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Le chrétien face à l'homosexualité [1]

Jean-Marc Berthoud

Introduction

Le titre de mon exposé contient deux termes. D’une part, nous avons le mot de « chrétien », de l’autre celui d’« homosexualité ». Ce qui relie ces deux termes est le mot « face ». Avant d’entrer dans le vif de notre sujet qui traitera avant tout de l’enseignement de la Bible face au phénomène de toujours qu’est l’homosexualité il nous faut dire quelques mots pour éclaircir le sens de l’expression « chrétien ». Ce sera l’objet de notre introduction.

Que peut bien vouloir dire le mot « chrétien » aujourd’hui, à une époque où sous cette expression est affirmé des positions spirituelles et doctrinales les plus contraires ? Si dans un passé encore relativement proche les chrétiens, se définissant à l’intérieur de dénominations fortement marquées, manifestaient une certaine facilité à se lancer des anathèmes les uns aux autres, aujourd’hui nous nous trouvons dans une situation toute différente. Les barrières verticales entre les confessions sont largement tombées avec pour résultat une grande confusion doctrinale et spirituelle. Si le terme « chrétien » est devenu une expression très floue, il en est de même, en conséquence de l’épanouissement de l’esprit œcuménique, en ce qui concerne le sens d’identité propre aux membres des diverses dénominations chrétiennes. On ne sait plus guère aujourd’hui ce que veut dire être « réformé », ou « luthérien », ou même « évangélique ». Partout nous constatons une véritable perte d’identité dénominationnelle. Il est même devenu difficile pour un catholique romain pratiquant (malgré une certaine persistance de l’exercice du magistère dans cette Église) de savoir ce que peut bien être le contenu exact de la foi  qu’il affirme être sienne. C’est ce que nous laisse que trop clairement percevoir le texte ni figue ni raisin sorti des discussions entre théologiens luthériens et catholiques romains sur la justification. Il en va de même pour ce qui concerne les accords entre évangéliques et catholiques romains dans le même domaine. Les exemples pourraient aisément être multipliés. Tant les uns, que les autres semblent avoir perdu le sens de leur propre identité. Cependant il nous faut bien reconnaître que l’Église romaine, malgré la grande confusion qui règne aujourd’hui en son sein, maintient encore (du moins dans sa hiérarchie) un certain cap dans la persévérance de sa démarche diplomatique théologique visant à attirer dans le giron de la Mère-Église autant de frères égarés que possible.

Pour celui qui veut se confesser chrétien d’une manière plus ou moins cohérente cette difficile quête d’identité est encore aggravée par le puissant mouvement syncrétiste qui, depuis plus de dix ans, a si fortement pris la relève de l’œcuménisme. De telles confusions ne rendent guère aisé le traitement de notre thème. Car sur la question que nous traitons ce soir, il règne aussi au sein du Christianisme la plus grande des confusions. Pour ne parler que de mon pays la Suisse il serait difficile de s’y faire une opinion précise et cohérente face au phénomène homosexuel en se basant sur les avis plus que contradictoires exprimés par les divers milieux qui chez nous se réclament du Christianisme. Il suffit pour constater l’extrême diversité des avis qui se prétendent tous « chrétiens » que de prendre les controverses qui ont entouré la fameuse Gay Pride de Sion qui, l’été passé, a si vivement défrayé la chronique en Suisse romande. De son côté, l’Évêque de Sion après avoir mis le feu aux poudres en traitant la démonstration homosexuelle de véritable « tentation diabolique », fit rapidement marche arrière, sous la pression violente des médias et des milieux politiques largement acquis aux thèses avancées par le lobby homosexuel. Il en vint à maintenir son opposition de principe tout en affirmant urbi et orbi la grande tolérance de l’Église face aux comportements sociaux minoritaires. L’Église Protestante (qui elle se dit « réformée ») du Valais, fidèle en ceci à son pluralisme moral et doctrinal, s’empressa d’ouvrir son lieu de culte à une célébration homosexuelle. Les évangéliques (charismatiques ou non) brillèrent comme de coutume par leur absence d’engagement, du moins en ce qui concerne le plan discernable publiquement. La seule opposition chrétienne à cette manifestation fut celle, vigoureuse et des plus visible, de jeunes laïcs traditionalistes partisans du Séminaire d’Écône fondé par Mgr Marcel Lefebvre qui voyaient avant tout dans cet étalage au grand jour de l’homosexualité une offense contre Dieu et un danger pour la jeunesse. Ceci d’autant plus que cette démonstration avait comme thème premier l’introduction nécessaire de l’éducation à l’homosexualité dans les écoles publiques du canton du Valais. Il est significatif que ces traditionalistes catholiques furent rejoints dans leur opposition indignée à cet étalage du vice au grand jour par un petit groupe de chrétiens rattachés à la petite Église évangélique baptiste de Sion dont les convictions réformées fortement anti-catholiques sont bien connues dans ce canton.

Comment s’y retrouver dans une pareille confusion ? Où donc placer le point de vue véritablement chrétien ? Car nous sommes convaincus que dans le domaine éthique – ici celui de la portée et du sens du phénomène homosexuel – il existe bel et bien une position qui soit spécifiquement et de manière précise (c’est-à-dire non équivoque) conforme aux enseignements normatifs, immuables et infaillibles de la Bible. Comment alors discerner une telle position doctrinale dans le galimatias de la multiplicité des positions qui toutes se réclament du christianisme authentique ?

Nous ne répondrons évidemment pas de manière exhaustive à une pareille question ce soir. Mais pour bien faire comprendre la portée de nos remarques sur le sujet difficile et délicat que nous avons à traiter, quelques remarques sont cependant nécessaires.

Qu'entendons-nous par le mot « chrétien » qui figure dans notre titre ? Qu’est-ce donc que ce « christianisme » dont nous osons nous réclamer ? Il nous faut ici bien distinguer entre ce que nous appelons le « christianisme historique » et ce que nous nommons, faute d'une meilleure expression, le « christianisme moderne ». La distinction sur laquelle nous attirons votre attention ne porte plus sur la différentiation verticale (ou confessionnelle) entre les diverses branches de l'Église (orthodoxe, catholique romaine, protestante ou évangélique), mais elle est une démarcation horizontale qui traverse l’ensemble des éléments dont l’Église universelle est composée. Au sein de toute dénomination chrétienne vous trouverez (dans des proportions fort diverses) aussi bien des partisans de la foi chrétienne historique, que des adeptes de sa version dite « moderne ». Comment alors distinguer la foi historique de sa version moderne ?

La question essentielle concerne l'attitude du « croyant » face à la Bible.

—La Bible – la Tanak juive (connue par nous sous le nom d’Ancien Testament) et le Témoignage apostolique (ce que nous appelons le Nouveau Testament) – est-elle la Parole inspirée de Dieu, et en tant que telle, l'autorité finale pour l'enseignement et la pratique de la foi chrétienne ?

— Ou bien la Bible juive et chrétienne est-elle uniquement une parole humaine, certes spirituellement et moralement utile et qui inspire nos pensées et nos actions mais qui, comme toute entreprise humaine est forcément faillible ? Elle n’est dans ce cas d’aucune manière normative pour tous les hommes, en tous lieux et de tout temps.

Cette question d'autorité finale est au cœur de toute foi religieuse, même de celle que nous appelons « christianisme moderne » qui place elle son autorité dans la raison et dans les sentiments des hommes. Cette autorité n'est-elle qu'humaine, comme c’est le cas dans la version « moderne » de la foi chrétienne ? A-t-elle alors uniquement une attitude « rationnelle », « scientifique », « expérimentale », bref « critique » à l'égard de la révélation divine, la Bible ? Ou bien l'autorité de la Tanak et du Témoignage apostolique est-elle reconnue comme pleinement divine, comme l'affirme explicitement la foi chrétienne historique ? Car pour cette dernière l'autorité finale en ce qui concerne la foi et les mœurs, l’intelligence et l’action est inscrite dans le détail de la texture verbale même de la Sainte Écriture ? Cette foi historique est celle de l'Orthodoxie d'Orient (Jean Chrysostome et le Père Justin Popovitch, par exemple), du catholicisme romain (Thomas d'Aquin et le Pape Pie X, par exemple), du protestantisme (Jean Calvin et Cornelius van Til, par exemple) et du mouvement évangélique (John Bunyan et Louis Gaussen, par exemple). Tous, malgré leurs divergences évidentes, tiennent fermement, à la suite du témoignage des Écritures, à l'infaillible autorité divine de la Bible.

Nous présentons quatre critères qui nous permettent de distinguer la foi chrétienne historique (que nous faisons nôtre) de ce que nous considérons être son travestissement moderne :

— Premièrement, dans la perspective de la foi chrétienne historique, le critère absolu pour définir ce qu’est l’homosexualité, critère qui déterminera l’attitude que tout chrétien qui se veut fidèle devra adopter à son égard, sera l'enseignement spécifique que l’on pourra tirer à ce sujet de la Bible, tel qu'on le trouve dans la Tanak et dans le Témoignage apostolique. Une telle vérité normative ne peut se trouver ni dans la seule tradition de l'Église ni dans l'expérience de l'homme livré à lui-même ; elle ne peut se rencontrer ni dans les leçons si variées de l'histoire ni dans la diversité de points de vue que nous livre la sociologie. Je m'empresse d'ajouter qu'il n'est absolument pas question ici de négliger toute information utile apte à faciliter notre lecture du texte sacré et que l'on peut glaner dans ces différents domaines de la recherche humaine. Mais pour celui qui se réclame de la foi chrétienne historique, seule l’Écriture Sainte est, en fin de compte, habilitée à déterminer la signification et la portée de ces données empiriques.

— Deuxièmement, la foi chrétienne que nous défendons a un caractère à proprement parler historique. Je veux dire par cela que, dès le début de l'histoire de l’Église, la confrontation entre la foi chrétienne historique et les erreurs qui n'ont cessé de l'assaillir, ont conduit à un approfondissement de sa compréhension de ses propres affirmations doctrinales et à un meilleur discernement des erreurs qui cherchent constamment à la détruire. C’est ainsi que d’une seule voix la foi chrétienne historique confesse les symboles essentiels de l'Église première : le Symbole des Apôtres, la Confession de Nicée et les définitions du Concile de Chalcédoine, qui demeurent toutes fidèles au fondement scripturaire, lui seul finalement normatif. Dans notre entreprise de recherche d’une définition chrétienne de l’homosexualité et du sens véritable de ce comportement, nous tiendrons compte de cette accumulation de sagesse doctrinale soigneusement accumulée par l’Église au cours des siècles. Les attaques dirigées, surtout aujourd'hui, contre le point de vue du Christianisme historique sur l’homosexualité nous obligent à mieux comprendre la nature, le caractère et les effets de ce phénomène.

— Troisièmement, la Foi chrétienne historique se base sur une épistémologie réaliste. Ce qui veut dire que le contenu intellectuel de la foi peut être formulé par des concepts soigneusement définis. Donc, si ces concepts sont dogmatiquement et logiquement vrais, l’affirmation de leur contraire doit nécessairement être fausse. En ce qui concerne l’homosexualité, il est donc possible, du point de vue de la foi chrétienne historique, de définir avec précision ce que la Bible nous enseigne sur la nature et sur les effets du phénomène homosexuel tant sur les plans personnel et social que physique et spirituel.

— Et finalement, la foi chrétienne historique ne consiste pas seulement en une doctrine, mais elle est également et indissociablement une façon de vivre, une obéissance éthique, sociale et personnelle, reçue comme une grâce, un cadeau de Dieu. Elle cherche donc à se conformer à la volonté révélée de Dieu, à sa Loi, contenue dans l'Écriture entière, le Tanak et le Témoignage apostolique. Avec le secours de la grâce de Dieu il est possible de marcher dans une croissante fidélité à la volonté divine. Ceci veut dire que dans le contexte de la foi chrétienne historique, ce que nous découvrons dans l’Écriture sur le rôle et sur la signification du phénomène homosexuel doit nous conduire à des actes d’obéissance sur le plan personnel et public, familial et ecclésial mais aussi au niveau des lois de la Cité. C’est cet aspect pratique de la foi chrétienne historique qui permet à ceux qui sont emprisonnés dans ce mode de vie anormal qu’est l’homosexualité [2] d’avoir la ferme espérance de pouvoir en être graduellement et durablement délivrés par l’œuvre salutaire du Seigneur Jésus-Christ.

C’est à cette tâche de discernement biblique que nous allons maintenant tenter de nous atteler.

 

I. L’homosexualité perçue du point de vue des structures de la création

Il n’est guère possible de parler, ni de la rédemption, ni de l’éthique sans d’abord nous référer aux structures de la réalité établies par Dieu au commencement pour l’ensemble de ce que nous appelons la nature, l’univers, ce que la Bible appelle le monde, le cosmos. C’est un des buts principaux des deux premiers chapitres de la Genèse de nous décrire le déploiement majestueux par Dieu de cet ordre à la fois cosmique et humain. C’est seulement sur ce fondement d’une métaphysique biblique créationnelle que peut ensuite se construire une éthique véritablement scripturaire et même une doctrine cohérente et satisfaisante de la rédemption.

Au commencement Dieu créa le ciel et la terre.
La terre était informe et vide ;
il y avait des ténèbres à la surface de la terre,
mais l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux.
(Genèse 1 : 1-2)

De rien de pré-existant – ex nihilo – Dieu créa souverainement le domaine spirituel, le ciel, et le domaine physique, la terre. Mais la terre était informe et vide. C’est-à-dire que l’univers venu à l’existence n’avait pas encore ni sa forme définitive, ni son peuplement. Ce fut l’œuvre des six jours de compléter, de parfaire l’œuvre divine commencée [3]. Pendant ce temps Dieu ordonne et peuple la terre. Cette œuvre est celle d’une différentiation progressive. La lumière est séparée des ténèbres. Une étendue – l’atmosphère – sépare les eaux d’en bas, l’océan primordial, des eaux d’en haut, les nuées. Ensuite la terre est séparée des eaux pour former les continents et les mers. Sur cette terre libérée de l’océan primitif Dieu fait croître la végétation, chaque plante se reproduisant selon la stabilité de son espèce. Puis dans l’étendue il place des astres, le soleil,  la lune et les étoiles, chacun à la place qui est la sienne. Il peuple ensuite les mers des êtres aquatiques et le ciel des oiseaux, eux aussi fixés dans leur essence, chacun se reproduisant fidèlement selon son espèce. Enfin, au sixième jour Dieu façonne de la terre les animaux qui eux aussi se reproduisent selon leur espèce et l’homme enfin, image même de Dieu et couronnement de toute la création. Le dernier acte proprement créateur de Dieu fut celui de la femme.

Si j’ai brièvement évoqué l’œuvre créatrice divine, œuvre par laquelle il différencie progressivement et de manière stable sa création initiale, c’est que ces deux premiers chapitres de la Bible nous donnent de manière concrète une description des catégories divines à partir desquelles la création a été ordonnée. Ces catégories ont la stabilité même de la Parole divine qui les a créées. Cet ordre créationnel, cet ordre de nature, ne change pas, ne peut pas changer jusqu’au jour où il sera entièrement renouvelé dans la nouvelle création. Il s’agit en fait des fondements métaphysiques de la réalité créée. Si l’ordre originel de l’univers est aujourd’hui profondément affecté par les effets du péché de l’homme, il n’en est pas pour autant aboli. L’ordre créationnel n’est en rien ébranlé dans son essence par la chute. C’est ce que nous dit clairement Dieu lui-même dans des oracles donnés au prophète Jérémie :

Ainsi parle l’Éternel,
Qui donne le soleil pour éclairer le jour,
Les phases de la lune et des étoiles pour éclairer la nuit,
Qui soulève la mer et fait mugir ses flots,
Lui dont le nom est l’Éternel des armées :
Si ces lois viennent à cesser devant moi,
– Oracle de l’Éternel –,
La descendance d’Israël aussi cessera
Pour toujours d’être une nation devant moi.
(Jérémie 31 : 35-36)[4]

Ces paroles rappellent la promesse de Dieu faite à Noé après le Déluge :

L’Éternel dit en son cœur : Je ne maudirai plus le sol, à cause de l’homme, parce que le cœur de l’homme est disposé au mal dès sa jeunesse ; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l’ai fait. Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront pas.

(Genèse 8 : 21-22)

C’est ainsi que de la manière la plus péremptoire Dieu affirme la stabilité de l’ordre de sa création, cet ordre que nous avons vu être établi par lui durant les six jours où furent créés le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent. Et cet ordre divin, établi par Dieu sur la terre, inclut la distinction d’essence substantielle fondamentale à l’existence de l’espèce humaine, la distinction entre l’homme et la femme.

Voici ce que dit notre texte fondateur à ce sujet :

Dieu dit :
Faisons l’homme à notre image
selon notre ressemblance,
pour qu’il domine sur les poissons de la mer,
sur les oiseaux du ciel, sur le bétail,
sur toute la terre
et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.
Dieu créa l’homme à son image :
Il le créa à l’image de Dieu,
Homme et femme (littéralement mâle et femelle), il les créa.
(Genèse 1 26-27)

Ce récit de l’acte créateur ultime de Dieu est placé à la fin du sixième jour. Il est complété au deuxième chapitre de la Genèse par le récit plus détaillé de la formation de la femme.

L’Éternel forma du sol
tous les animaux des champs
et tous les oiseaux du ciel.
Il les fit venir vers l’homme
pour voir comment il les appellerait […]
Mais pour l’homme, il ne trouva pas
D’aide qui fût son vis-à-vis.
Alors l’Éternel Dieu forma une femme
de la côte qu’il avait prise à l’homme
et il l’amena vers l’homme.
Et l’homme dit :
Cette fois c’est l’os de mes os,
La chair de ma chair.
C’est elle qu’on appellera femme,
Car elle a été prise de l’homme. (Genèse 2 : 22-23)

Ce récit établit des distinctions capitales pour notre propos. D’abord est affirmée la distinction essentielle entre l’homme et les animaux, car il ne peut reconnaître un être qui soit son vis-à-vis, son semblable auprès d’eux. Malgré certaines ressemblances, l’homme appartient à un ordre distinct, foncièrement différent de celui des animaux. La femme, tirée du côté de l’homme est, elle, par ce fait capital, vraiment son vis-à-vis, son semblable, très littéralement os de ses os, chair de sa chair. Le nom qu’Adam donne à l’épouse que Dieu lui présente manifeste à la fois cette ressemblance et la différence radicale qui les distingue de manière essentielle. L’homme mâle se dit ici Isch, la femme, le vis-à-vis d’Adam est nommé par lui Ischa. Nous savons que dans la pensée biblique, le fait de nommer manifeste non seulement l’autorité de celui qui nomme sur ce qui est nommé mais, plus encore, atteste la nature même de l’objet défini par le nom qui lui est donné. Ainsi Adam en reconnaissant en Eve sa compagne, affirme à la fois sa ressemblance et sa différence. Il déclare pour toujours l’unité de l’espèce humaine créée toute entière à l’image et à la ressemblance de Dieu, et affirme la différence fondamentale entre l’homme et la femme, leur distinction essentielle, leur complémentarité bienheureuse. Le récit divin de la création de la femme continue :

C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère
Et s’attachera à sa femme,
Et ils deviendront une seule chair.
(Genèse 2 : 24)

Ce texte a un caractère métaphysique fondateur. C’est lui qui définit l’ordre créationnel, l’ordre de nature, en ce qui concerne l’homme et la femme et les rapports qu’ils doivent entretenir. Ce détachement du mari de ses parents et son attachement à sa femme a pour but qu’ils constituent ensemble une seule chair, ce qui signifie l’union conjugale, mais aussi le fruit de cette union, l’enfant qui en naîtra normalement, enfant qui, comme nous le savons aujourd’hui de la manière la plus péremptoire est constitué, dans une seule chair, des gènes tant de la mère que du père. On comprend bien ici à quel point il est criminel (et contre-nature) que l’homme en vienne à séparer ce que Dieu a uni. L’homme, en quittant son père et sa mère fonde un nouveau foyer. La femme passe, elle, de l’autorité du père à celle de son mari, de la protection du foyer paternel à celle du foyer conjugal. C’est ici qu’est établi l’ordre définitif, l’essence, la substance même de la relation entre l’homme et la femme.

Ces considérations sur l’ordre créationnel nous amènent à mieux saisir la nature du péché. La Bible connaît différentes manières de définir le péché : manquer le but fixé par Dieu en est une ; une autre se trouve dans le fait de s’adonner à l’impureté, à tout ce qui est contraire à la sainteté de Dieu ; encore une autre, celle-ci mieux connue, est l’acte de désobéissance aux commandements de Dieu. Une forme essentielle du péché, forme dont nous ne tenons pas assez compte, est celle qui consiste à rejeter l’ordre de Dieu, à préférer le désordre issu de l’imagination pécheresse de l’homme à la soumission à l’ordre divin. Comme le dit l’apôtre Paul,

Dieu n’est pas un Dieu de désordre,
Mais de paix.
(I Corinthiens 14 : 33) [5]

Nous nous approchons ainsi du sujet de notre exposé. Car notre texte ne dit pas :

« C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère
Et s’attachera à son homme,
Et ils deviendront une seule chair. »

Ni encore :

« C’est pourquoi la femme quittera son père et sa mère
Et s’attachera à sa femme,
Et elles deviendront une seule chair »,

C’est pourtant ce que prétendent en fait ceux qui défendent l’erreur de considérer non seulement l’homosexualité comme une forme normale et légitime de l’amour humain, mais encore qu’une telle relation devrait être reconnue comme une forme institutionnelle légale du mariage. Dans un tel renversement de l’ordre créationnel, nous avons affaire à un désordre naturel, à un acte pervers commis contre l’ordre créationnel orignal. Avant d’être un péché, l’homosexualité est un acte contre-nature, un acte de révolte qui se dresse contre l’ordre de la création lui-même et, en fin de compte, contre le Concepteur et l’Auteur divin de cet ordre créé.

 

II. L’homosexualité sous le regard de la loi juive, de la Thora

Dans une telle perspective, la législation contenue dans la Thora juive par rapport à l’homosexualité devient beaucoup plus compréhensible, car il s’agit de réprimer des actes qui s’opposent à l’ordre de la création, actes qui renversent l’ordre créée lui-même. En fait nous n’avons pas à faire ici à de simples péchés, comme le vol ou même l’adultère, actes nuisibles qui se manifestent à l’intérieur de l’ordre créé, mais à des actes qui renversent cet ordre lui-même. Mais qu’est-ce en fait que l’homosexualité ? Greg Bahnsen, dans son excellente étude consacrée à « L’homosexualité, un point de vue biblique », donne la définition suivante que nous faisons nôtre, du mot « homosexuel » :

«… le terme homosexuel sera utilisé ici pour une personne, mâle ou femelle (ce qui inclut les lesbiennes), qui entretient des relations sexuelles avec des membres du même sexe, ou qui désire le faire [6]. » 

Avant d’évoquer les exigences de la Loi mosaïque, reflet de la Loi éternelle, de la pensée même de Dieu et écho parfait de la loi naturelle inscrite dans la conscience de tous les hommes, il nous faut dire un mot sur la situation de ceux qui souffrent de tentations homosexuelles, qu’ils soient hommes ou femmes. Il faut soigneusement distinguer ceux qui subissent de telles tentations de ceux qui s’y livrent et, plus encore, des fanatiques du lobby homosexuel mondial. La tentation homosexuelle n’est pas en elle-même un péché, pour autant qu’on ne s’abandonne pas intérieurement à cette tentation et qu’on ne s’y livre pas physiquement. Le chrétien, ou le non chrétien, peut lutter contre de telles tendances et, comme le témoignent ceux qui sont sortis de cet enfer narcissique, il peut vaincre de telles tentations. De tels hommes et femmes devraient, bien plutôt, être aidés que jugés dans les Églises. Il existe heureusement des groupes qui se consacrent à venir en aide à de telles personnes en grande détresse morale [7]. Pour ce qui concerne les homosexuels qui pratiquent ouvertement leur vice et qui veulent l’imposer à la société comme étant une forme normale de la sexualité, il faut trouver des moyens appropriés pour rendre leurs actions inopérantes. Ils peuvent certes eux-aussi sortir de ce cercle néfaste, mais cela demande de leur part une réelle repentance, un changement de comportement et un renoncement complet à l’idéologie perverse qui faisait jusqu’alors leur raison de vivre. Le sang du Christ, son pardon acquis pour les pécheurs à la croix, est pleinement suffisant pour nous purifier de tout péché.

Que dit la Loi de Moïse sur cette question ? Regardons les textes qui traitent de ce sujet dans les chapitres 18 et 20 du Lévitique. Après l’interdiction de l’inceste sous ses différentes formes, de l’adultère, des sacrifices humains et des relations sexuelles pendant les règles, nous lisons les commandements suivants.

Je suis l’Éternel.
Tu ne coucheras pas avec un homme
comme on couche avec une femme.
C’est une horrible pratique.
Tu n’auras de rapports sexuels avec aucune bête,
pour te souiller avec elle.
La femme ne s’approchera pas d’une bête,
pour s’accoupler à elle.
C’est une confusion.
(Lévitique 18 : 21-23)

Ces lois reçoivent les commentaires suivants :

Ne vous souillez par aucune de ces pratiques,
car c’est par toutes ces choses
que se sont souillées les nations
que je chasse devant vous.
Le pays en a été souillé ;
je suis intervenu contre sa faute,
et le pays a vomi ses habitants.
Vous observerez donc mes prescriptions et mes ordonnances,
et vous ne commettrez aucune de ces horreurs,
ni l’autochtone, ni l’immigrant qui séjourne au milieu de vous.
Car ce sont là toutes les horreurs
qu’ont commises les hommes du pays,
qui y ont été avant vous ;
et le pays en a été souillé.
Ainsi le pays ne vous vomira pas à cause de vos souillures,
comme il aura vomi les nations qui y étaient avant vous.
Car tous ceux qui commettront une quelconque de ces horreurs
seront retranchés du milieu de leur peuple.
Vous observerez mon ordre,
et vous ne pratiquerez aucun des horribles principes
qui se pratiquaient avant vous ;
vous ne vous en souillerez pas.
Je suis l’Éternel votre Dieu.
(Lévitique 18 : 24-30)

Au chapitre 20 du même livre nous lisons encore :

Si un homme commet adultère avec une femme mariée,
s’il commet adultère avec la femme de son prochain,
l’homme et la femme adultères seront punis de mort.
Si un homme couche avec la femme de son père
et découvre ainsi la nudité de son père,
cet homme et cette femme seront punis de mort :
leur sang retombera sur eux.
Si un homme couche avec sa belle-fille,
ils seront tous deux punis de mort ;
ils ont fait une confusion :
leur sang retombera sur eux.
Si un homme couche avec un homme (littéralement un mâle)
comme on couche avec une femme,
ils ont commis tous deux une horreur ;
ils seront punis de mort :
leur sang retombera sur eux.
Si un homme prend pour femmes la fille et la mère,
c’est une infamie :
on les brûlera au feu, lui et elles,
afin que cette infamie n’existe pas au milieu de vous.
Si un homme a des rapports sexuels avec une bête,
il sera puni de mort ; et vous tuerez la bête.
Si une femme s’approche d’une bête,
pour s’accoupler avec elle,
tu tueras la femme et la bête ;
elles seront mises à mort :
leur sang retombera sur elles.
(Lévitique 20 : 10-16)

Voici pour le livre du Lévitique.

Voyons maintenant ce qu’enseigne le Deutéronome sur d’autres infractions de la loi sur les relations sexuelles, lois où nous pourrons constater l’importance que la Thora juive accorde à la protection du mariage et à la préservation de la pureté des relations conjugales.

Si l’on trouve un homme couché avec une femme mariée,
ils mourront tous deux.
L’homme qui a couché avec la femme,
et la femme aussi.
Tu extirperas ainsi le mal du milieu de toi.
Si une jeune fille vierge est fiancée à quelqu’un,
et qu’un homme la rencontre dans la ville et couche avec elle,
vous les ferez sortir tous deux à la porte de la ville,
vous les lapiderez, et ils mourront,
la jeune fille pour n’avoir pas crié dans la ville,
et l’homme pour avoir fait violence à la femme de son prochain.
Tu extirperas ainsi le mal du milieu de toi.
Mais si c’est dans la campagne
que cet homme rencontre la jeune fille fiancée,
si l’homme la saisit et couche avec elle,
l’homme qui aura couché avec elle sera seul puni de mort.
Tu ne feras rien à la jeune fille ;
la jeune fille n’est pas coupable d’un péché passible de mort ;
c’est comme si un homme
se dressait contre son prochain pour lui ôter la vie.
La jeune fille fiancée,
que cet homme a rencontré dans les champs,
a pu crier sans qu’il y ait eu personne pour la sauver.
Si un homme rencontre une jeune fille vierge non-fiancée,
l’empoigne et couche avec elle,
et qu’on les découvre,
l’homme qui aura couché avec elle
donnera au père de la jeune fille cinquante (pièces) d’argent ;
et, parce qu’il lui a fait violence,
il la prendra pour femme
et il ne pourra pas la renvoyer, tant qu’il vivra.
(Deutéronome 22 : 22-29)

Le livre de l’Exode donne les précisions suivantes pour ce qui concerne ce dernier cas.

Lorsqu’un homme séduira une vierge qui n’est pas fiancée,
et qu’il couchera avec elle,
il paiera sa dot,
puis il la prendra pour femme.
Si le père refuse net de la lui accorder,
il paiera en argent la valeur de la dot des vierges.
(Exode 22 : 15-16)

Ces différentes lois sur les rapports sexuels sont l’application casuistique, c’est-à-dire suivant les cas particuliers, du septième commandement :

Tu ne commettras pas d’adultère.
(Exode 20 :14 et Deutéronome 5 : 18)

Nous voyons ici à quel point la loi de Dieu tient compte des cas particuliers. Il est évident, par exemple, que le couple de jeunes amoureux qui couchent ensemble par imprudence et par excès de passion est traité fort différemment des amants adultères qui détruisent l’alliance divine sacrée du mariage, ou ceux qui défient non seulement la loi de Dieu, mais l’ordre de nature lui-même, en couchant avec des personnes de leur propre sexe, ou encore avec des animaux. Pour les premiers il y obligation de mariage. Pour les autres la peine capitale. Regardons brièvement ce que nous enseigne les commandements du Lévitique relatifs aux relations homosexuelles.

— 1/. Premièrement, de tels actes publiquement connus sont considérés par le droit juif comme étant d’une extrême gravité. Comme l’homicide volontaire, l’adultère, l’inceste et la bestialité sont perçus comme dignes de la peine de mort. Pourquoi une telle sévérité ? Une comparaison du droit hébraïque biblique avec les systèmes juridiques du Moyen Orient Ancien, tels les droits assyriens, hittites ou babyloniens révèle une certaine modération dans la Thora en ce qui concerne l’application de la peine de mort à des actes criminels spécifiques. Comme l’a montré très justement Roland de Vaux [8], tous les cas de peines capitales dans le droit hébraïque peuvent se résumer sous un seul chef : des offenses publiques contre Dieu. De manière directe par des blasphèmes publics, la fausse prophétie et des actes de magie et de sorcellerie, etc. ; de manière indirecte en attaquant les deux aspects de l’image de Dieu dans la création : a) l’image spécifique de Dieu, l’homme, dont l’intégrité et la vie sont protégés par la peine capitale ; b) la famille, image de la famille céleste (la Sainte Trinité) dont l’intégrité et la vie sont également protégées par la peine capitale. C’est dans cette perspective de la protection de la famille comme image divine que le droit hébraïque a établi la peine de mort pour des actes homosexuels publics, comme pour l’adultère, l’inceste et la bestialité. Ces diverses perversions par rapport à l’ordre biblique du mariage sont sévèrement réprimées par le droit hébraïque biblique. L’infraction de ces lois entraînaient des peines exemplaires pour ceux qui les enfreignaient.

— 2/. La deuxième chose à relever est la conséquence qui découle pour une nation ou un peuple d’ignorer volontairement et de rejeter les implications juridiques de ces commandements. Les peines exemplaires édictées par la Thora juive contre les crimes les plus graves qui portent atteinte à l’intégrité et à la vie de la famille sont avant tout une protection de la société contre sa tendance à opérer sa propre destruction. Si de tels crimes sont tolérés dans une quelconque société, nous dit notre texte, s’ils sont cautionnés par le laxisme des tribunaux et, pire encore, s’ils en viennent à être légitimés par des lois qui institutionnalisent le crime, la conséquence inéluctable sera la destruction de la nation elle-même. Notre texte est particulièrement clair : la terre elle-même vomira les habitants d’un pays qui tolère de telles abominations sur son sol, qui les cautionnent juridiquement ou qui les légitiment institutionnellement. De tels actes, nous disent notre texte, poussent la création elle-même à rejeter de son sein les peuples qui font de ces mœurs perverties une pratique courante acceptable à l’ensemble du peuple.

Le commentaire de John Hartley est ici fort approprié :

Pour Israël, un lien étroit existe entre le comportement des habitants d’un pays et la fécondité sol. Quand le peuple obéit aux lois de Dieu, Dieu bénit la terre qui produira en conséquence d’abondantes récoltes. Mais si le peuple se pollue par des pratiques immorales, tout particulièrement dans le domaine sexuel, pratiques semblables à celles de ses occupants précédents, il rend la terre impure. La terre deviendra si dégoûtée par de tels comportements qu’elle vomira ses habitants. C’est Dieu lui-même qui lui administrera l’émétique qui incitera le sol à vomir ses habitants. La guérison de cette terre souillée ne peut être obtenue qu’en se débarrassant de ce qui la rendait malade [9].

Une telle vision du rapport étroit entre l’ordre du cosmos et le comportement des hommes nous est devenue largement étrangère depuis la révolution scientifique du XVII e siècle, transformation du cadre de la pensée qui sépara de manière erronée ce qui serait considéré comme « scientifique », de ce qui ne le serait pas, reconnaissant comme vérité « objective » que ce qui se soumet aux règles des nouvelles sciences. Cette nouvelle façon de voir à laquelle nous sommes tous plus ou moins inféodés, en débarrassant la pensée des modernes de la conception biblique (et vraie !) de l’alliance divine établie avec l’ordre créé, refuse à l’homme sa place de vice-roi de toute la création et rejette ainsi toute idée que les actes moraux ou immoraux des hommes puissent interférer sur le fonctionnement de la nature, en bien comme en mal.

Prenons une comparaison tirée de la médecine moderne. Lors de la greffe d’un organe, on constate souvent le phénomène du rejet : l’organisme ne supporte pas ce corps étranger et s’en débarrasse. De la même manière la création défend elle-même l’ordre dans lequel Dieu l’a constituée et rejette de son sein les peuples qui se corrompent de cette façon. Comment cela se produit-il ? Souvent par l’autodestruction d’une société qu’entraîne de telles pratiques. La destruction, par les mœurs perverses que réprouvent nos textes, de l’ordre créationnel social premier qu’est celui de la famille, cellule fondatrice de toute société, entraîne à terme la destruction de la société elle-même. On ne peut construire une société en allant à l’encontre des règles qui la constituent. Il est parfaitement clair, pour ne prendre qu’un exemple, qu’une société largement constituée d’homosexuels ne peut se reproduire physiquement. La parodie d’une sexualité normale pratiquée ainsi entre personnes d’un même sexe ne peut être qu’intrinsèquement stérile. Une cause essentielle de la crise démographique que connaissent toutes les sociétés industrialisées aujourd’hui, et ceci sur toute la surface de la terre, provient de manière importante de la tolérance et même de l’approbation que rencontrent ces mœurs, aussi perverses que désordonnées, si sévèrement (et si salubrement) condamnées par les textes de la Thora juive que nous avons sous les yeux [10].

— 3/. Il y a plus encore. De tels actes, dont l’homosexualité, sont, nous dit notre texte, considérés par Dieu comme des « horreurs », des « abominations ». L’expression hébraïque est celle de to ebah, dont la racine a pour sens « haïr, avoir horreur de ». Une abomination dans la Bible est quelque chose qui est détestable pour Dieu, dont il a horreur. Il s’agit d’un mal parvenu à son comble, à son aboutissement pervers ultime. C’est en ceci qu’il appelle immanquablement le jugement définitif de Dieu. Si l’autorité publique ne réprime pas de telles actions et ne les extirpe pas du sein de la société, c’est Dieu lui-même qui s’en chargera. C’est ce que nous fait voir la destruction de Sodome et Gomorrhe au temps d’Abraham et de Lot et la destruction des nations habitant le pays de Canaan, par le feu et le fer des armées d’Israël, au temps de Josué. C’est non seulement la nature, l’ordre toujours actuel de la création, la terre elle-même qui vomit les peuples qui se livrent à de telles mœurs, mais bien plus encore, Dieu lui-même en a une sainte horreur.

— 4/. Enfin nos textes nous parlent de la bestialité (Lévitique 18 : 23) et des rapports incestueux (Lévitique 20 :12) comme d’une « confusion ». Cette notion de « confusion » s’applique à toute déviation du comportement sexuel par rapport à l’ordre créationnel que nous examinons ici. La pureté ou la sainteté dans la Bible n’est pas du ressort simplement des catégories morales rationnelles. Elles consistent en fait à garder séparé ce que Dieu a établi comme séparé. L’impureté ou la profanation est le fait de mélanger ce qui devrait être gardé séparé. Il s’agit du péché considéré sous l’angle de la destruction de l’ordre créationnel. C’est cet aspect que relève Josef Pieper dans son ouvrage classique sur le péché :

Avant l’apparition de la modernité, tous partageaient la conviction commune que le premier et le plus décisif critère pour déterminer les normes de comportement dans tous le domaine de l’action humaine devait être la nature : ce que l’homme et les choses sont « par nature » est ce qui détermine le bien et le mal. En plus, l’expression « par nature » signifie essentiellement : en conséquence d’avoir été créé, en conséquence d’être une créature. En d’autres mots la « nature » de l’homme peut être presque entièrement identifiée avec son statut de créature [11].

Contrairement aux positions défendues par un Roger Garaudy ou un Jurgen Moltmann – en ceci dignes disciples de Jean-Jacques Rousseau – la liberté humaine ne part pas de zéro, ex nihilo, c’est-à-dire à partir d’une capacité de l’homme de déterminer librement par lui-même le bien et le mal, ceci sans référence à un ordre créationnel donné par le Créateur au commencement de l’univers. Cette position marxiste et néo-protestante n’est qu’une variante moderne du  péché originel. Pieper continue :

En réalité, toute action humaine qui entraîne notre responsabilité humaine, que nous soyons chrétiens ou non, ne peut être mise en mouvement qu’à partir de ce présupposé : tant le monde que l’homme sont des êtres appelés à l’existence en vertu de leur condition de créatures. En plus, en fonction de ce même présupposé – celui de notre réalité de créatures – nous sommes confrontés à un critère, une barrière, une norme qui détermine nos décisions, décisions qui ne sont jamais prises librement à partir du néant. Elles sont toujours des décisions provenant de la créature, et prises par nous en tant que créatures [12].

John Hartley, dans son Commentaire récent du livre du Lévitique nous explique ce caractère inéluctablement créationnel – et jamais autonome – des décisions humaines comme suit :

La cosmologie de l’Ancien Testament place des barrières entre le domaine de Dieu et le domaine humain et entre le domaine humain et le domaine animal ; tout mélange entre ces domaines est considéré comme non naturel, comme une confusion [13].

Bien d’autres catégories sociales tirées de l’ordre créationnel – telles hommes-femmes, jeunes-vieux, maîtres-serviteurs, enfants-parents, élèves-maîtres, souverain-peuple, etc. – pourraient ici être ajoutées. Mary Douglas dans son ouvrage De la souillure donne une excellente explication de ce principe biblique qui exige que nous nous conformions à ces catégories fondamentales, celles de ce qu’on peut appeler l’« ordre métaphysique premier » – à l’ordre cosmologique immuable, tel qu’il a été pensé par Dieu et tel qu’il est, lors de la création, sorti de ses mains et tel qu’il demeure aujourd’hui. Mary Douglas écrit :

Le mot « perversion » [utilisé parfois pour traduire le mot « confusion » dont nous examinons ici le sens et les implications] est une erreur significative du traducteur. L’original, en hébreu, est tebhel, qui signifie « mélange » ou « confusion ». […] Nous pouvons en conclure que la complétude est typique de la sainteté. Celle-ci exige également que les individus se conforment à leur classe, et qu’il n’y ait pas de confusion entre les différents groupes d’objets. […] La sainteté s’étend, selon d’autres préceptes encore, aux espèces et aux catégories. Les hybrides et autres confusions sont des abominations.

La célèbre anthropologue continue :

Etre saint, c’est distinguer soigneusement les différentes catégories de la création, c’est élaborer des définitions justes, c’est être capable de discrimination et d’ordre. C’est ainsi que toutes les règles relatives à la morale sexuelle sont des exemples de sainteté. L’inceste et l’adultère [et encore plus l’homosexualité et la bestialité] (Lévitique 18 : 6-20) sont contraires à la sainteté, puisqu’ils vont à l’encontre de l’ordre. La morale n’entre pas en conflit avec la sainteté, mais celle-ci consiste davantage à séparer ce qui doit être séparé qu’à protéger les doits des maris et des frères [14].

Nous voyons ainsi que selon l’enseignement de la Thora juive, selon les définitions morales et juridiques que nous donne la Loi d’Israël, ce péché, ce désordre métaphysique, moral et social que constitue l’homosexualité, est digne de la peine capitale ; qu’il conduira les peuples qui le tolèrent à disparaître, à être vomis par le sol qui les accueille ; qu’il est une horreur, une véritable abomination aux yeux de Dieu ; et enfin qu’il s’agit d’un mélange, une confusion qui met sens dessus dessous l’ordre même de la nature, celui des catégories créationnelles elles-mêmes. C’est ce dernier caractère qui conduisit Francis Schaeffer à caractériser l’homosexualité (comme c’est aussi cas pour le féminisme) comme constituant, en tout premier lieu, une déviation philosophique, une déviation dans l’ordre de la pensée, une confusion dans les termes, dans les catégories, désordre funeste aux conséquences mortelles. C’est le fruit inévitable de toute la philosophie moderne d’abord nominaliste avec Occam, puis subjectiviste avec Descartes, puis encore idéaliste avec Kant, dialectique, avec Hegel et enfin existentialiste avec Sartre. C’est le résultat, entériné par cette tradition philosophique délétère, de la séparation qu’opère la pensée moderne entre la science et la métaphysique d’une part, et de l’autre, entre une philosophie (moderne) en guerre contre la métaphysique et la théologie, la pensée même du Créateur.

C’est d’ailleurs ce que nous laisse comprendre l’apôtre Paul dans l’analyse définitive qu’il fait du phénomène homosexuel. C’est ainsi que notre analyse nous conduit tout naturellement à examiner ce que nous dit le Nouveau Testament, et plus spécifiquement le début de l’épître aux Romains, sur cette question.

 

III. L’homosexualité sous le regard de saint Paul, Docteur d’Israël et Apôtre des Gentils

Nous lisons dans le premier chapitre de l’épître de Paul aux Romains le texte suivant :

La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive car ce qu’on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, car Dieu le leur a manifesté.

En effet, les (perfections) invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient fort bien depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages.

Ils sont donc inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces ; mais ils se sont égarés dans de vains raisonnements, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous ; et ils ont remplacé la gloire du Dieu incorruptible par des images représentant l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles.

C’est pourquoi Dieu les a livrés à l’impureté, selon les convoitises de leurs cœurs, en sorte qu’ils déshonorent eux-mêmes leurs propres corps ; eux qui ont remplacé la vérité de Dieu par le mensonge et qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. Amen !

C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions déshonorantes, car leurs femmes ont remplacé les relations naturelles par des actes contre nature ; et de même les hommes, abandonnant les relations naturelles avec la femme, se sont enflammés dans leurs désirs, les uns  pour les autres ; ils commettent l’infamie, homme avec homme, et reçoivent en eux-mêmes le salaire que mérite leur égarement.

Comme ils n’ont pas jugé bon d’avoir la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à une mentalité réprouvée, pour commettre des choses indignes ; ils sont remplis de toute espèce d’injustice, de méchanceté, de cupidité, de perfidie ; pleins d’envie, de meurtre, de discorde, de fraude, de vice ; rapporteurs, médisants, ingénieux au mal, rebelles à leurs parents, sans intelligence, sans loyauté, sans affection, sans indulgence, sans pitié.

Et bien qu’ils connaissent le décret de Dieu, selon lequel ceux qui pratiquent de telles choses sont dignes de mort, non seulement ils les font, mais encore ils approuvent ceux qui les pratiquent.

(Romains 1 : 18-32)

Nous nous trouvons ici devant un texte qui établit, on pourrait dire, les structures de l’histoire théologique et métaphysique de l’homme déchu. Dans cette histoire du péché la question qui nous préoccupe, l’homosexualité masculine et féminine, trouve une place de choix. En fait ce phénomène moral particulier, nous enseigne notre texte, ne peut pas être considéré en dehors de l’histoire générale du péché, en dehors de l’histoire des relations du Dieu saint et juste avec une humanité qui s’est volontairement détournée de Lui. Nous n’allons pas, il est évident, nous livrer ici à une étude détaillée d’un texte aussi riche mais simplement tenter d’en indiquer brièvement les orientations fondamentales et les axes décisifs, ceci afin de nous permettre de mieux comprendre la place de l’homosexualité dans l’histoire des relations de Dieu avec les hommes.

 

1/. Au commencement Dieu

Par l’acte de création Dieu, en créant toutes choses, appose sur chacune d’elles la marque de son origine, le signe et le reflet de Celui qui en est le Concepteur et le Créateur. Ainsi nous dit notre texte, rien dans l’univers ne porte la marque du hasard ; tout parle haut et clair du Dieu Créateur. La vérité de l'origine divine et de la sagesse insondable et la puissance sans limite de Celui dont témoigne chaque détail de la création crève littéralement les yeux de tout homme qui vient dans ce monde. Les sens et l’intelligence des hommes leurs ont été donnés pour qu’ils puissent reconnaître le Créateur du cosmos au travers du témoignage clair et sans ambiguïté de ses oeuvres et en le reconnaissant pour le seul Dieu véritable lui accorder par son adoration l’honneur et la gloire qui Lui sont dus. 

2/. Après la bonté originelle, le péché et la chute de l’homme

Mais cette vérité première du Dieu Créateur, Sustenteur et Fin de toutes choses n’a pas été retenue par les hommes. Au lieu de se soumettre à Dieu, de l’adorer et de conduire leur pensée en fonction des catégories créationnelles divines, ils ont préféré enfermer cette Vérité par leurs actes injustes, c’est-à-dire réglées, non plus sur la pensée du Dieu Créateur et sur l’ordre de sa création telle qu’elle s’y révèle et telle qu’elle est confirmée par l’Écriture, mais sur leurs propres raisonnements fantaisistes. Parce qu’ils ont ainsi refusé les évidences de leurs sens et le raisonnement droit qui devait en découler, évidences et raisonnement qui devaient les conduire à adorer Dieu et à lui manifester leur reconnaissance pour tous ses bienfaits, Dieu les juge inexcusables et les abandonne à leurs propres vains raisonnements, c’est-à-dire à leur manière de penser en rupture avec les catégories divines, celles inscrites par le Créateur dans le cosmos et dans le fonctionnement de l’intelligence humaine et révélées infailliblement par son Esprit dans les Saintes Écritures. C’est ainsi que, devenu intellectuellement et spirituellement aveugles, ils se croient sages.

Mais leur condition véritable est bien différente de celle que, dans leur arrogance, ils imaginent être la leur. Leur émancipation intellectuelle et catégorielle des pensées de Dieu les ont plongés dans les ténèbres ; leur cœur s’est ainsi privé de la lumière divine qui éclaire toutes choses, de l’intelligence du Créateur, et, privés de cette lumière dans leur aveuglement spirituel insondable, ils se sont abandonnés au culte des idoles. Ayant substitué leurs vaines pensées aux catégories divines et créationnelles, ils ont remplacé le Créateur des cieux et de la terre par des simples créatures, l’homme corruptible, des oiseaux, des animaux et des reptiles.

Aujourd’hui nous devrions parler d’idoles philosophiques, culturelles, scientifiques, techniques et politiques, systèmes conceptuels sophistiqués construits à partir de la révolte du premier homme contre les catégories établies par Dieu pour ordonner sa création. Dans le monde moderne, cette révolte intellectuelle est allée jusqu’à façonner la réalité technique, sociale et politique en des systèmes de vie et d’action structurellement opposés à Dieu et qui nous tiennent prisonniers de structures artificielles anti-naturelles, immorales et impies d’où la pensée même du Créateur est structurellement exclue. 

3/. Le dérèglement moral de l’homme fruit de son dérèglement catégoriel et de l’idolâtrie qui en est l’inévitable conséquence

Ayant perdu ses repères intellectuels, étant éloigné de la vérité, l’homme est abandonné à ses émotions, à ses passions qui elles s’orientent dans n’importe quelle direction. Dans la structure créationnelle de l’homme la vérité tient la première place, la volonté la suit permettant de mettre la vérité en action et l’émotion couronne l’accomplissement du bien. Dans la structure déviée de l’homme pécheur c’est maintenant l’émotion, la passion, la convoitise humaine déréglée qui tient le premier rang, la volonté suit en esclave les passions déchaînées, libérées et le raisonnement (la vérité de jadis) vient en dernier lieu comme idéologie travaillant à justifier le triomphe du mal.

Le jugement de Dieu se manifeste alors sur de tels hommes. Il les abandonne à leurs propres desseins, les livre à l’impureté de leurs cœurs. Ils ne savent plus séparer le pur et l’impur, le saint et le profane, le bien et le mal selon les catégories créationnelles divines. Ils sont livrés au désordre, à des passions infâmes qui enfreignent non seulement les commandements de Dieu, expression de la nature sainte de Dieu et reflet de l’ordre de la création, mais remplacent la vérité de Dieu par le mensonge, c’est-à-dire par toutes sortes de catégories fausses de leur propre invention. A la fin, comme les politiciens qui prétendent nous gouverner, ils ne savent plus distinguer leur main droite de leur main gauche. 

4/. L’homosexualité : l’aboutissement d’un long processus de déviation intellectuelle, d’impiété et d’immoralité

Comme nous l’avons vu dans la première partie de cet exposé, l’œuvre des six jours de la création fut celle d’un ordre croissant, d’une ordonnance progressive de l’œuvre de Dieu, d’un mouvement vers une pleine perfection de l’univers. Le chemin que Paul décrit ici va dans le sens contraire. Il s’agit d’une véritable déconstruction par les hommes de l’ordre créé. Comme nous l’avons vu, la déconstruction de cet ordre divin a commencé par un refus de reconnaître la puissance et la sagesse de Dieu au travers du témoignage infaillible que lui rend ses œuvres. Puis l’homme s’est abandonné à l’idolâtrie ; il a remplacé le seul vrai Dieu par des imitations de sa propre confection. Enfin ce processus à conduit l’homme à se livrer, à être livré par Dieu, à toutes sortes de péchés. L’homosexualité est l’aboutissement du cheminement d’une civilisation dans le sens d’une véritable déconstruction spirituelle, intellectuelle et morale. L’homosexualisation d’une société n’est pas simplement la somme des perversions individuelles. Il ne s’agit pas ici d’un phénomène uniquement individuel et personnel. C’est la texture même de la société qui est transformée. C’est pour cette raison que le phénomène homosexuel est si souvent lié à la destruction des structures créationnelles de la famille : perte d’identité sexuelle des parents, abandon par le père de son rôle de chef de son épouse, de chef de son foyer (une véritable efféminisation) ; masculinisation dominatrice de l’épouse et de la mère, qui est le caractère véritable de ce qu'on nomme à tort le « féminisme ».

Cette homosexualisation du tissu social est le fruit d’un long processus de perte des catégories théologiques, morales et métaphysiques. Cette perte d’ordre intellectuel s’incarne, si on peut ainsi parler, dans une perte d’ordre dans toute la vie de la société. A l’ordre créationnel se substitue ce qui ressemble fort à l’anarchie sociale et politique ; au cosmos dans sa perfection, dans son entière bonté tel qu’il est sorti des mains du Créateur à la fin du sixième jour, se substitue ce qui ressemble fort au chaos. Tout tombe en morceaux, tout se désorganise, tout se fige dans l’ordre mensonger des systèmes totalitaires antinomiens, mécaniques et sans vie. C’est la mort dans la cité de Francis Schaeffer, la cité des morts du technocosme de Jan Marejko, la culture de la mort de Jean-Paul II. Ce n’est plus simplement l’immoralité de la révolte contre les commandements de Dieu, ni l’amoralité de l’indifférence aux lois divines mais le désordre figé, contre-nature d’une société homosexuelle qui se précipite vers le jugement de Dieu. Et nous voyons que cet aboutissement du désordre, ce point culminant dans la croissance dans le mal, n’est plus simplement le fait du libre choix des hommes. Il s’agit maintenant de l’action souveraine de Dieu lui-même qui précipite une société qui le rejette, de plus en plus rapidement sur la pente glissante de la perdition éternelle. Sur cette pente on ne perçoit plus les repères qui avaient jadis dirigé les hommes. Les hommes en ont progressivement effacé, non seulement les distinctions morales de la Loi de Dieu, mais aussi (et ceci est infiniment plus grave) toutes les catégories premières qui fondent l’ordre de la création lui-même. La révolte de l’homme aboutit ici à une véritable œuvre de dé-création.

Lorsque des hommes (et des femmes !) d’Église – comme c’est le cas pour le successeur dans la chair de Jean Calvin à Genève, la Modératrice de la Société des Pasteurs, Madame Isabelle Graesslé – en viennent à faire l’apologie de telles pratiques homosexuelles et lesbiennes, ils se placent volontairement sous la condamnation du texte qui clôt le passage de l’épître aux Romains que nous venons de parcourir  :

Et bien qu’ils connaissent le décret de Dieu, selon lequel ceux qui pratiquent de telles choses sont dignes de mort, non seulement ils les font, mais encore approuvent ceux qui les pratiquent.
(Romains 1 : 32)

Ce n’est pas impunément que l’on se livre ainsi entre les mains du Dieu vivant.

 
Conclusion

A une époque marquée de plus en plus fortement par le désordre conceptuel il est capital que les repères divins, tant créationnels que théologiques et moraux, soient très nettement rappelés. Avant d’annoncer l’Évangile du salut en Jésus-Christ aux perdus, à ceux pour lesquels ont disparu non seulement le sens des dogmes chrétiens et celui des normes morales, mais également la perception de ces catégories métaphysiques créationnelles et bibliques premières dont nous venons de parler, il est impératif d’abord de rappeler les structures de l’ordre créationnel de Dieu. C’est ce que nous avons cherché à faire ce soir. C’est seulement alors que nous pouvons assumer la tâche capitale d’annoncer l’Évangile du salut en Jésus-Christ aux hommes et aux femmes si nombreux aujourd’hui qui se sont enfoncés dans les méandres sans fin de ce labyrinthe métaphysique, spirituel et moral qu’est le monde dit « post-moderne ». Le mode de vie dans lequel baignent la plupart de nos contemporains représente un univers d’où ont disparu les catégories premières qui distinguent, parmi bien d’autres différences créationnelles, celle entre l’homme et la femme. Les ténèbres auxquels nous devons faire face sont telles que la proclamation de l’ordre de la création doit aujourd’hui précéder celui de la Loi et encore plus celle de l’Évangile. Car sans cet ordre métaphysique créationnel premier, reflet de la pensée et du caractère du Dieu Créateur, ni la Loi de Dieu, ni la Rédemption en Jésus-Christ ne peuvent avoir de sens.

Le peuple de Dieu a toujours été confronté au phénomène de l’homosexualité. Ceci fut vrai tant pour l’Église de l’Ancien Testament que pour celle du Nouveau, tant en ce qui concerne le temps de la première Église, qu’aujourd’hui, époque plus avancée dans l’histoire du salut où, comme le dit l’épître aux Hébreux, nous voyons le Jour  du Jugement s’approcher plus près de nous (Héb. 10 : 25). Mais aujourd’hui il nous faut faire face à un phénomène nouveau : une fossilisation, un durcissement, pour tout dire une véritable institutionnalisation du mal [15] qui était inconnue de nos pères, ceci même dans les périodes les plus corrompues de l’histoire humaine. Je me réfère ici à ce que vous appelez en France le PACS, législation bâtarde instituant de prétendus « mariages » entre personnes du même sexe, absurdité juridique que nos législateurs suisses cherchent également à nous imposer [16].

Cette situation nouvelle place l’Église de Jésus-Christ devant de redoutables responsabilités : il faut que la Vérité de Dieu, tant celle de la Création, que celle de la Loi et celle de l’Évangile, soit aujourd’hui proclamée (comme jadis) haut et fort mais surtout de manière à répondre aux défis spécifiques de ce temps.

C’est ce que j’ai tenté, avec l’aide de Dieu et votre patience, de faire devant vous ce soir.

Jean-Marc Berthoud,

Lausanne, le 1er janvier de l’an de grâce 2002. 



[1] Conférence donnée dans le cadre du cycle des « Conférences Éthiques 2001-2002 » de l'APEB/ERE de Paris dans le Centre culturel luthérien de Paris, dans le quartier du Marais à Paris, le vendredi 11 janvier 2002.

[2] Sébastien, Ne deviens pas gay, tu finiras triste. Témoignage, François-Xavier de Guibert, Paris, 1998. Voyez les deux ouvrages suivants pour une perspective réaliste sur le mouvement homosexuel : Paul Cameron, The Gay Nineties. What ehe Empirical Evidence Reveals About Homosexuality, Adroit Press, P.O. Box 680365, Franklin, Tennessee 37068, 1993 et Scott Lively and Kevin Abrams, The Pink Swastila. Homosexuality and the Nazi Party, Founders Publishing Corporation, Box 20307, Keizer, Oregon 97307, 1995.

[3] Il s’agit de manifester les perfections contenues en puissance dans la création du ciel et de la terre au premier jour. C’est l’œuvre des six jours. Sur cette question du déploiement progressif de la création dans toutes ses perfections avant le repos divin du septième jour, voyez l’ouvrage capital de Oliva Blanchette, The Perfection of the Universe According to Aquinas, a Teleolgical Cosmology, Pennsylvania State Univiversity Press, University Park, 1992.

[4] Plus loin dans le même livre nous lisons :

Ainsi parle l’Éternel :
Si je n’avais pas fait mon alliance avec le jour et la nuit,
Si je n’avais pas établi les lois des cieux et de la terre,
Alors je pourrais rejeter la descendance de Jacob et de David, mon serviteur,
Et ne plus prendre dans sa descendance ceux qui domineront.
Sur les descendants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. (Jérémie 33 : 25-26)

[5] Le texte de Paul continue d’une manière qui montre à quel point sont importantes, dans la perspective biblique des fondements métaphysiques de l’ordre communautaire, les relations hiérarchiques justes entre les hommes et les femmes :

Comme dans toutes les Églises des saints, que les femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur est pas permis d’y parler ; mais quelles soient soumises, comme le dit aussi la loi. (I Cor. 14 33-34)

La référence est au récit de la création de la femme en Genèse 2 ainsi qu’en Genèse 3 : 16 :

Tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi.

[6] Greg Bahnsen. Homosexuality a Biblical View, Baker Book House, Grand Rapids, 1978, p. 5.

[7] Gérard J. M. van den Aardweg, The Battle for Normality. A Guide for (Self-) Therapy For Homopsexualtiy, Ignatius, San Francisco, 1977.

[8] Roland de Vaux, Les Institutions de l’Ancien Testament, Cerf, paris, 1989, Tome I, ch. 10.

[9] John E. Hartley, Leviticus, Word Biblical Commentary, Vol. 4, Word Books, Dallas, 1992, p. 298.

[10] Voyez Rousas John Rushdoony, The Institutes of Biblical Law, VII. The Seventh Commandment, Presbyterian and Reformed, Philydelphia, 1973, pp. 333-447 , Pitrim A. Sorokin, The American Sex Revolution, Porter Sargent Publisher, Boston, 1956 ; Pierre Chaunu et Georges Suffert, La peste blanche, Gallimard, Paris, 1976.

[11] Josef Pieper, The Concept of Sin, St. Augustine’s Press, South Bend, Indiana, 2001, p. 36.

[12] Josef Pieper, Ibidem, p. 40-41.

[13] John E. Hartley, op. cit., p. 298.

[14] Mary Douglas, De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou, François Maspero, Paris, 1971, pp. 72-73. Elle affirme par ailleurs :

« …si l’impur est ce qui n’est pas à sa place, nous devons l’aborder par le biais de l’ordre. L’impur, le sale, c’est ce qui ne doit pas être inclus si l’on veut perpétuer tel ou tel ordre. » (op. cit., p. 59).

[15] Jacques Bichot et Denis Lensel, Les autoroutes du mal. Les structures déviantes dans la société moderne, Presses de la Renaissance, Paris, 2001.

[16] Dans la Réponse de l'Association vaudoise de parents chrétiens à la consultation fédérale sur la situation juridique des couples homosexuels en droit suisse, qui fut envoyée par nous à nos autorités fédérales, nous nous sommes adressés à ce problème :

« Il s'ensuit [des considérations précédentes sur le caractère créationnel, biblique et historique de l’institution du mariage] que dans la vision naturelle et biblique du mariage des relations perverses telles que l'homosexualité ou la bestialité ne peuvent qu'être considérées comme non seulement mauvaises en elles-mêmes (comme le serait, par exemple, l'adultère) mais comme constituant des actes contre nature, allant à l'encontre de l'ordre de la création. Blaise Pascal ne disait-il pas que renverser la loi constituait un acte bien plus grave pour un homme que d'enfreindre cette même loi. Car le renversement de la loi légitimait une multitude de crimes. De même, nous devons affirmer que le fait de vouloir renverser la conception d'un ordre de nature (ce que nous propose l'Office fédéral de la justice) est un acte plus grave encore que celui de renverser l'ordre de la loi lui-même. Car une fois la notion de « nature » abolie de l'esprit d'un peuple, le discernement entre ce qui est naturel et ce qui est contre-nature devient tout simplement impossible. L'idée d'une réalité substantielle des êtres devient en fin de compte impensable. C'est en effet ce à quoi doit nécessairement aboutir l'orientation spirituelle et philosophique qui sous-tend la volonté de légaliser le «couple» homosexuel. Il s'agit d'un des aspects de ce que la Bible appelle, «être dans les ténèbres», c'est-à-dire sans repères, perdu. C'est le retour au chaos, au désordre radical, à l'informe. L'avenir même de ce que nous appelons la civilisation dépend du rejet de cette manière de détruire la pensée et de répandre la confusion dans les institutions sociales.

Le droit issu de la tradition occidentale s'est toujours élevé contre de tels désordres. Il le faisait en punissant le mal et en encourageant le bien par l'exercice de la justice, mais aussi, dans un sens plus profond, en maintenant avec la plus grande vigueur ce qui était naturel et en réprimant tout comportement qui aurait pu être taxé de contre-nature. En effet, jusqu'à une période toute récente, la légalisation de tels comportements était tout simplement impensable. Ceci nous montre la profondeur de la révolution juridique qui nous est aujourd'hui proposée.

Réponse de l'Association vaudoise de parents chrétiens à la consultation fédérale sur la situation juridique des couples homosexuels en droit suisse, Chapitre III, « Le droit, protection contre la tendance au désordre social », A.V.P.C, Lausanne, le 30 septembre 1999. »