Le mariage : image de lunion du Christ et de son Église1 Jean-Marc BERTHOUD Ainsi donc, que chacun de vous aime sa femme comme lui-même ; et que la femme respecte son mari. (Éphésiens 5 : 33)
Préambule Jaimerais brièvement méditer quelques éléments de lexhortation quadresse lapôtre Paul aux couples chrétiens de tous les siècles en écrivant aux fidèles dÊphèse les paroles sur le mariage que nous pouvons lire dans Éphésiens 5 : 22-33. Mais avant de me pencher sur ce texte magnifique qui, si jose mexprimer ainsi, donne de façon solennelle ses titres de noblesse divine au saint état du mariage chrétien dans lequel vous entrez aujourdhui, jaimerais situer ces paroles dans le contexte de tout le cinquième chapitre de la lettre aux Ephésiens. Nous verrons que lenseignement de Paul nest pas simplement conditionné culturellement comme laffirment si légèrement certains qui, au nom de la foi chrétienne, souhaiteraient relativiser les normes divinement établies du mariage que Paul nous rappelle ici. Paul commence ce chapitre en exhortant les fidèles, et parmi eux les couples mariés, à devenir rien moins que les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien-aimés (v. 1). Il les appelle ensuite à prendre exemple sur Christ lui-même, en faisant toujours plus de progrès dans lamour quils se doivent les uns aux autres. Car Christ vous a aimés et sest donné lui-même à Dieu en offrande et en sacrifice comme un parfum dagréable odeur (v. 2). Lapôtre les met en garde contre le danger de se laisser séduire par de vains discours (v. 6) provenant de faux docteurs qui sopposeraient à son enseignement divinement inspiré et qui, ainsi, le relativiseraient en faisant de ses commandements immuables des règles purement humaines valables uniquement pour certains pays, pour un certain niveau de culture aujourdhui largement dépassé. Paul ajoute quune pareille révolte contre lordre du Créateur ne peut quattirer la colère de Dieu. Nous ne devons rien avoir à faire avec de tels imposteurs (6-7). Il montre ensuite que la vraie différence nest pas entre les pays, les époques et les cultures, mais entre létat de ténèbres où lhomme est éloigné de Dieu et celui de lumière dans sa présence (v. 9). Tout le reste est oeuvre stérile des ténèbres. Stérile spirituellement bien sûr, mais physiquement aussi, car ce que de tels gens enténébrés font en secret est si honteux quon ne peut même pas en parler (v. 12). Souvenons-nous quÉphèse était une ville de culture grecque et quà lépoque de Paul lhomosexualité était considérée comme une manière de vivre vertueuse et même comme une des bases essentielles de léducation convenable des garçons2. Lon comprend mieux pourquoi, au début du chapitre, Paul disait aux Éphésiens : Que linconduite, toute forme dimpureté, ou la cupidité ne soient pas même mentionnées parmi vous, comme il convient à des saints (v. 3). Ainsi les chrétiens dÉphèse, et les couples tout particulièrement, sont exhortés à veiller avec soin sur leur conduite ; à être, non pas des insensés, mais des hommes sages ; de ceux qui savent racheter le temps, car déjà alors les jours étaient mauvais. Ils ne doivent pas être sans intelligence, mais bien comprendre quelle est la volonté du Seigneur (v. 15-17). Finalement, ayant compris cette volonté de Dieu telle quelle est révélée dans Sa Parole, cest-à-dire dans cette lettre, les chrétiens dÉphèse sont appelés à continuellement louer et rendre grâces au Seigneur, dans la plénitude du Saint-Esprit, pour ses bienfaits sans nombre de Créateur, de Sauveur et de Seigneur. Ainsi se termine lintroduction aux exhortations morales pratiques qui remplissent la fin de lépître. Lordre divin Ce que nous trouvons à la fin de ce chapitre et au début du sixième chapitre de cette lettre de Paul est une exposition précise bien trop précise pour beaucoup dentre nous de ce que représente exactement cette volonté du Seigneur pour le mari et pour son épouse, pour les parents et pour les enfants, pour les maîtres et pour les esclaves (nous dirions, pour les patrons et pour les ouvriers). Après avoir exhorté chaque chrétien à être animé dun esprit de soumission mutuelle, et non dune volonté constante de réclamation de ses "droits", et cela dans la crainte du Christ, chacun acceptant sa charge, sa tâche, ses responsabilités propres selon la position sociale qui est la sienne et dans le cadre que définit la volonté de Dieu, Paul commence par définir ce quest cette volonté divine pour le mariage. La femme doit tout dabord être soumise à son mari, comme elle l'est dailleurs au Seigneur lui-même (v. 22). Pourquoi affirmer demblée une exigence qui nous paraît aujourdhui si barbare ? La réponse de Paul nest pas moins nette que son ordre : parce que le mari est le chef de la femme (v. 23). Nous voici bien loin de légalitarisme sexuel moderne, de cette mode générale que lon nomme celle de "lunisexe" qui pousse hommes et femmes aux mêmes habillements, aux mêmes comportements, aux mêmes occupations. Cet égalitarisme a été jusquà conduire le peuple suisse, sous la direction des autorités civiles aveuglées par un esprit démagogique, à adopter un nouveau droit matrimonial qui faisait disparaître de la structure légale de la famille toute espèce de hiérarchie. Cette institution devenue informe, maintenant sans tête ni coeur, était dès lors soumise, en cas du moindre conflit entre partenaires interchangeables, à lautorité arbitraire du magistrat, cest-à-dire de lÉtat. Les évêques catholiques suisses et les autorités protestantes du pays ont approuvé ce changement "plus juste", tandis que les Églises évangéliques se tenaient dans un silence prudent et ambigu. Mais lapôtre Paul va plus loin encore. Il demande aux mari chrétien daimer son épouse comme le Christ a lui-même aimé, et aime toujours, son Église en se sacrifiant pour elle, en prenant grand soin delle. Le mari doit aimer sa femme comme son propre corps, nous dit le texte. Paul nous dit que celui qui aime sa femme saime lui-même, rien de moins. Que nous sommes loin ici de lidéal moderne du mari, qui par la "grâce" de la technique scientifique et des batteries darmes anti-conceptionnelles quelle met à sa disposition, a les moyens de faire la guerre à sa propre puissance procréatrice, au nom de lépanouissement sexuel du couple. Lépoux moderne nest que trop souvent devenu lirresponsable jouisseur de son épouse, épouse devenue bien fréquemment la maîtresse domestiquée de son mari. Celui-ci, le chef de la femme comme le dit Paul, est tombé dans le rôle du serviteur dévoué de son partenaire et de leurs plaisirs communs. Non que Paul se soit jamais opposé aux joies normales qui sont un aspect indispensable de lunion conjugale chrétienne ! Mais comme nous sommes loin, dans la description que donne lapôtre des rapports entre lhomme et la femme dans le mariage, de cette cohabitation "pour le meilleur et sans le pire", qui nest que le partenariat de deux égoïsmes3. Ce terme de "cohabitation" est devenu si populaire, si normal, quil est employé pour définir un aspect actuel du régime politique de nos voisins français. Mais noublions pas que cette expression qui jadis se référait à l'association d'objets disparates en est venu aujourd'hui à signifier de manière courante : concubinage, fornication, adultère. Quand une grande nation choisit un terme pareil pour décrire son régime politique elle témoigne par ce fait même d'avoir perdu tout sens de la dignité du pouvoir, de son caractère sacré car provenant du Créateur lui-même. Elle se trouve ainsi proche du jugement de Dieu. Inscrit dans la création Mais pourquoi donc lapôtre nous prend-il ainsi si fortement à rebrousse-poil en demandant à tous les couples chrétiens de se conformer à des ordres qui sont à nos yeux, aussi formels qu'aberrants ? Que chacun de vous aime sa femme comme lui-même, et que la femme respecte son mari. Pourquoi une exhortation si anachronique, si démodée, si impopulaire ? Selon Dieu le mariage est un reflet de lordre établi depuis la création du monde entre le Créateur et ses créatures. Dans tout mariage, le mari représente le Créateur et son épouse la création, lun fécondeur, lautre recevant la semence fécondante. Pour les chrétiens, cette analogie est beaucoup plus riche encore. Dans leur relation de couple chrétien, le mari et la femme sont limage vivante du rapport entre le Christ et son épouse, lÉglise. Paul nous dit quil sagit dun grand mystère se rapportant à Christ et à lÉglise (v. 32). Comme lhomme quitte son père et sa mère pour sattacher à sa femme, de même le Christ, en ce qui concerne sa divinité, a quitté son Père céleste, et, en ce qui concerne son humanité, sa mère terrestre, afin de sattacher pour toujours à son épouse, lÉglise quil a aimée jusquà, nous dit Paul, se ( ) livrer lui-même pour elle, afin de la sanctifier après lavoir purifiée par leau et la Parole, pour faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut. Éphésiens 5 : 25-27 Ainsi selon lenseignement de Celui qui a lui-même institué le mariage, lépoux et lépouse chrétiens sont comme dans un théâtre, théâtre qui serait le reflet des rapports entre Jésus-Christ et son Église. Sur cette scène quest la famille, le mari et sa femme doivent fidèlement tenir les rôles assignés pour eux par leur Créateur et Sauveur. Le mari tient ici le rôle de Dieu, lépouse celui de la créature. Il ne peut évidemment sagir ici, ni dinfériorité ni de supériorité ; et encore moins dune quelconque autorité tyrannique du mari (ou de situation d'esclave de l'épouse) comme si le Christ régnait sur son Église en tyran ! Lautorité vraie est toujours l'exercice d'une responsabilité pour celui qui la détient et la réception d'un bienfait pour ceux envers lesquels elle sexerce. Légalité mathématique nest quune vue de lesprit et nexiste pas dans la création de Dieu. Chaque créature a son individualité propre à lintérieur de lensemble auquel elle appartient. Il ny a pas deux aiguilles de sapin, pas deux grains de sable, pas deux étoiles qui soient identiques. De même, nous ne trouvons ni deux hommes identiques, ni deux femmes absolument pareilles. La différence entre hommes et femmes est bien plus grande encore que celle que lon trouve à lintérieur dun seul sexe. Cette différence est une des merveilles de la création de Dieu, car elle permet la création de communautés complexes aux fonctions largement différenciées, telle la famille chrétienne, qui reflète ainsi la famille divine originelle constituée du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Légalitarisme abstrait, fondement du démocratisme moderne (un individu = une voix), est sous toutes ses formes certainement larme la plus redoutable entre les mains de Satan pour la destruction des structures complexes et différenciées de lordre créationnel. Comme le désordre est venu par la révolte de la créature contre son Créateur, de même le renouvellement et le rétablissement de lordre divin renversé ne pouvaient que venir de lobéissance parfaite à son Père céleste dun autre homme, du Dieu fait homme, Jésus-Christ. Le couple fidèle est le reflet de cette obéissance retrouvée, celle de lÉglise épouse soumise et obéissante de son divin époux Jésus-Christ. Dès la création Dieu a établi la famille comme constituant un théâtre terrestre et sur les plateaux de ce petit théâtre les rapports de lhomme et de la femme symbolisent ceux qu'entretient le Créateur avec sa création. Nous retrouvons, dune part lautorité de Dieu et, de lautre, la soumission de la créature. Pour le chrétien, le modèle est beaucoup plus proche, plus parlant et pour tout dire, bien plus aimable. Car si dun côté le mari tient le rôle du Christ Seigneur certes, mais un Seigneur plein damour et de bonté pour lépouse quil sest choisie, allant jusqu'à sidentifier à elle et se sacrifier pour elle de lautre, la femme figure lépouse céleste fidèle, lÉglise de Dieu qui par son obéissance d'amour glorifie son Seigneur. En toutes choses l'épouse doit bien tenir le rôle qui est le sien, car par son attitude soumise et pleine de respect envers son mari, elle doit faire voir au monde (et aux anges) ce qu'est le lien qui unit l'Église à Jésus-Christ. Elle manifeste ainsi publiquement ce que doit être le comportement de lÉglise obéissante face à son Seigneur, ce qu'est la création réconciliée face à son Créateur. Il nest guère possible de surestimer limportance, tant pour lavenir de notre monde que pour celui de lunivers lui-même, de lattitude dun couple où chacun tient fidèlement le rôle que Dieu lui a assigné. Car de lobéissance du mari et de lépouse (c'est-à-dire de celle du Christ et de lÉglise), va dépendre lavenir du monde. Nous ne saurions exagérer la gravité de lenjeu représenté par lattitude fidèle de lépouse du Christ, lÉglise, à légard de son divin époux, Jésus-Christ son Créateur, son Seigneur et son Sauveur. La pente sur laquelle le diable cherche toujours à pousser familles et Églises est celle de linsoumission à Dieu. Et cette insoumission se manifeste dans la désorganisation de nos familles et de nos Églises par rapport au modèle divin dont nous venons de brosser les grands traits. Pour lépouse la tentation sera celle de linsoumission à son mari. Celle du mari sera de ne pas aimer son épouse comme le Christ aime son Église, jusquà sacrifier sa propre vie pour elle. Pour lÉglise la tentation est toujours de chercher à se constituer comme exerçant sa propre autorité, usurpant ainsi celle de son Seigneur. Dans la famille cette désobéissance se marque par le féminisme, le refus par la femme de lautorité de lhomme. Dans lÉglise par lintroduction du ministère dautorité des femmes, louverture des fonctions dancien et de pasteur au sexe faible. Pour prendre un exemple récent de cet esprit de désobéissance au Christ dans lÉglise, rappelons la convocation à Assise à la fin du mois doctobre 1986 par le pape Jean-Paul II dune nouvelle Babel des religions de ce monde dans le but de se trouver ensemble pour prier pour la paix. Il est évident quun tel parlement des religions ne pouvait se tenir avec la participation de lépouse véritable du Christ, lÉglise fidèle, ou avec la bénédiction de l'époux divin, Jésus-Christ ! Voici la voie toute tracée pour la manifestation de celle que la Bible appelle la "prostituée", lÉglise de lapostasie et l'apparition de son chef lAntichrist. Tout autre est le chemin de lÉglise fidèle, modèle dune création renouvelée, à nouveau soumise à son Seigneur dans une obéissance joyeuse. Tout autre est le chemin du couple chrétien où le rapport entre le mari et son épouse ne reflète, certes jamais parfaitement ici bas, mais cependant fidèlement et avec constance, celui que Jésus-Christ a établi avec son Église en laquelle se trouvent les prémices des nouveaux cieux et de la nouvelle terre. Lobéissance dun mari sidentifiant et se sacrifiant pour son épouse, lobéissance dune épouse se soumettant à son mari et le respectant ont, aux yeux de Dieu, un poids infiniment plus grande que tout lactivisme politique et religieux dont un monde révolté contre Dieu et une Église infidèle à son Époux divin nous livre le spectacle navrant. Que le Dieu unique, Père, Fils et Saint-Esprit, doù toute famille tire son nom, nous accorde, à nous couples et familles chrétiennes, de pouvoir fidèlement tenir le rôle qui est le nôtre sur ce théâtre sur lequel Dieu nous a placés. _________________________ 1 Prédication prononcée par J.-M. BERTHOUD lors d'un mariage et publiée dans la revue Promesses, Nº 1, 1989. 2 Voyez le chapitre consacré au thème, De la Pédérastie comme Éducation dans Henri-Irénée Marrou, Histoire de l'Éducation dans l'Antiquité, Seuil, Paris, 1965. 3 C'est le titre du livre fort instructif sur le mariage, mode moderne, de la sociologue protestante revenue de son féminisme outrancier, Évelyne Sullerot, Pour le Meilleur et sans le Pire, Fayard, 1984. |