué des parents
auprès de leurs enfants. En conséquence, il doit en classe exercer l'autorité des
parents. Les parents, de leur côté, doivent inculquer à leurs enfants le même respect
et la même obéissance envers leurs maîtres qu'ils attendent pour eux-mêmes. Cependant,
si l'école chrétienne doit accomplir les tâches scolaires que la famille lui délègue,
parce qu'elle n'est pas en mesure de les accomplir, elle ne doit cependant en aucun cas
chercher à la supplanter.
Le deuxième but fondamental de l'école chrétienne est d'aider les parents à
accomplir le devoir premier que Dieu leur a confié : amener leurs enfants à connaître
Jésus-Christ et à se conformer à Lui. Certes, cette tâche incombe tout d'abord à la
famille et à l'Église, mais l'école chrétienne, d'une façon qui lui est propre, doit
également poursuivre ce but.
Bien des parents chrétiens s'imaginent que le but essentiel d'une telle école est
d'être une protection pour leurs enfants contre les mauvaises influences de l'immoralité
et du monde ambiant, dangers que l'on trouve trop souvent dans les écoles d'État. Mais
il ne faut pas oublier que les enfants de chrétiens sont tous des pécheurs et ce n'est
pas le fait de les séparer physiquement de tout contact avec d'autres pécheurs qui les
délivrera de leurs péchés. La seule protection sûre contre le péché est un coeur
renouvelé et sanctifié par l'Esprit de Dieu.
D'autres parents s'attendent à ce que l'école chrétienne donne avant tout à leurs
enfants un enseignement de qualité. Chaque école chrétienne devrait sans doute viser à
l'excellence en tout ce qu'elle entreprend. Tout faire pour la gloire de Dieu devrait
être un fruit évident de notre consécration chrétienne. Tant en ce qui concerne le
contenu de son enseignement que pour les méthodes qu'il utilise, le maître chrétien
doit toujours tendre vers une qualité plus haute. L'élève doit aussi être motivé afin
de s'engager à fond dans tout ce qu'il entreprend à l'école. Mais l'appoint le plus
important que l'école chrétienne peut fournir aux familles qui lui confient leurs
enfants ne se situe pas non plus à ce niveau, quelque important qu'il puisse être.
Ce que l'école chrétienne apporte de plus important à l'instruction de l'enfant
réside dans le fait qu'elle lui fournit, par son enseignement spirituellement cohérent,
une vision chrétienne du monde et de la vie. Il s'agit ici de repenser tous les domaines
de la science et de la culture dans une perspective qui les soumet à la vérité
chrétienne. L'enseignant chrétien cherche à aider les enfants sous sa charge, à
parvenir à une plus grande ressemblance du Christ. Ils le font en leur communiquant la
pensée du Christ sur tous les aspects de Sa création. Ils sont ainsi amenés
progressivement à soumettre toutes leurs pensées à l'obéissance du Christ,
c'est-à-dire à se conformer aux normes de l'Écriture Sainte. Il s'agit, plutôt que de
s'abandonner à une autonomie intellectuelle détachée des enseignements de la Parole de
Dieu (et par là même inadéquate à la nature des choses elles-mêmes), de penser les
concepts mêmes du Christ après Lui et, par ce moyen, d'aboutir à une connaissance de
l'univers fidèle à l'ordre que lui a donné le Créateur. Ainsi, la lumière qu'est la
Parole du Christ la Sainte Écriture se répand sur l'étude que font les
élèves de l'univers créé et soutenu par Jésus-Christ. Car c'est en Lui, par Lui et
pour Lui que sont toutes choses (Rom. 11 : 36).
Après avoir appris aux enfants à voir toutes choses dans la perspective de
Jésus-Christ, on leur enseignera que tout doit se faire pour l'honneur et pour la gloire
de Dieu. Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre
corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu (1 Cor. 6 : 20). Soit que
vous mangiez, soit que vous buviez, faites tout pour la gloire de Dieu (I Cor.
10 : 31). Le chrétien doit revendiquer pour Dieu tous les aspects de l'activité
humaine. Il doit travailler à restaurer une création corrompue par le péché de l'homme
et à rétablir une humanité ruinée par la Chute.
Quel immense bienfait représentera une telle éducation pour la pensée et pour la vie
de l'enfant ! Celle-ci prend ainsi un sens et manifeste un but intelligible, car c'est en
Christ que subsistent toutes choses (Col. 1 : 17). La vision chrétienne du monde nous
fournit la clé du sens de la vie. En Christ, nous avons la réponse aux questions
fondamentales qui ne lâchent pas les hommes : D'où venons-nous ? , Pourquoi
sommes-nous nés ?, Où allons-nous ? A ces questions, la sagesse ordinaire des hommes
ne peut répondre.
Une école chrétienne est également une source de grandes bénédictions morales pour
les enfants. Les enfants ont besoin qu'on leur enseigne la différence entre le bien et le
mal, entre le vrai et le faux. Il faut ensuite exiger d'eux qu'ils s'attachent au vrai et
qu'ils fassent le bien. Ils ne savent pas, par l'exercice de leur seule conscience,
distinguer de manière certaine le vrai du faux, le bien du mal. Une fois ces distinctions
connues, les enfants ne sont pas non plus naturellement enclins à obéir au bien. Dans
l'école chrétienne, il existe une norme immuable distinguant le bien du mal, norme qui
fait autorité. Cette norme c'est la Loi de Dieu. La loi morale doit être enseignée et
appliquée à tous les domaines du comportement humain, tant privé que public.
L'enseignant, comme toute personne exerçant un pouvoir ici-bas, détient une autorité
venant de Dieu, autorité par laquelle il peut exercer une discipline saine et efficace en
classe. L'exercice de cette discipline procure à l'enfant un sentiment de sécurité et
développe dans la classe une atmosphère propice à l'instruction. L'enseignant chrétien
se comporte en classe selon les mêmes normes que celles des parents des enfants qui lui
sont confiés. Cette continuité psychologique, éthique et spirituelle créée chez
l'enfant une structure morale et une solidité de caractère qui l'accompagneront toute sa
vie.
Finalement, une éducation centrée sur Jésus-Christ est une source de grandes
bénédictions pour les élèves. Le simple fait de vivre dans la présence d'un maître
chrétien qui marche devant Dieu et s'efforce, dans ses paroles et dans ses actes, de
refléter le caractère et la pensée de Jésus-Christ, est en soi une extraordinaire
bénédiction pour l'enfant. Les enfants sont profondément influencés par la vie de ceux
qui les instruisent. Ils oublient peut-être une partie de ce qui leur a été enseigné,
mais l'influence sur une jeune vie d'un maître ou d'une maîtresse marchant dans la
présence bienfaisante de Dieu ne pourra jamais s'effacer. L'attention remplie d'amour de
l'enseignant pour l'enfant, les paroles aimables d'encouragement et les mesures fermes
d'une juste discipline sont autant de moyens qu'utilise le Saint-Esprit pour former le
Christ dans le coeur d'un enfant. S'il ne s'agissait que de ce seul bienfait, l'existence
d'une école chrétienne serait déjà très largement justifiée. Les plus grands
sacrifices se justifient lorsqu'en retour, nous retrouvons de telles bénédictions.
Que dans sa miséricorde, Dieu, par Son Esprit, convainque de nombreux chrétiens de
tous les milieux, partout dans nos pays, de l'urgence de la question de l'éducation
chrétienne de notre jeunesse. Que de nombreux parents s'associent et dans un esprit de
sacrifice et de fidélité, acceptent de payer le prix nécessaire pour que l'éducation
chrétienne de leurs enfants devienne une réalité. Que Dieu donne la foi, le zèle et la
sagesse nécessaires à la fondation et à l'organisation d'écoles chrétiennes
nombreuses, que notre vocation de parents chrétiens et la méchanceté des temps rendent
si nécessaires.
_______________
1 Conférence
donnée à l'Assemblée des Frères de Lavigny, le vendredi 6 avril 1984 et à
Crêt-Bérard, le mercredi 8 août 1984, lors du Congrès L'Éducation pour le Royaume
de Dieu, organisé par l'Association Internationale pour la foi et l'action
réformées.
2 Parmi eux les
personnalités suivantes : le pasteur Roger Barilier, Mme Marianne Thibaud, député, le
professeur Jean de Siebenthal de l'EPFL et Francis Aerny, instituteur.
3 Comme l'observait
fort pertinemment Jean-Marie Vodoz dans un éditorial de 24 Heures du 26 mars 1984, Sans grammaire, il n'y a même pas de pensée.
4 H. Hauser et A.
Renaudet, Les Débuts de l'Âge moderne, P.U.F., Paris, 1929, p. 186.
5 Voyez l'étude de
Roger Barilier intitulée : Le Chrétien, l'État et la Politique, A.V.P.C.,
Lausanne, 1984.
6 A.V.P.C., L'Éducation
sexuelle: l'Affaire de l'École ou celle des Parents ?, Lausanne, 1979. Voyez Annexe
III.
Il nous faut cependant ajouter ici que si la plupart des agresseurs
sexuels appartiennent directement ou indirectement à la famille de la victime cela ne
justifie aucunement l'intrusion généralisée d'étrangers dans un domaine qui est le
propre des relations de famille.
7 Pierre Courthial, The Golden
Age of Calvinism in France : 1533-1633, in : W. Stanford Reid (Editor), John
Calvin. His Influence in the Western World, Zondervan, Grand Rapids, 1982, p. 75-92.
8 Les Cahiers
vaudois fondés par Paul Budry, C. F. Ramuz et Edmond Gilliard rassemblèrent de 1914
à 1920 la plupart des meilleurs écrivains vaudois de cette époque. Cherchant une voie
nouvelle, ils ont travaillé à affirmer la spécificité d'une littérature enracinée
dans l'héritage du Pays de Vaud, cela en particulier contre la domination culturelle de
Paris. Ils s'opposèrent à leurs prédécesseurs romands immédiats car, pour eux, ils
représentaient une tradition littéraire helvétique, académique et formaliste parfaitement désuète. C'est ainsi que des poètes de grande valeur, tels Juste Olivier
et Eugène Rambert, d'excellents romanciers tel Urbain Olivier ou des peintres de génie,
tels Paul Robert et Eugène Burnand, sont injustement tombés dans l'oubli.
9 Collectif, Nouveau Français :
Ruine ou Renouveau ?, A.V.P.C., Lausanne.
10 C. F. Landry, Bord
du Monde, Éditions Rencontre, Lausanne, 1970, p. 136-137.
11 Roger Barilier, Egalité
et Justice, Nouvelle Revue de Lausanne, le 10.3.1984.
12 L'expression est
de Rousas J. Rushdoony, Intellectual Schizophrenia. Culture, Crisis and Education, Presbyterian and Reformed, Philadelphia, 1978.
13 Sur ce sujet
important, voyez les ouvrages fondamentaux de Rousas J. Rushdoony, The Philosophy of
the Christian Curriculum, Ross House Books (P.O. Box 67, Vallecito, California 95251
USA), 1981 ; G. North (Ed.), Foundations of Christian Scholarship, Ross House
Books, Vallecito, 1976.
14 Cette conclusion s'inspire très largement de l'étude de. C.
K. Cummings, Le But d'une École chrétienne : aider les parents chrétiens à assumer
leurs responsabilités envers Dieu et envers leurs enfants, extrait de l'ouvrage
collectif, The Purpose of a Christ-Centered Education, Presbyterian and
Reformed, Phillipsburg, New Jersey, 1979.
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