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Du règne social de Jésus-Christ aujourd'hui1

Jean-Marc BERTHOUD

 

Dans le combat contre l'humanisme athée, combat pour la restauration, dans nos différents cantons, de l'ordre intellectuel, social, politique et moral de Dieu, et pour le rétablissement de la primauté de notre Seigneur Jésus-Christ et de ses lois, sur les coeurs, les intelligences et les volontés de nos concitoyens, pour tout dire, sur le pays lui-même tout entier, c'est un privilège de m'adresser, moi protestant calviniste à vous, de confession catholique romaine. Au nom de l'Association Vaudoise de Parents Chrétiens je tiens à vous dire notre reconnaissance à Dieu de savoir que la lutte que nous menons dans le Pays de Vaud, l'est également aux deux extrémités du lac Léman : par le Renouveau Rhodanien ici en Valais, et par Réagir à Genève. Il nous semble particulièrement heureux que ce travail de restauration chrétienne puisse être ainsi assumé par des associations dont l'enracinement est cantonal. Ce caractère local de nos diverses associations les rend aptes à s'adapter au cadre et aux circonstances historiques précises, propres à chacun de nos États confédérés. La diversité de nos actions spécifiques diverses n'est que l'expression de la richesse si différenciée dont le tissu de notre Confédération est constitué. Mais une telle diversité ne peut être en fin de compte profitable à chacun que si nous établissons et maintenons des liens entre nos oeuvres diverses.

Mon exposé sera divisé en trois parties. En conclusion, je ferai quelques remarques se rapportant à quelques résultats précis que nous avons pu obtenir dans notre action auprès des autorités vaudoises.

— La première partie traitera des bases chrétiennes communes qui permettent – malgré les différences doctrinales et spirituelles capitales que nous ne devons en aucun cas minimiser – aux catholiques et réformés convaincus que nous sommes, de travailler de concert, chacun de notre côté, au rétablissement dans notre pays d'un ordre public conforme au modèle éternel du Royaume de Dieu que nous donne la Loi divine.

— J'aborderai ensuite quelques aspects d'une action catholique et réformée visant à lutter contre les forces qui cherchent à détruire les fondements spécifiquement chrétiens de notre société.

— La dernière partie, à travers une méditation de la figure biblique de Gédéon, cherchera à examiner les conditions spirituelles permettant de mener avec succès un pareil combat.

 

 

 

1. – Les fondements qui nous sont communs

Comment peut-il se faire qu'un chrétien réformé, tel que je le suis, dont les convictions sont fortement enracinées dans les grandes confessions du XVIe et du XVIIe siècles2, puisse se voir invité à adresser une conférence à une association telle que la vôtre, association qui cherche à promouvoir l'enseignement social traditionnel de l'Église catholique romaine ? Nous pourrions imaginer qu'une pareille rencontre soit un fruit du mouvement oecuménique, mouvement qui a exercé une si grande influence sur les Églises depuis plus d'un quart de siècle. Certes, sous l'effet de cet oecuménisme, des barrières séculaires nombreuses entre chrétiens sont tombées. Mais ici nous devons nous poser une question. Ce mouvement oecuménique, qui oeuvre avec un si grand zèle à susciter une unité entre des chrétiens dont la tendance non-doctrinale est manifeste, ne se fait-il pas, en fin de compte, aux dépens des fondements véritables de la foi orthodoxe, de la doctrine chrétienne vraie, qui elle seule est habilitée à nous unir hors de l'erreur ? Cette tendance à vouloir s'unir en dehors de la vérité se voit autant chez les catholiques d'obédience romaine que chez les protestants des différentes confessions. Nous nous trouvons bien loin ici de cette adhésion à la plénitude de la foi, à l'intégralité de la foi (le sens véritable du mot katholikon), de cette attachement à toute la Vérité qu'est notre Seigneur Jésus-Christ qui seule peut, de manière visible, manifester la véritable Église de Jésus-Christ, Église une, sainte, catholique et apostolique.

Dans ce sens, nous nous sentons plus proches des rigueurs et de la clarté doctrinale polémique – (même avec les erreurs et les anathèmes anti-protestants qu'il contient !) – du livre L'Union des Églises, ouvrage de jeunesse de celui qui plus tard deviendra le Cardinal Journet3, que de la bienveillante et généreuse confusion diplomatique, ecclésiastique et doctrinale que l'on trouve dans les mémoires d'une figure de proue de l'oecuménisme protestant, le pasteur Marc Boegner4. Face à la confusion engendrée par la recherche d'une unité de bas étage, de saines réactions à la fois traditionnelles et confessantes se sont manifestées, tant dans les milieux catholiques romains que chez les réformés confessants. Ces réactions ont abouti à la fondation du Séminaire Saint Pie X à Écône et de la Faculté Libre de Théologie Réformée d'Aix-en-Provence. Cette dernière est une faculté d'obédience strictement calviniste et anti-moderniste, indépendante tant de l'Église Réformée de France que de l'État. De telles réactions témoignent de l'attachement (malgré des différences capitales qui les séparent) de nombreux catholiques et protestants à l'orthodoxie doctrinale, à la véritable catholicité de l'Église de Jésus-Christ et à la défense de l'intégralité du dépôt de la foi apostolique. Il manifeste également un refus par beaucoup de ce que l'on pourrait appeler, je crois à juste titre, l'oecuménisme des erreurs5.

Mais si je suis votre invité, ce n'est pas sur la base d'une telle confusion doctrinale oecuménique, mais bien plutôt sur le fondement d'une reconnaissance mutuelle de certains éléments de la foi chrétienne auxquels nous tenons en commun. Car nous tenons, et les uns et les autres, fermement à l'héritage confessionnel qui est le nôtre, et nous ne voulons, ni les uns ni les autres, à aucun prix le galvauder. Il s'agit ici de chercher ensemble à mettre en pratique ce que, dans un éditorial de la revue Finalités, le professeur Jean de Siebenthal appelait très justement l'oecuménisme viril. Il s'agit ici d'une recherche d'unité chrétienne fondée, non sur de vagues sentiments, ni sur l'escamotage des fondements de la foi aboutissant à une confusion essentiellement moderniste, mais sur l'accord commun sur un certain nombre d'articles de foi précis, la différence sur bien d'autres points d'une importance capitale étant par ailleurs lucidement et franchement reconnue.

Permettez-moi d'énumérer ici de façon sommaire quelques-uns des points où l'accord me paraît être assez clair :

— Nous croyons tous à l'inspiration divine des Saintes Écritures et, en conséquence, à leur infaillibilité et leur autorité.

— Avec Jean Calvin nous adhérons (sans les mettre sur un pied d'égalité avec l'Écriture) aux formulations doctrinales des premiers quatre Conciles oecuméniques, allant du premier concile de Nicée (325) à Chalcédoine (451) en passant par Constantinople (381) et Éphèse (431)6.

— Nous confessons, en conséquence, le Symbole des Apôtres, le Symbole d'Athanase, le Symbole de Nicée et les Formulations de Chalcédoine. Pour nous, ni la doctrine de la Trinité, ni celle de l'Incarnation, telles qu'elles sont définies par ces symboles, ne font problème.

— Plus encore, en opposition explicite à tout le subjectivisme philosophique moderne, tant nominaliste (Occam), rationaliste (Descartes) qu'idéaliste (Kant), nous croyons que la Vérité, tout en étant d'abord la Personne divine et humaine du Sauveur du monde et du Seigneur de toutes choses, Jésus-Christ, est également l'enseignement qu'il a donné aux hommes et recueilli dans la Sainte Écriture. Cet enseignement est une doctrine conceptuellement définissable que Dieu adresse à l'intelligence des hommes créés à son image. Bien que les confessions de la Réformation et celle du concile de Trente diffèrent profondément quant à nombre de leurs articles, elles ne diffèrent pas quant à leurs fondements épistémologiques. Car toutes, elles utilisent la logique pour opposer objectivement l'erreur à la Vérité. Pour notre part, nous confessons être, en philosophie, des réalistes, non pas des réalistes thomistes ou aristotéliciens (quel que soit le respect que nous pouvons éprouver pour ces penseurs), mais des réalistes bibliques, car nos universaux proviennent en fin de compte de la révélation conceptuelle de la pensée même de Dieu qu'est la Sainte Écriture elle-même. Comme le dit le grand théologien américain d'origine néerlandaise, Cornelius Van Til (1895-1987), il ne nous faut pas rechercher une quelconque originalité intellectuelle, mais travailler à penser les pensées (bibliques !) de Dieu après lui.

— Mais nous pouvons pousser notre accord plus loin encore. Nous croyons que la règle doctrinale et dogmatique de notre foi, la Vérité chrétienne tout entière, est également, et inséparablement, une éthique. Qu'il ne suffit pas d'entendre la Vérité et d'y adhérer intellectuellement, mais que la foi véritable implique obligatoirement que nous devons, en Jésus-Christ et par la force du Saint-Esprit, accomplir la Vérité que nous connaissons et à laquelle, par la grâce de Dieu, nous croyons, pour être sauvés. C'est la Loi divine contenue dans l'ensemble de l'Écriture, Ancien et Nouveau Testament, qui définit cet ordre éthique de façon infaillible et immuable. Mais cette Loi qui nous vient du ciel n'est pas que céleste car, malgré les effets de la Chute, elle constitue toujours l'ordre imprimé à la Création par Dieu. En ce sens il s'agit d'un ordre naturel, reflet imparfait de la révélation surnaturelle parfaite qu'est l'Écriture Sainte. Cette révélation spéciale est cependant indispensable aux hommes qui sont des créatures limitées, faillibles et pécheresses. L'ordre de cette Loi révélée du Ciel étant également celui de la Création, il s'ensuit que cette Parole divine s'applique à la nature tout entière et à chacun des aspects, tant personnel que public, de la vie humaine. Ceci implique pour nous l'obligation de la formulation d'une doctrine sociale et politique chrétienne spécifique, fondée sur la Révélation de la Loi de Dieu et sur le respect de cet ordre créationnel constitué des formes substantielles que, dès le commencement, Dieu a imprimé à toutes ses créatures. Le bonheur des hommes se trouve dans leur libre obéissance à cette Loi. Pascal exprime cette vérité de manière admirable :

 

La loi n'a pas détruit la nature, mais elle l'a instruite ; la grâce n'a pas détruit la loi, mais la fait exercer7.

Dans la brochure de l'Association Vaudoise de Parents Chrétiens consacrée à ce que nous nommons La crise de l'éthique, nous affirmons :

 

C'est le désir de mettre en lumière, autant que nous le pouvons, de manière fidèle, claire et équilibrée, cette pensée éthique de Dieu pour les hommes qui informe toutes les activités de l'Association Vaudoise de Parents Chrétiens8.

2. – Jonction des traditions réformées et catholiques romaines de doctrine sociale chrétienne

La rencontre de ce soir marque la jonction de deux traditions très précises de pensée chrétienne sur la vie des hommes en société. Ce sont ces deux traditions que nous allons maintenant brièvement évoquer.

 

A. La doctrine sociale de l'Église catholique romaine9

Au XIXe siècle, l'Église catholique romaine a connu un renouveau remarquable de sa doctrine sociale. Confrontée aux révolutions philosophiques, politiques et industrielles issues du siècle des Lumières, et renouvelant de manière pratique l'enseignement de Thomas d'Aquin, l'Église catholique romaine a reformulé son enseignement social en l'adaptant aux problèmes précis qui se posaient aux sociétés modernes. En France, tout particulièrement, de grandes figures se sont dressées : le cardinal Pie10, Frédéric Le Play11, Albert de Mun12 et le marquis de la Tour du Pin13 ont, dans la deuxième partie du XIXe siècle, accompli une oeuvre exceptionnelle dont nous sommes, aujourd'hui encore, grandement redevables. Ces penseurs catholiques, pour la plupart des laïcs, ont été à la source du renouvellement de l'enseignement du Magister sur les questions sociales. L'enseignement des papes Léon XIII14, Pie X et Pie XI15, et surtout celui de Pie XII16, a remarquablement exprimé cette doctrine sociale chrétienne. Il n'est que justice de reconnaître que c'est l'oeuvre immense, profonde et si variée de ce dernier (et non l'initiative conciliaire de Jean XXIII) qui fut le véritable aggiornamento de la pensée catholique aux problèmes de notre siècle. C'est cette mise à jour que le Concile Vatican II est parvenu à étouffer. Plus récemment, ce flambeau fut repris par de nombreux penseurs français : Étienne Gilson17, Marcel De Corte18, Jean Ousset19, Michel Creuzet20, Marcel Clément21, Jean Daujat22, Louis Salleron23, Jean Madiran24 et Arnaud de Lassus25. Mais je ne m'attarderai pas davantage à cette tradition que vous connaissez bien mieux que moi26. Je me permets de citer ces paroles de Pie X qui résument ce combat catholique pour restaurer toutes choses sous l'autorité divine de la royauté sociale de notre Seigneur Jésus-Christ :

 

L'Église doit se plier et s’accommoder, en tout ce qui est contingent et accessoire, aux circonstances des temps et aux changements sociaux. Mais celui qui veut agir et travailler pour l'Église doit être convaincu qu'aucun instrument ne peut servir s'il n'est adapté à l'oeuvre qu'il doit accomplir. Ainsi pour bien exécuter son programme, l'Action catholique a besoin de la grâce divine, et celle-ci n'est donnée qu'à l'apostolat qui est uni au Christ. C'est seulement lorsque nous aurons formé le Christ en nous, que nous pourrons plus facilement le redonner aux familles et à la société. (…)

Il importe de bien définir les oeuvres auxquelles nous devons appliquer les forces catholiques pour résoudre pratiquement la question sociale. C'est pourquoi les catholiques doivent réunir toutes leurs forces pour combattre par les moyens justes et légaux la civilisation anti-chrétienne ; réparer par tous les moyens les désordres si graves qui en découlent ; replacer Jésus-Christ dans la famille, dans l'école, dans la société ; rétablir le principe de l'autorité humaine comme représentant celle de Dieu. Ils prendront souverainement à coeur les intérêts du peuple et particulièrement ceux de la classe ouvrière et agricole, et non seulement en inculquant au coeur de tous les principes religieux, seule source vraie de consolation dans les angoisses de la vie, mais en s'efforçant de sécher leurs larmes, d'améliorer leurs conditions économiques par de sages mesures. Ils s'emploieront par conséquent à rendre les lois publiques conformes à la justice, à corriger celles qui ne le sont pas ; ils défendront enfin et soutiendront avec un esprit vraiment catholique les droits de Dieu en toutes choses et les droits non moins sacrés de l'Église27.

B. La tradition réformée d'un enseignement social conforme à la Loi de Dieu.

Je voudrais maintenant attirer votre attention sur une autre tradition – celle-ci des plus authentiquement réformées – qui a, elle aussi, cherché à définir une doctrine spécifiquement chrétienne sur la vie des hommes en société. Cette tradition découle en droite ligne de l'oeuvre des réformateurs, et en particulier de celle de Jean Calvin. Il semblerait qu'une part importante de la pensée économique, sociale et politique des Réformateurs soit héritière de certains aspects de la pensée de la chrétienté médiévale sur ces questions et en particulier de celle de Thomas d'Aquin. Il serait faux de voir le mouvement de réforme religieuse du XVIe siècle uniquement sous l'aspect d'une rupture radicale avec la Chrétienté médiévale. Si, sur des points théologiques précis des plus importants tels le sola fide, le sola scriptura, le sola gratia (et bien d'autres encore), la rupture avec les déformations de la théologie scolastique tardive est évidente, sur d'autres questions d'ordre plus culturel, politique et social la continuité entre la Réforme et la Chrétienté médiévale est tout aussi claire28.

Prenons quelques exemples précis. Il faut constater que le renouveau poétique biblique calviniste de la deuxième moitié du XVIe siècle, qui fut si fortement marqué par le Psautier huguenot de Clément Marot et Théodore de Bèze, se trouve être beaucoup plus proche de l'esthétique et des préoccupations de la poésie chrétienne du Moyen Âge que ne l'est la renaissance humaniste et catholicisante de la Pléiade29. La musique des Psaumes est elle-même tirée d'une tradition musicale qui remonte au chant grégorien. Dans ses sermons et ses commentaires, Calvin exprime constamment le souci de voir la Parole de Dieu manifester sa puissance de régénération et de réformation sur la vie de la cité, sur la vie sociale et politique, sur l'économie et sur les arts30. Pour lui et pour ses collègues réformateurs, les sciences et l'enseignement tout entier devaient également être réformés par la prédication de la Parole de Dieu et son application soigneuse à tous les aspects de la vie. Nous retrouvons dans l'oeuvre du Réformateur vaudois Pierre Viret, des préoccupations très semblables et souvent même encore plus poussées31.

Une des conséquences de la domination sur les Églises réformées en Suisse du pouvoir temporel fut la stagnation de cette tradition. Par la suite, la théologie réformée s'est surtout cantonnée dans la défense d'une orthodoxie doctrinale plutôt abstraite, relativement fermée sur elle-même et peu préoccupée des réalités du monde profane. Elle en est devenue peu accessible au rayonnement merveilleux de la véritable pensée biblique sur la réalité tout entière redécouverte par les Réformateurs du XVIe siècle. Plus particulièrement à partir du siècle des Lumières, la théologie réformée en Suisse – cela à des degrés divers – souffrit de l'influence désastreuse, d'abord du rationalisme d'origine cartésienne, puis de l'idéalisme philosophique allemand. Au dix-neuvième siècle, malgré les coups d'arrêt certains que furent les Réveils, le Protestantisme se trouva complètement submergé par l'influence dissolvante de la méthode historico-critique. Notre siècle a vu la naissance d'une néo-orthodoxie existentialiste sous l'influence de Karl Barth. Mais cette néo-orthodoxie n'était orthodoxe que de nom et ne se défit jamais de son inféodation aux erreurs de l'idéalisme philosophique. Elle était, en conséquence, incapable d'atteindre la réalité qui devait être l'objet de ses travaux, cela autant dans son étude de la Bible que dans celle de la création elle-même et de la vie des hommes en société. Notre siècle a bien vu l'apparition d'un "protestantisme social", mais ce dernier n'avait plus de caractère spécifiquement chrétien. Fondé lui aussi sur la critique rationaliste de la Bible, il ne disposait plus d'une base conceptuelle et spirituelle solide pour édifier une doctrine sociale véritablement chrétienne. Faute de fondement doctrinal (au caractère transcendant) dans la Parole infaillible de Dieu, ce protestantisme social s'est tout simplement mis à la remorque des différents courants d'idées sociales à la mode. Nous en voyons les fruits dans la manière dont le Conseil oecuménique des Églises suit le vent de l'histoire, se livrant à un faux évangile tour à tour pacifiste et révolutionnaire, moralement relativiste, syncrétiste et paganisant, suivant ainsi le vent idéologique dominant du moment.

Le XIXe siècle a, certes, connu un Réveil évangélique important dans notre pays. Mais ce Réveil en Suisse eut essentiellement un caractère spirituel et piétiste, méconnaissant largement l'enseignement de la Parole de Dieu sur les questions politiques, sociales et culturelles qui nous intéressent. Il ne sut guère renouer avec la tradition réformée du XVIe siècle. Certes, il y eut quelques exceptions, telles celles du pédagogue vaudois Louis Burnier32, de l'homme de lettres Alexandre Vinet33, ou du comte Agénor de Gasparin34. Agénor de Gasparin, pour ne prendre qu'un exemple, aborda dans une oeuvre d'une grande ampleur, de nombreux problèmes publics qui nous préoccupent aujourd'hui.

La tradition d'une pensée réformée sur ces questions publiques s'est beaucoup mieux maintenue dans le monde anglo-saxon que dans les pays protestants du Continent. En Nouvelle-Angleterre, les Puritains ont tenté, avec d'importants succès, d'appliquer la Loi de Dieu au domaine public. Mais, sur la côte est des États-Unis, le rationalisme théologique et la vague de fond d'humanisme athée qu'il suscita finit par balayer cette tradition de pensée chrétienne qui avait suscité, deux siècles plus tôt et de l'autre côté de l'Atlantique, une nouvelle chrétienté35. Jusqu'à la Guerre de Sécession, cette tradition s'est maintenue dans une assez grande mesure dans les États du Sud chez des théologiens tels J. H. Thornwell36 et Robert L. Dabney37, l'illustre descendant du non moins fameux Agrippa d'Aubigné38, ami et confident de Henri IV, poète, homme d'État, soldat, historien et théologien. Mais cette tradition s'est également éteinte, et c'est seulement depuis une trentaine d'années que nous voyons réapparaître aux États-Unis une pensée publique et sociale réformée qui retrouve ses racines véritablement bibliques et calvinistes.

La renaissance de cette vieille tradition réformée à la fin du siècle dernier ne nous est cependant pas venue des États-Unis mais des Pays-Bas. Les germes en furent semés par un autre illustre descendant d'Agrippa d'Aubigné, J. H. Merle-d'Aubigné, le grand historien de la Réforme du XVIe siècle. Il était l'un des chefs de file du Réveil évangélique qui, au début du XIXe siècle, secoua la torpeur rationaliste de Genève. Il fut pendant plusieurs années l'aumônier du roi Guillaume Ier de Hollande39. L'historien attitré de la cour des Pays-Bas, Guillaume Groen van Prinsterer40, fut converti sous l'effet de la prédication de Merle d'Aubigné. Il fonda le mouvement Anti-révolutionnaire chrétien qui s'engagea dans une lutte à tous les niveaux contre les effets antichrétiens de l'idéologie de la Révolution française. Groen fut fortement influencé par la pensée du théologien et juriste allemand Friederich Stahl, converti du judaïsme, qui cherchait à appliquer les enseignements de la Loi de Dieu à tous les domaines de la vie. Mais ce mouvement ne prit un véritable essor populaire que sous l'impulsion du pasteur, théologien, journaliste et homme d'État hollandais Abraham Kuyper41. Kuyper fut l'initiateur d'un grand mouvement de réveil spirituel, le chef dynamique d'un parti politique réformé, directeur de plusieurs journaux, théologien de première envergure, fondateur d'une Université et d'innombrables oeuvres sociales, culturelles et politiques d'inspiration chrétienne. Son action et son influence eurent un impact immense sur la vie de son pays. Il fut premier ministre des Pays-Bas de 1901 à 1905 et, en alliance avec le parti catholique, put introduire dans les lois de nombreuses réformes inspirées par une pensée sociale chrétienne. Pour ne citer qu'un seul exemple, le gouvernement qu'il dirigeait fut à l'origine du système néerlandais de ce qu'on appelle le "bon scolaire". Ce système, encore en vigueur aujourd'hui, donne aux parents la possibilité matérielle de choisir l'établissement scolaire auquel ils souhaitent confier l'éducation de leurs enfants, et ceci en fonction de leurs convictions religieuses. Kuyper fonda également l'Université libre d'Amsterdam, université où une orientation systématiquement calviniste était donnée à toutes les matières enseignées. Sous l'impulsion d'Abraham Kuyper, les Pays-Bas, pour un temps, refoulèrent la grande vague d'humanisme sécularisé athée d'inspiration maçonnique – le Kulturkampf – qui déferla sur toute l'Europe de la fin du XIXe siècle.

Ce flambeau fut repris par des philosophes chrétiens tels que D. H. T. Vollenhoven42 et surtout Herman Dooyeweerd43. Bien qu'affaibli, ce mouvement de réforme et de réveil répand encore aujourd'hui aux Pays-Bas, et dans de nombreux pays où la foi réformée confessante est encore vigoureuse, la lumière d'un enseignement chrétien appliqué à tous les domaines de la vie. Mais la force de ce mouvement décline depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Cette école a des prolongements importants au Canada44, aux États-Unis, en Angleterre, en Afrique du Sud, en Australie, même au Japon, en Corée du Sud et à Taïwan45.

Mais c’est surtout aux États-Unis que la pensée réformée s'attachant à donner des réponses chrétiennes aux problèmes sociaux, politiques et culturels de notre société est aujourd’hui la plus vigoureuse. Des milieux réformés américains ont su adapter cette tradition néerlandaise aux conditions de leur pays. Sous l’impulsion d’un contemporain de Herman Dooyeweerd, Cornelius Van Til (1895-1987)46, théologien, philosophe et, pendant plus de quarante ans, professeur d’Apologétique au Westminster Theological Seminary à Philadelphie47, s’est fondée une importante école de pensée philosophique, politique, pédagogique, économique et scientifique chrétienne. La figure de proue en est le pasteur Rousas John Rushdoony de l’Institut Chalcedon en Californie48. Sa pensée, bibliquement structurée et exceptionnellement bien informée dans une multitude de domaines, a fait lever toute une génération de jeunes penseurs chrétiens cherchant à développer une réflexion strictement biblique dans tous les aspects de la vie et de l’action des hommes. C’est le renouveau d’un calvinisme fondé sur la Parole infaillible et inerrante de Dieu qui voit la souveraineté de Dieu sur la société tout entière. Ce mouvement a pour but d'amener toutes les pensées des hommes captives à l’obéissance du Christ (2 Cor. 10 : 5) et joue actuellement un rôle important dans différentes parties du monde pour le rétablissement d’un Christianisme à la fois orthodoxe et pratique. Toute une génération se lève pour proclamer que notre Seigneur Jésus-Christ est le Souverain Législateur de nos Cités. L’application de Ses lois aux problèmes inextricables de cette fin du XXe siècle est la seule voie qui peut apporter des solutions aux situations tragiques et désespérées dans lesquelles s'engouffrent les nations de l'Occident. C'est en vain que les hommes cherchent en dehors de Dieu et dans la révolte contre ses commandements des solutions à leurs maux49.

Il est frappant de constater que, dans ce combat pour trouver des solutions chrétiennes aux questions de morale publique, des chrétiens de diverses dénominations se retrouvent pour oeuvrer ensemble (comme co-belligérants, disait Francis Schaeffer) hors de toute confusion ecclésiastique ou doctrinale. Ils sont convaincus que sur ce plan, ce qui leur permet de lutter ensemble est beaucoup plus important que ce qui les divise. Comme le prévoyait Pierre Viret ily a plus de quatre siècles, le temps semble être venu où, plutôt que de s’entre-déchirer, il importe ensemble de faire face à notre ennemi à tous, un humanisme sans Dieu et contre Dieu, arrogant et conscient de sa force. Si les véritables chrétiens ne parviennent pas à se serrer les coudes pour lutter ensemble contre la montée d'un nouveau paganisme allié à l'humanisme athée qui travaille depuis plus de trois siècles à faire disparaître toute trace des restes de l’ordre divin dans nos sociétés, il est certain que tous nous serons séparément écrasés, les uns après les autres !

 

 

La délivrance que Dieu donne

Le combat de Gédéon : quand la délivrance vient de l'Éternel

Fin 1971, nous attendions notre premier enfant. C’était l’époque où fut lancée la fameuse initiative populaire d'origine neuchâteloise pour la libéralisation complète de l’avortement dans notre pays. Effarés, non seulement par la complaisance de nos autorités et par l’indifférence du public face à ce drame épouvantable, mais plus encore par le silence coupable et complice des Églises, nous nous sommes engagés, mon épouse et moi-même, dans un combat, apparemment impossible et futile, contre ce fléau. La correspondance dans laquelle je me suis alors engagé aboutit à la rencontre du mouvement Oui à la vie, ce qui nous permit de découvrir que nos préoccupations et nos craintes étaient partagées par beaucoup d'autres. C’est par ce biais que nous avons découvert le Centre de Documentation Civique à Lausanne, découverte qui nous mit en contact avec l’enseignement social traditionnel de l'Église catholique romaine.

En remontant cette filière, il n’était guère possible de ne pas rencontrer mon presque homonyme, René Berthod, qui vient de me présenter à vous en décrivant mon itinéraire spirituel et pratique de manière à m'étonner moi-même par la précision et l'intelligence de sa compréhension du cheminement qui a été le mien. Il nous a puissamment épaulés dans notre combat contre les réformes des structures de l’école vaudoise. Ainsi, après des siècles de séparation, de haine, de luttes et de souffrances – et osons le dire, après le sang de nos martyrs versé par ceux du camp romain qui croyaient ainsi plaire à Dieu ! – aujourd’hui nos deux traditions se retrouvent. Serions-nous enfin venu à comprendre que notre premier adversaire ne serait ni le papiste, ni le parpaillot, mais bel et bien ce monstre (celui dont parlait Pierre Viret lorsqu'il appelait ces Messieurs de Berne qui voulaient dominer l'Église, "un nouveau pape à robe courte, bien pire encore que celui à robe longue, celui de Rome"), l’État sans Dieu, l'État qui se dresse contre Dieu, contre notre Seigneur Jésus-Christ, contre la Loi de Dieu et contre Son Église, pour le plus grand malheur de notre pays et de ses habitants. Tout cela au nom du culte idolâtre que se vouent à eux-mêmes nos concitoyens en la personne, à la fois pitoyable et misérable, de cet humanisme sécularisé, cet humanisme athée.

Lors de son plaidoyer en faveur d’une "École pour les enfants", René Berthod évoquait une page de Péguy50. Péguy s’étonnait du petit nombre de ceux qui osaient en toute franchise et droiture, s’engager dans le combat si urgent contre les puissances maléfiques qui avaient investi nos nations chrétiennes. La question se pose sans doute de façon plus urgente encore aujourd’hui. En cette fin du XXe siècle le mal est plus avancé qu’à son début. Les combattants de la Foi pour la Vérité et pour la Justice de Dieu sont certes moins nombreux encore à l’époque de René Berthod qu’ils ne l’étaient du temps de Charles Péguy. La question difficile se pose alors à nous. Que nous est-il donc possible d'accomplir avec de si médiocres effectifs, avec des troupes à ce point décimées ? La masse de nos frères et soeurs dans la foi, l'immense majorité de nos concitoyens n’a-t-elle pas rejoint les rangs de l’Adversaire et, avec lui, ne se sont-ils pas tous placés du côté de l'apparente toute-puissance de l’État sans Dieu et contre Dieu ? Les institutions fondamentales de notre société, et l’État lui-même, ne sont-ils pas, certes à des degrés divers, hélas ! aux mains des forces spirituelles mauvaises que nous combattons ? Même nos autorités ecclésiastiques n’embouchent guère la trompette de la Vérité ni celle du Bien pour appeler d’un son éclatant et clair les chrétiens que nous sommes à la lutte. Tous prêchent les droits de l’homme et les droits de Dieu – que dis-je, la Loi de Dieu – sont passés à l'oubli. Et l’oubli, de Dieu – ne l'oublions pas –, conduit à la disparition de l’homme.

Face à pareille situation, comment ne pas se lamenter, geindre, croire que tout est perdu ? Comment, par ailleurs, éviterons-nous cette autre erreur, sans doute plus grave encore, (car en elle se cache l’orgueil), de nous croire les seuls à faire face, héroïquement, fièrement et désespérément, à la barbarie déchaînée ? Comment éviter ces deux vieux pièges du diable que sont l’orgueil et le désespoir ?

Il nous faut voir les choses autrement, regarder ailleurs, revenir à Dieu et Le reconnaître, dans Sa toute-puissance et Sa suprême sagesse, au-dessus de tous et maître de tout. Dans des temps aussi misérables que les nôtres, Dieu suscita un homme en Israël, Gédéon, pour sauver son peuple de ses ennemis. Gédéon avec une troupe de 300 hommes, des trompettes et la lumière de leurs flambeaux, mit en fuite une armée innombrable de Madianites et d’Amalécites qui s’étaient répandus sur tout le pays comme d'immenses essaims de sauterelles pour le ravager. Lisons ensemble quelques passages de ce récit exemplaire. Nous citons la traduction du chanoine Osty :

 

Les fils d’ Israël firent ce qui est mal aux yeux de Yahvé, et Yahvé les livra aux mains de Madian pendant sept ans. La main de Madian fut forte contre Israël. A cause des Madianites, les fils d’Israël aménagèrent les antres qui sont dans les montagnes, les grottes et les lieux forts. Or, chaque fois qu’Israël avait semé, Madian montait avec Amaleq et les fils de l’Orient, et ils montaient contre lui. Ils campaient auprès d’eux et ravageaient la récolte du pays jusqu’aux abord de Gaza ; ils ne laissaient en Israël aucun moyen de subsistance, ni menu bétail, ni boeufs, ni ânes (…) Israël fut très affaibli à cause de Madian, et les fils d’Israël crièrent vers Yahvé.

Juges 6 : 1-6.

Voilà une situation classique dans l’histoire d’Israël, histoire classique pour l’Église de Dieu aussi. Le peuple de Dieu pèche, se tourne vers les idoles, et Dieu le livre à ses ennemis. N’est-ce pas là notre histoire à nous aussi ? Nos malheurs sociaux ne sont-ils pas d’abord la conséquence de nos péchés, de notre confiance en de faux dieux, de notre volonté de nous adapter à ce monde sans Dieu ni Loi, de notre détermination à exclure Jésus-Christ de la primauté qui lui revient tant dans notre vie personnelle que dans notre vie religieuse et publique ?

Mais Dieu est miséricordieux. Il entend le cri de son peuple, lui envoie d’abord un prophète pour lui dévoiler son infidélité et lui rappeler les merveilleuses délivrances que Dieu avait dans le passé accordées à ses pères. Il appelle son peuple à la repentance et à la conversion. Dieu se choisit alors un homme pour délivrer Israël.

 

L’ange de Yahvé vint s’asseoir sous le térébinthe d’Ophra, qui appartenait à Yoach d’Abiézer. Gédéon, son fils, battait le blé dans le pressoir, pour le soustraire aux Madianites. L’ange de Yahvé lui apparut et lui dit : "Yahvé est avec toi, vaillant guerrier !" Gédéon lui dit: "De grâce, mon Seigneur, si Yahvé est avec nous, pourquoi donc tout cela nous est-il arrivé ? Où sont donc toutes les merveilles que nous ont racontées nos pères en disant : Yahvé ne nous a-t-il pas fait monter d’Égypte ? Et maintenant, Yahvé nous a rejetés et il nous a livrés à la poigne de Madian."

 

Yahvé se tourna vers lui et dit : "Va avec cette vigueur qui est tienne, et tu sauveras Israël de la poigne de Madian. Ne t'ai-je pas envoyé ?" Gédéon lui dit : "De grâce, mon Seigneur, avec quoi sauverai-je Israël ? Voici que mon clan est le plus faible de Manassé, et moi je suis le moindre dans la maison de mon père." Yahvé lui dit : "Mais je serai avec toi, et tu battras Madian comme s’il n’était qu’un seul homme."

Juges 6 : 11-17

Si nous désirons vaincre les puissances qui détournent notre pays de son obéissance à Dieu et à ses lois – et je ne doute pas que tel soit notre désir à tous – il nous faut résolument nous détourner de deux erreurs qui nous seraient fatales.

Nous pourrions commodément appeler la première celle du relativisme historique. Ce récit de Gédéon serait alors d’un autre âge. Les temps ont changé et des miracles aussi extraordinaires de la part de Dieu ne sont plus pour aujourd’hui. Cette tentation n’est pas nouvelle car elle fut celle de Gédéon lui-même. Vous avez sans doute remarqué ce qu’il disait à Dieu :

 

Où sont toutes les merveilles que nous ont racontées nos pères ?

Juges 6 :13

Les temps ont certes changé et nos conditions de vie ne sont plus guère celle qui prévalaient en Israël au premier millénaire avant Jésus-Christ. Mais la nature des choses a-t-elle changé ? Plus encore, Dieu lui-même aurait-il changé ? Nous savons que ni les lois qui régissent la nature, ni celles qui gouvernent la vie intellectuelle, morale et spirituelle de l’homme ne peuvent changer. En Dieu lui-même il n’y a "ni variation, ni la moindre ombre de changement" (Jacques 1 : 17). Il nous faut l’affirmer très nettement : notre situation n’est pas foncièrement différente de celle de Gédéon. Nous devons comprendre que le relativisme est une tentation d’incrédulité. Cette tentation il nous faut la rejeter.

La deuxième erreur à éviter à tout prix est celle que nous pourrions appeler la tentation démocratique. Non pas qu'il faille s'opposer à la démocratie en tant que telle. La démocratie, comme forme de gouvernement, vaut bien d’autres systèmes, ayant des dangers et des grandeurs qui lui sont propres. Mais je pense au vice du culte du nombre, du culte de la majorité, du poids de l’opinion. Nous pensons trop souvent que la majorité numérique peut tout. Nous allons voir la leçon que Dieu donne à Gédéon.

Mais d’abord, remarquons que la première tâche que Dieu exigea de Gédéon fut celle d’abattre les idoles du culte familial infidèle.

 

Or cette nuit-là, Yahvé lui dit : "Prends le veau gras qui est à ton père. Tu démoliras l’autel de Baal qui est à ton père, et tu couperas le pieu sacré qui est à côté ; tu bâtiras à Yahvé ton Dieu, au sommet de ce lieu fort, un autel bien disposé, tu prendras le veau gras et tu l’offriras en holocauste avec le bois du pieu sacré que tu auras coupé."

Josué 6 : 25-26.

La sanctification de Gédéon et de sa famille, et du culte qu’ils célébraient, était la condition préalable à la victoire. Pour nous aujourd’hui, il en est de même. C’est en Esprit et en Vérité que nous devons offrir à Dieu le culte saint qui lui est dû. Nous devons rejeter toute forme d'idolâtrie dans le culte que nous rendons à Dieu.

Obéissant à l’ordre que Dieu lui donne, Gédéon rassemble une grande armée pour combattre Madian, Amaleq et tous les fils de l’Orient qui étaient montés contre Israël. Mais Dieu ne veut pas d’une armée si nombreuse. La puissance de Dieu s’accomplit dans la faiblesse de l’homme. La croix du Christ en est le modèle. Car, nous dit saint Paul dans la première Épître aux Corinthiens :

 

Mais ce qu’il y a de fou dans le monde, c’est ce que Dieu a choisi pour faire honte aux sages ; et ce qu’il y a de faible dans le monde, c’est ce que Dieu a choisi pour faire honte à ce qui est fort ; et ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, c’est ce que Dieu a choisi ; ce qui n’est pas, pour abolir ce qui est, afin qu’aucune créature n’aille se vanter devant Dieu. Car c’est par lui que vous êtes en Jésus-Christ qui, de par Dieu, est devenu pour nous sagesse, justice et sanctification et rachat, afin que, selon qu’il est écrit, celui qui se vante, qu’il se vante dans le Seigneur.

1 Corinthiens 1 : 27-31

C’est dans cette perspective que Yahvé s’adresse à Gédéon :

 

Yahvé dit à Gédéon : "Le peuple qui est avec toi est trop nombreux pour que je livre Madian entre ses mains : Israël se glorifierait contre moi en disant : C’est ma main qui m’a sauvé. Et maintenant proclame donc aux oreilles du peuple : Quiconque a peur et tremble, qu’il s’en retourne." Gédéon les mit à l’épreuve. Du peuple vingt-deux mille hommes s’en retournèrent, et il en resta dix-mille.

Juges 7 : 2-3

Mais ce nombre était encore trop grand. Pour terminer, Dieu ne se réserve que 300 hommes pour combattre contre Madian. Vous connaissez la suite du récit. Avec ses trois cents combattants, Gédéon, armé seulement de torches et de trompettes, par la grâce du Dieu tout-puissant, mit en fuite l’immense armée des Madianites.

La tactique militaire est surprenante et, pour le moins, contraire aux usages habituels de la guerre. Car, voyez-vous, le problème pour Dieu est exactement l’inverse de celui qui nous accable si souvent. Pour nous, notre nombre n’est jamais assez grand. Pour Dieu, ce n’est pas le nombre qui compte, c’est la foi, le courage et la discipline de ses troupes. Pour nous, c’est la puissance qui nous fait défaut ; et sans cette puissance, il nous semble que nous ne pouvons rien faire. Pour Dieu – qui, Lui, détient toute puissance dans les cieux et sur la terre – là n’est pas le problème. Il lui faut des hommes fidèles, obéissants et courageux, comme Gédéon et ses trois cents compagnons, et par la foi d’un si petit nombre d’hommes obéissants, sanctifiés et consacrés à Dieu, les multitudes de l’ennemi seront balayées comme de la paille devant la tempête de l'Éternel. N’oublions pas qu’un seul homme juste, appuyé par notre Seigneur Jésus-Christ, constitue pour Dieu une majorité écrasante. N’oublions pas que notre combat, s’il est sur cette terre, n’est pas que temporel et terrestre. Nous luttons avec les armes de Dieu dans ce combat d'abord spirituel, contre les puissances des ténèbres et leurs alliés humains. Ceux qui sont avec nous : la Sainte Trinité, la communion des saints et l’armée des anges fidèles à Dieu, sont bien plus nombreux (et bien plus puissants) que ceux qui, sur la terre et dans l'invisible, s’opposent aux desseins de notre chef Jésus-Christ, le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois de la terre. Ainsi, quand nous contemplons notre petit nombre, que cela ne soit pas pour nous, à cause de notre incrédulité, une source de découragement, mais plutôt un signe que Dieu nous fait pour nous donner courage, car il nous a promis que par des choses humbles, sans force et folles, Dieu confondra les sages, les orgueilleux et les puissants de ce monde perdu.

 

Conclusion

Qui sommes-nous, vous, Renouveau Rhodanien, nous, Association Vaudoise de Parents Chrétiens, pour affronter les Madianites, les Amalécites, les fils de l’Orient de l’humanisme sécularisé du monde moderne ? Néanmoins, contre les Léviathans de notre siècle, avançons comme Gédéon, avec foi et courage, et au nom du Dieu tout-puissant, nous remporterons des victoires pour notre Seigneur Jésus-Christ. Dieu peut faire plier nos autorités à Sa sainte volonté quand des Gédéon, des David, de fidèles chrétiens se lèvent pour combattre, se mettent à genoux pour prier. Mais il y a bien plus encore. Dieu peut faire que les autorités de notre pays plient devant Lui afin qu’elles accomplissent leur véritable mandat : être les serviteurs de Dieu pour notre bien à tous.

À la suite de l’Appel à la prière que nous avons lancé au mois de janvier 1981 – Appel qui fut lu devant le Conseil d'État vaudois par le Chancelier lui-même – des pasteurs et des laïcs ont publiquement pris position. Ces diverses déclarations chrétiennes ont connu une très large diffusion. Pour notre part, nous les avons fait connaître sous la forme d’une brochure intitulée: "Des lois et des moeurs : Positions chrétiennes." Comme vous le savez, une pétition fédérale fut lancée depuis le Valais contre la révision des articles du Code pénal relatifs aux moeurs et à la famille. À la suite de ces différentes actions et en réponse à la consultation lancée par le Département fédéral de Justice et Police, le Conseil d’État vaudois – le canton de Vaud est bien connu pour son laxisme moral – fit la déclaration officielle suivante :

 

Le Conseil d'État reproche à la Commission d’experts de faire abstraction de la morale ; or, qu’il le veuille ou non, le législateur fait de la morale, car ses références pour punir ou ne pas punir sont du domaine de l’éthique sociale. Même si elle ne doit pas être un code de morale, la loi a incontestablement une fonction morale dans la mesure où elle est une des règles essentielles du fonctionnement de la société où elle ne peut pas faire totalement abstraction des conceptions et des moeurs de la grande majorité de cette société.

Et sur certaines propositions précises de la Commission d’experts, le Conseil d'État vaudois était plus ferme encore :

 

Quant aux propositions de la Commission de mettre sur le même pied les rapports homosexuels et hétérosexuels, elles sont absolument inacceptables, parce que, dans ce domaine, les jeunes ont encore davantage besoin de protection, d’une part, et parce que, d’autre part, ainsi que des affaires récentes l’ont démontré, la population réagit très vivement lorsqu’un adulte entretient des relations sexuelles avec un adolescent.

Enfin, en ce qui concerne l’inceste et la pornographie, le Conseil d'État insiste sur l’importance du concept de famille qui demeure profondément, pour une large part de notre population, une cellule fondamentale de la société. À cet égard aussi, la protection, notamment de la jeunesse, interdit de suivre les propositions de la Commission d’experts51.

Nous voyons aujourd’hui le Conseil d'État vaudois récidiver dans la défense du bien commun à l’occasion du Jeûne fédéral où, dans son exhortation traditionnelle au peuple vaudois, il déclarait :

 

(…) Si les circonstances ayant présidé à la naissance de cette institution ont changé, il n’en reste pas moins que bien des raisons demeurent de consacrer une journée à la reconnaissance, à la repentance et à la prière.

Sans aller chercher bien loin – alors même que chaque jour nous sommes informés d’événements tragiques et alarmants dont nous sommes d’ailleurs le plus souvent préservés – nous constatons que, dans notre pays et depuis quelques années, il a rarement été autant question de la jeunesse. Tandis que forces de l’ordre et manifestants se heurtent parfois violemment dans les rues des grandes villes, thèses et antithèses s’affrontent sur le papier et sur les ondes.

Plus spontanément peut-être, en tout cas plus ouvertement, les jeunes expriment ce que les adultes ressentent confusément par rapport au monde actuel et à un futur incertain : davantage qu’un malaise, il s’agit d’un "mal-être" auquel tous, magistrats et peuple de ce pays, nous devons être attentifs.

"On ne redresse pas un arbre qui a poussé tordu", dit-on. En ce jour où nous sommes aussi invités à l’examen de notre conscience, il convient de nous demander si ce mal-être auquel nous faisions allusion, ce développement anarchique et tourmenté de la société, ne provient pas notamment du fait que, dans nos familles déjà mais dans d’autres milieux aussi, nous hésitons à proposer aux enfants et aux jeunes une référence solide favorisant leur croissance harmonieuse, non seulement en stature et en force, mais aussi en sagesse – autrement dit (osons le mot), le modèle de parents, d’enseignants, d’éducateurs, de patrons d’apprentissage, d’employeurs bienveillants mais fermes et exigeants parce que déjà exigeants avec eux-mêmes.

C’est parce que nos ancêtres de 1832 se sont efforcés de se conformer au tuteur de lois divines et morales qui paraîtraient insupportables aujourd’hui que notre peuple a progressé, que l’arbre de la justice sociale et de la prospérité a étendu ses branches sur l’ensemble du pays. C’est au prix d’un effort comparable, mais adapté aux circonstances actuelles, que nous pourrons aider une jeunesse parfois désemparée à devenir ce qu’elle est : l’avenir de notre pays. C’est à ce prix que, toutes générations confondues et avec l’aide de Dieu, nous pourrons espérer dresser un arbre qui, loin de devoir être coupé et jeté au feu, donnera beaucoup de fruit52.

Je voudrais ici témoigner de toute notre reconnaissance envers Dieu, à qui revient tout honneur et toute gloire. Il tient le coeur des rois dans Sa main et l’incline comme Il le veut. Il peut même, dans Sa miséricorde, conduire nos autorités sécularisées à proclamer bien haut la Vérité dont notre pays a tant besoin. Sans doute cette grâce est le fruit des prières des chrétiens fidèles dans notre pays, de leur foi en Dieu et de leur obéissance à répandre dans ce siècle enténébré par un humanisme sans Dieu, la Vérité, la lumière de la Révélation de Dieu, la bonne odeur de Jésus-Christ. Persévérons dans ce chemin afin que, par les interventions miséricordieuses de Dieu sur nos patries vaudoise et valaisanne, nous puissions à nouveau nous exclamer, jubilant avec le psalmiste :

 

Heureux le peuple dont l’Éternel est le Dieu.

Psaume 144 : 15

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1 Conférence donnée lors de l'Assemblée générale annuelle du Renouveau Rhodanien, le 30 septembre 1982 à Martigny. Texte publié dans les numéros de mars et d’avril 1984 de la revue Finalités.

2 Ces confessions réformées classiques peuvent se trouver dans les recueils suivants : Confessions et Catéchismes de la Foi réformée, Labor et Fides, Genève, 1986 et Les Textes de Westminster, Kerygma, Aix-en-Provence, 1988.

3 Charles Journet, L’Union des Eglises, Bernard Grasset, Paris, 1927.

4 Marc Boegner, L’Exigence oecuménique, Albin Michel, Paris, 1968. Cet ouvrage est d'ailleurs fort utile pour une bonne intelligence de l'histoire religieuse de notre époque.

5 C'est un tel esprit qui caractérise la pensée de Plinio Corrêa de Oliveira lorsqu'il fustige ce qu'il appelle l'oecuménisme exaspéré. Cet oecuménisme,

(…) fait en sorte d'extirper tout caractère militant des relations entre l'Église catholique et les autres religions. Cet oecuménisme extrême s'appuie sur un relativisme ou syncrétisme religieux évident.

Il s'explique,

Il est maintenant opportun de faire une remarque. L'oecuménisme exaspéré produit chez les catholiques aussi bien que chez leurs frères séparés, qu'ils soient schismatiques, hérétiques ou autres, une confusion dramatique, sans doute une des plus tragiques de ce siècle déjà si lourd de désordres. En effet il n'existe pas sur le plan religieux de plus grand danger que le relativisme. Il menace toutes les religions. Le catholique authentique, tout comme chaque frère séparé qui professe sérieusement sa propre religion, doit lutter contre lui. Dans cette perspective cette lutte ne pourra réussir que si chacun s'efforce de conserver intact le sens naturel et spécifique propre à son credo, contre les interprétations du relativisme qui le déforment et le corrodent. Dans ce combat l'allié du vrai catholique sera l'hébreu ou le musulman qui n'a pas de doute – pas seulement sur ce qui nous unit, mais aussi sur ce qui nous sépare. Ce n'est qu'à partir de cette position que le relativisme pourra être refoulé à toutes les frontières qu'il cherche à pénétrer. Ainsi, seulement, les échanges d'arguments sous leurs différentes formes – y compris la dispute pure et simple et la polémique – pourront contribuer à acheminer les esprits vers l'unité. "Entente claire, amitié longue", dit la maxime. Seule la clarté de pensée et d'exposé mène vraiment à l'unité. L'oecuménisme exaspéré qui porte chacun à occulter ou à sous-évaluer les vrais points de friction, mène à un régime de "maquillage" qui ne peut que favoriser le relativisme : l'ennemi puissant de toutes les religions.

Roberto de Mattei, Le croisé du XXe siècle. Plinio Corrêa de Oliveira, L'Age d'Homme, Lausanne, 1997, p. 270-271.

6 Voyez l'étude magistrale de Rousas John Rushdoony, The Foundations of Social Order. Studies in the Creeds and Councils of the Early Church, Presbyterian and Reformed, Nutley, 1968.

7 Blaise Pascal, Oeuvres. (Édition F. Strowski), Olendorff, Paris, 1931, Tome III, p. 315.

8 Jean Hoffman, La Crise de l’Éthique, A.V.P.C., Lausanne, 1982, p. 3. Voyez à ce sujet : Jean-Marc Berthoud, Apologie pour la Loi de Dieu, L'Age d'Homme, Lausanne, 1996.

9 Pour une utile introduction à ce sujet voyez : Jean-Philippe Chenaux, Le Retour de la Doctrine sociale de l'Église, Centre Patronal, Lausanne, 1991.

10 Étienne Cattin, La Doctrine sociale et Politique du Cardinal Pie, Nouvelles Editions Latines, Paris.

11 Frédéric Le Play (1806-1882), L’Organisation du Travail selon la Coutume des Ateliers et la Loi du Décalogue (1870) ; Les Ouvriers européens (1877-1879) ; La Réforme sociale (1864) ; etc. Sur Le Play : R. A. Nisbet, The Sociological Tradition, Heinemann, London, 1967, p.61-70 ; E. Todd, La troisième Planète. Structures familiales et systèmes idéologiques, Seuil, Paris, 1983 ; Dorothy Herbertson, The Life of Frédéric Le Play, Branford and Farquharson, 1950.

12 Albert de Mun, Discours (4 vol.), 1871-1887 ; Ma Vocation sociale, 1871-1875 ; Combats d’hier et d’aujourd’hui, 1910.

13 La Tour-du-Pin, Aphorismes de Politique sociale, Beauchesne, Paris, 1930 ; Vers un Ordre social chrétien. Jalons de route, 1882-1907, Dominique Martin Morin, Bouère, 1987 (1907). Voyez aussi : Jean Rivain, Un Programme de Restauration sociale. La Tour-du-Pin précurseur, Le Livre, Paris, 1926.

14 Léon XIII, Rerum novarum (15 mai 1891). Sur la Condition des Ouvriers.

15 Pie XI, Quadragesimo anno (15 mai 1931). Sur la Restauration de l’Ordre social. E. J. Chevalier, La Communauté humaine selon l’Esprit chrétien. Documents, St. Paul, Fribourg, 1944.

16 Marcel Clément, L’Économie sociale selon Pie XII, Nouvelles Éditions Latines, Paris, 1953, 2 vol.

17 Étienne Gilson, Pour un Ordre catholique, Desclée de Brouwer, Paris 1934.

18 Marcel De Corte, Incarnation de l'Homme, Médicis, Paris, 1942 ; Essai sur la Fin d'une Civilisation, Médicis, Paris, 1949 ; Économie et Morale, s.l.n.d. Ce dernier ouvrage mériterait d'être édité. Pour une bibliographie des ouvrages de Marcel De Corte voyez le numéro spécial – Nº 196 Septembre-Octobre 1975 – que la revue Itinéraires lui a consacré.

19 Jean Ousset, L’Action, Montalza, Paris ; Pour qu’Il règne, Office international, Paris, 1970 ; Marxisme et Révolution, Montalza, Paris, 1970.

20 Michel Creuzet, Les Corps intermédiaires, Cercles de Saint-Joseph, Martigny, 1964. Michel Creuzet et Jean Ousset, Le Travail, Montalza, Paris, 1962.

21 Marcel Clément, Le Travail. Une Réponse chrétienne au dialogue avec le capital, Perrin, Paris, 1962 ; Le Chef d’Entreprise, Nouvelles Êditions Latines, Paris, 1958 ; La Corporation professionnelle, N.E.L., Paris, 1958.

22 Jean Daujat, L’Ordre social chrétien, Beauchesne, Paris, 1970.

23 Louis Salleron, Essai sur le Principe de Population de Malthus, Hatier, Paris, 1972 ; Libéralisme et Socialisme du XVIIILibéralisme et Socialisme du XVIIIe Siècle à nos Jours, Club du Livre Civique, Paris, 1977 ; Diffuser la Propriété, N.E.L., Paris, 1964 ; Autorité et Commandement dans l’Entreprise, Entreprise Moderne d’Éditions, Paris, 1960 ; L’Organisation du Pouvoir dans l’Entreprise, Entreprise Moderne d’Éditions, Paris, 1966.

Signalons également l’ouvrage de R.-L. Bruckberger, Le Capitalisme, mais c’est la Vie !, Plon, Paris, 1983, et toute l’oeuvre admirable de l’économiste allemand, Wilhelm Röpke et en particulier son volume, Au-delà de l’Offre et de la Demande. Vers une Économie humaine, Payot, Paris, 1961. L’oeuvre de Jacques Rueff va dans le même sens réaliste et chrétien.

24 De Jean Madiran, voyez la revue Itinéraires, 4 rue Garancière, F-75006 Paris. Ses éditoriaux ont été rassemblés en trois volumes chez Dominique Martin Morin.

25 Voyez les nombreuses publications de l'Action Familiale et Scolaire, 31, rue Rennequin, F-75017 Paris.

26 Antoine Murat, Le Catholicisme social en France. Justice et Charité, Editions Ulysse, Bordeaux, 1980.

27 Pie X, Lettre Encyclique : Il fermo proposito (11 juin 1905), cité par R. Kokel et D. Lathoud, Pie X, le Pape évangélique, Editions S.A.R.L., Genève, 1951, p. 193.

L’ouvrage remarquable de Jean Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain (IVL’Église dans l’Empire romain (IVe-Ve siècles), Sirey, 1958, 770 p., démontre, on ne peut plus clairement, que la doctrine sociale de l’Eglise, tant dans son expression réformée que romaine, n’est aucunement une invention des temps modernes. Il s’agit d’une transposition fidèle, adaptée aux conditions actuelles, de l’enseignement séculaire de l’Église chrétienne. L’ouvrage de Henri Charlier, Création de la France, (Dominique Martin Morin, Bouère, 1982) donne un excellent aperçu de l’histoire de l’influence de cette doctrine sociale chrétienne sur la vie du peuple français. Pour la Suisse, les ouvrages de Gonzague de Reynold montrent clairement le rayonnement, dans tous les aspects de la vie sociale et culturelle, de l'influence du Christianisme. Un roman épique tel celui d'Eugenio Corti, Le Cheval rouge (L'Age d'Homme, 1997) décrit de manière admirable le conflit – l'axe même de toute notre histoire – entre un monde encore puissamment marqué par le christianisme et le totalitarisme moderne à travers l'épopée poignante, par moments terrifiante, de jeunes soldats italiens engagés dans la Deuxième Guerre mondiale. Pour une analyse historique de la même réalité, voyez les chefs-d'oeuvre de Gonzague de Reynold, La Démocratie et la Suisse. Essai d'une Philosophie de notre histoire nationale, Chandelier, Bienne, 1934 et L'Europe tragique. La Révolution moderne. La Fin d'un monde, Spes, Paris, 1935. Pour une vision plus philosophique de la déchristianisation, de l'athéisation de notre civilisation nous ne saurions trop recommander l'oeuvre du philosophe italien d'Augusto Del Noce et en particulier son ouvrage L'Irréligion occidentale, Fac, Paris, 1995, traduction partielle de son livre fondamental Il problemo dell'ateismo, Il Molino, Bologne, 1990 (1964). Voyez également sur le même thème, Michael J. Buckley, At the Origins of Modern Atheism, Yale University Press, New Haven, 1987.

28 Jean Charbonnier, Coligny ou les Sermons imaginaires, P.U.F., Paris, 1982, p. 52.

29 Albert-Marie Schmidt, Études sur le XVIÉtudes sur le XVIe Siècle, Siècle, Albin Michel, Paris, 1967 ; Jacques Pineaux, La Poésie des Protestants de Langue française (1559-1598), Klincksieck, Paris, 1971.

30 André Biéler, La Pensée économique et sociale de Calvin, Georg, Genève, 1961 ; Marc-Édouard Chenevière, La Pensée politique de Calvin, Labor, Genève, 1937 ; Léon Wencelius, L'Esthétique de Calvin, Slatkine, Genève, 1979 (1937) ; Richard Stauffer, Dieu, la Création et la Providence dans la Prédication de Calvin, Peter Lang, Berne, 1978 ; Pierre Marcel, Calvin et Copernic. La légende ou les Faits ? La Science et l'Astronomie chez Calvin, La Revue Réformée, Tome XXXI, Nº 121, 1980 ; Susan E. Schreiner, The Theater of His Glory. Nature and the Natural Order in the Thought of John Calvin, The Labyrinth Press, Durham N. C., 1991 ; Harro Höpfl, The Christian Polity of John Calvin, C.U.P., Cambridge, 1985 ; Charles Partee, Calvin and Classical Philosophy, E. J. Brill, Leiden, 1977 ; Arvin Vos, Aquinas, Calvin, and Contemporary Protestant Thought, Christian University Press, Washington D.C., 1985.

31 Pierre Viret (1511-1571), Instruction chrétienne en la Doctrine de la Loi et de l’Évangile, Genève, 1564. Sur Pierre Viret, voyez : Jean Barnaud, Pierre Viret, sa Vie et son Oeuvre, Carayol, Saint-Amour, 1911 ; Georges Bavaud, Le Réformateur Pierre Viret (1511-1571). Sa Théologie, Labor et Fides, Genève, 1986 ; Robert D. Linder, The Political Ideas of Pierre Viret, Droz, Genève, 1964. Jean-Marc Berthoud, Pierre Viret : The Apologetics and Ethics of the Reformation, Éditions Pierre Viret, Case postale 468. CH-1001 Lausanne), 1996.

32 Louis Burnier, Histoire littéraire de l’Éducation morale et religieuse en France et dans la Suisse romande, Bridel, Lausanne, 1864, 2 vol.

33 Collectif, Alexandre Vinet. Regards actuels, Cahiers de la Renaissance Vaudoise, Lausanne, 1996.

34 Agénor de Gasparin (1810-1871), La Famille. Ses Devoirs, ses Joies et ses Douleurs, Paris, 1865, 2 vol. ; L’Ennemi de la Famille, Paris, 1874 ; La Liberté morale, Paris, 1867, 2 vol. Les de Gasparin furent longtemps propriétaires du château de Valeyres-sous-Rances qui est à présent la demeure de la famille Morel et fut pendant de nombreuses années le haut lieu de la Ligue Vaudoise. C'est là que se sont tenus pendant plus de quarante ans les célèbres Séminaires de Valeyres.

35 Voyez l’étude capitale de John W. Whitehead, The Second American Revolution, Davis C. Cook, Elgin, 1982.

36 J. H. Thornwell (1812-1862), The Collected Writings, Banner of Truth, Edinburgh, 1975, 4 vol. ; B. M. Palmer, The Life and Writings of James Henley Thornwell, Banner of Truth, Edinburgh, 1974.

37 Robert L. Dabney (1820-1898), Lectures in Systematic Theology, Zondervan, Grand Rapids, 1976 (1878) ; Discussions, Sprinkle, 1979-1982, (4 vol.) ; The Practical Philosophy, Sprinkle, Harrisonburg, 1984 (1897), etc. J. C. Johnson, The Life and letters of Robert Lewis Dabney, Banner of Truth, Edinburgh, 1977.

38 Agrippa d’Aubigné (1552-1630), Oeuvres, Gallimard Pléiade, Paris, 1969 ; Histoire Universelle ; Droz, Genève, 1981 (1624) ; Armand Garnier, Agrippa d’Aubigné et le Parti Protestant, Fischbacher, Paris, 1928 (3 vol.) ; Samuel Rocheblave, Agrippa d’Aubigné, Je Sers, Paris, 1930.

39 J.-H. Merle d’Aubigné (1794-1872), Histoire de la Réformation, Paris, 1835-1875, 13 vol.

40 Groen van Prinsterer, Ongeloof en Revolutie, Leiden, 1847. Sur l'oeuvre de Groen van Prinsterer, voyez l'étude du pasteur Huib Klink à paraître dans un prochain numéro de Résister et Construire.

41 Frank Vandenberg, Abraham Kuyper. A Biography, Padeia Press, St. Catharines, Ontario, 1978 ; Abraham Kuyper (1837-1920), Lectures in Calvinism, Eerdmans, Grand Rapids, 1975 (1898).

42 D. H. T. Vollenhoven fut professeur de philosophie calviniste pendant de nombreuses années à l’Université libre d’Amsterdam. Il est l'auteur de nombreux livres.

43 Herman Dooyeweerd (1894-1977), Philosophie chrétienne et Philosophie autonome, La Revue Réformée, Tome X, No. 3, 1959 ; A New Critique of Theoretical Thought, Presbyterian and Reformed, Philadelphia, 1953-1958 (4 vol.) ; In the Twilight of Western Thought, Craig Press, Nutley, 1965 ; Roots of Western Culture. Pagan, Secular and Christian Options, Wedge, Toronto, 1979 ; S. T. Wolfe, A Key to Dooyeweerd, Craig Press, Nutley, 1978 ; Jan Dengerink, Herman Dooyeweerd, La Revue Réformée, Tome 28, No 111, 1977.

44 Voyez le Institute of Christian Studies, 229 College Street, Toronto, Canada M5T 1R4.

45 Pierre Courthial dans un article intitulé Le Mouvement réformé de Reconstruction chrétienne, publié par la revue Hokhma, Lausanne, No. 14, 1980, p. 44-70, donne un aperçu très instructif de cette tradition de pensée sociale chrétienne. Nous recommandons également de cet auteur le recueil d’articles, Fondements pour l’Avenir, Kerygma, Aix-en-Provence, 1981 et son chef d'oeuvre, Le Jour des petits Recommencements, L'Age d'Homme, Lausanne, 1996.

46 Richard Crews, Cornelius Van Til , Défenseur de la Foi, Résister et Construire, Nº 37-38, p. 40-55.

47 Cornelius Van Til, A Christian Theory of Knowledge, Baker, Grand Rapids, 1969 ; In Defense of the Faith, Presbyterian and Reformed, Nutley, 1967-1976, 5 vol. ; Apologetics, Presbyterian and Reformed, Nutley, s.d. ; The Defense of the Faith, Presbyterian and Reformed, Nutley, 1975, etc. ; R.J. Rushdoony, By What Standard ? An Analysis of the Philosophy of Cornelius Van Til, Thoburn Press, Fairfax, 1958 ; R. J. Rushdoony, Van Til, Presbyterian and Reformed, Nutley, 1960 ; Gary North (Editor), Foundations of Christian Scholarship. Essays in the Van Til Perspective, Ross House Books, Vallecito, 1976.

48 Rousas J. Rushdoony, The Institutes of Biblical Law, Presbyterian and Reformed, Nutley, 1973 ; Law and Society, Ross House Books, Vallecito, 1982 ; (ces deux ouvrages sont utilisés comme manuels de droit naturel à la Faculté de droit de l’Université Catholique de Notre Dame) ; Systematic Theology, 2 vol., Ross House Books, 1994 ; Commentary on Romans and Galatians, Ross House Books, 1997 ; The Roots of Reconstruction, Ross House Books, 1991 ; Politics of Guilt and Pity, Ross House Books, Vallecito, 1996 (1970) ; The Foundations of Social Order. Studies in the Creeds and Councils of the Early Church, Presbyterian and Reformed, Nutley, 1968 ; The One and the Many. Studies in the Philosophy of Order and Ultimacy, Craig Press, Nutley, 1971 ; The Word of Flux. Modern Man and the Problem of Knowledge, Thoburn Press, Fairfax, 1975 ; Intellectual Schizophrenia. Culture, Crisis and Education, Craig Press, Nutley, 1961 ; avec E. Powell), Tithing and Dominion, Ross House Books, Vallecito, 1979 ; The Roots of Inflation, Ross House Books, Vallecito, 1982 ; The Messianic Character of American Education, Craig Press, Nutley, 1963 ; The Philosophy of the Christian Curriculum, Ross House Books, Vallecito, 1981. L’Institut "Chalcedon" (P.O. Box 158, Vallecito, 95251, California, USA) édite un journal mensuel, le Chalcedon Report, envoyé gratuitement à ceux qui en font la demande. Il édite également une revue semestrielle, The Journal of Christian Reconstruction. Le fondateur et Président de Chalcedon est le Dr Rousas John Rushdoony. Nous vous recommandons vivement tous ses travaux.

49 Dans cette tradition, parmi bien d'autres études, nous vous recommandons les ouvrages suivants : Frederick Nymeyer, First Principles in Morality and Economics, Libertarian Press, South Holland, 1955-1960, 6 vol. ; E. L. Hebden Taylor, The Christian Philosophy of Law Politics and the State, Craig Press, Nutley, 1966 ; Reformation or Revolution, Craig Press, Nutley, 1970 (Cet ouvrage contient une étude fort intéressante des différences entre l’enseignement catholique et réformé sur les questions sociales) ; Economics, Money and Banking. Christian Principles, Craig Press, Nutley, 1978 ; Gary North, An Introduction to Christian Economics, Craig Press, Nutley, 1974 ; Marx’s Religion of Revolution, Craig Press, Nutley, 1968 ; The Dominion Covenant - Genesis. An Economic Commentary on the Bible, Institute for Christian Economics (P.O. Box 8000 Tyler, Texas 75711, U.S.A.), 1982, etc, ; Greg L. Bahnsen, Theonomy in Christian Ethics, Craig Press, Nutley, 1977 ; Homosexuality. A Biblical View, Baker, Grand Rapids, 1978 ; H. O. J. Brown, The Reconstruction of the Republic, Arlington House, New Rochelle, 1977 ; David Chilton, Productive Christians in an Age of Guilt Manipulators, Institute for Christian Economics, Tyler, 1981 ; John Whitehead, The Separation Illusion, Mott Media, Milford, 1977 ; R. E. McMaster, Wealth for All. Religion, Politics and War ; Economics, A. N. Inc., Montana ; Francis A. Schaeffer, How Should We Then Live ? The Rise and Decline of Western Culture, Revell, Old Tappan, 1979 ; Whatever Happened to the Human Race ?, Revell, Old Tappan, 1979 ; A Christian Manifesto, Crossway Books, Westchester, 1981.

Aujourd'hui la relève de ce mouvement se situe en particulier autour de la revue Christianity and Society (P.O. Box 2, Taunton, Somorset, TA1 2WZ, Angleterre) et dont le rédacteur est Stephen C. Perks. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, The Christian Philosophy of Education Explained, 1992 ; Christianity and the Law, 1993 ; The Nature, Government and Function of the Church, 1997, The Kuyper Foundation, Taunton. A commander à la même adresse que la revue.

50 René Berthod, Une École pour les Enfants !, AVPC, Lausanne, 1982.

51 Gazette de Lausanne, 10-11 octobre 1981.

52 Feuille des Avis Officiels du Canton de Vaud, mardi 14 septembre 1982.