Réflexions sur un projet de loi scolaire Jean-Marc BERTHOUD Réponse de l Association Vaudoise de Parents Chrétiens à la consultation cantonale sur un Avant-projet de loi scolaire, réponse adressée au Département de lInstruction Publique et des Cultes au mois de septembre 1983. Cet Avant-projet de loi n'était qu'un élément dans la politique à long terme de milieux animés par vision utopique du but de l'enseignement public. L'adoption par votation populaire lors du référendum cantonal de décembre 1996 de la nouvelle mouture d'une la loi scolaire en constante évolution, l'École Vaudoise en Mutation (EVM96), fut la dernière étape dans le déploiement interminable de ce serpent de mer. 1. Disparition complète de toute référence à la foi chrétienne dans lAvant-projet de loi scolaire. Larticle 63 de la loi du 25 mai 1960 sur linstruction publique primaire prévoyait de manière explicite et formelle, mais à titre facultatif, "un enseignement de lhistoire biblique conforme aux principes du Christianisme". Vu lhéritage chrétien du pays de Vaud ainsi que le lien public qui y existe entre lÉglise et lÉtat (rappelons quil sagit ici du projet de loi du Département de lInstruction Publique et des Cultes), labsence de toute référence à la foi chrétienne dans le projet de loi est incompréhensible et inadmissible. Dune part, la Foi chrétienne constitue encore aujourdhui un des fondements intellectuels, moraux et spirituels de notre école, de notre pays. Dautre part, le lien public entre l'État et lÉglise, encore récemment confirmé par une majorité écrasante des citoyens, implique que la religion chrétienne reste toujours chose publique et ne doit pas être reléguée au domaine purement personnel des "convictions religieuses, morales et politiques" des chrétiens de ce pays. Couper lécole publique de notre canton de ses racines chrétiennes ne peut en aucune manière conduire à la formation dune jeunesse apte à assumer ses responsabilités spirituelles, personnelles, sociales et politiques.
2. Il est contraire à la Constitution fédérale et à la Constitution vaudoise de parler, comme le fait lavant-projet, de "scolarité obligatoire", notion impliquant lécole obligatoire : seule est obligatoire linstruction des enfants. Larticle 27 de la Constitution fédérale déclare :
Les cantons pourvoient à linstruction primaire qui doit être suffisante. Linstruction primaire est obligatoire et, dans les écoles publiques, gratuite. Larticle 18 de la Constitution cantonale de 1885 affirme :
Chacun est tenu de veiller à ce que ses enfants ou pupilles fréquentent les écoles publiques primaires ou de pourvoir, sous le contrôle de lautorité scolaire, à ce quils reçoivent une instruction au moins égale à celle qui se donne dans ces établissements. LAvant-projet de loi scolaire, lui, dès larticle 5, et à plusieurs reprises, parle de manière anticonstitutionnelle de "scolarité obligatoire". Larticle 5 dit :
La scolarité obligatoire commence à lâge de 6 ans Larticle 7 est plus précis encore :
Les municipalités sassurent que lobligation scolaire est respectée. Lécole obligatoire et, à plus forte raison, lécole publique obligatoire nexistent pas constitutionnellement. Seule linstruction obligatoire est prévue par la loi. La notion de scolarité obligatoire est inadéquate, voire fort dangereuse, car elle semble impliquer lobligation de soumettre les enfants à une institution scolaire pour leur instruction. La liberté des citoyens dans ce domaine doit être scrupuleusement préservée.
3. Laffirmation de la neutralité religieuse, morale et politique de lécole, dune part, est une notion contradictoire et, dautre part, représente une impossibilité de fait. Ce principe a pour effet de neutraliser toute possibilité de formation morale et intellectuelle des élèves et livre lécole publique à larbitraire de la propagande idéologique émanant de certains milieux pédagogiques. Lécole se veut idéologiquement neutre. Larticle 4 de lAvant-projet sexprime ainsi :
Lécole respecte les convictions religieuses, morales et politiques des enfants et de leurs parents. En particulier, toute propagande est interdite à lécole. Ce principe de neutralité ne fait que reprendre, sous une formulation légèrement différente, larticle 18 de la Constitution cantonale :
Les écoles publiques doivent pouvoir être fréquentées par les adhérents de toutes les confessions sans quils aient à souffrir dans leur liberté de conscience. Cette conception de la neutralité nécessaire de lécole est un reflet de lidéologie humaniste, séculière et positiviste du XIXe siècle. Nous savons quune telle neutralité est strictement impossible. Pour respecter véritablement les convictions religieuses, morales et politiques de tous les parents, lécole publique est amenée, dans une société pluraliste telle que la nôtre, à faire abstraction de toute valeur. Ce vide des valeurs, cette absence de direction religieuse, morale et politique est une des causes principales du désarroi spirituel, moral et intellectuel de nombreux jeunes de notre pays1. Par ailleurs, si les maîtres doivent abandonner toute conviction personnelle en pénétrant dans leur classe afin déviter toute propagande morale, religieuse et politique auprès de leurs élèves, ils ne sauront susciter chez les jeunes qui leur sont confiés ces fermes convictions qui fondent lintelligence et qui sont comme lossature de toute vie. En réalité, en éducation, une telle non-directivité pédagogique est impossible et en contradiction formelle avec toute notion "dorientation". En labsence de directives explicites de la part de lautorité publique, les maîtres les plus consciencieux sabstiendront de toute influence trop visible sur leurs élèves, tandis que les enseignants les plus idéologiquement engagés ne se gêneront guère pour influencer, voire manipuler leurs élèves dans le sens où ils désirent les engager. Ainsi lécole publique est-elle livrée aux fantaisies pédagogiques les plus arbitraires. La prétendue neutralité religieuse de lécole vaudoise de la fin du XIXe siècle avait en réalité pour but de camoufler lintroduction discrète de nouvelles valeurs humanistes séculières, c'est-à-dire athées, se substituant au "fondement chrétien millénaire" de nos écoles2.
4. Toute propagande à lintérieur de lécole est interdite, sauf celle du Département lui-même, introduite sous le couvert dune réforme des programmes. Une commission du Grand Conseil devrait être chargée dexaminer et de contrôler lintroduction des nouveaux manuels et des nouveaux programmes. Toute propagande est interdite à lécole (même des séances dinformation sur le scoutisme sont interdites sous ce vocable) sauf, évidemment, la propagande du Département lui-même. Nous prenons parmi bien dautres, trois exemples où, par la voie officielle, a été introduite dans lécole publique une propagande en faveur dun relativisme moral et intellectuel parfaitement contraire aux convictions de nombreux parents. a) La propagande en faveur du relativisme moral et sexuel a été officiellement autorisée sous la forme de cours déducation sexuelle, en principe facultatifs, mais en fait donnés à limmense majorité des enfants dans la plupart des écoles de notre canton3. b) La déstabilisation des certitudes mathématiques et logiques élémentaires a été introduite dans lécole publique avec lenseignement des mathématiques dites "modernes" et, en particulier, avec les calculs effectués à partir de bases quelconques, ce qui est nuisible à ce niveau. c) Avec la rénovation de lenseignement du français, lentreprise de déstabilisation intellectuelle, culturelle et morale du Département sest, cette fois, attaquée aux certitudes orthographiques et grammaticales des enfants, ainsi quau rapport des mots avec leur sens précis4. Il est aujourdhui bien connu que ces réformes de lenseignement des diverses matières véhiculent une idéologie précise de tendance dialectique, marxiste et athée. Est-ce ainsi que le Département respecte les convictions religieuses, morales et politiques des parents qui lui confient leurs enfants et quil met lécole à labri de toute propagande ? En conséquence de ces abus, il serait absolument indispensable que le Grand Conseil crée une commission de contrôle avec consultation publique ouverte aux personnes concernées qui étudierait toute introduction de nouveaux manuels, ou toute modification du contenu de lenseignement ou des méthodes pédagogiques préconisées. Larticle de lactuel Avant-projet déclare :
Tous les objets dordre pédagogique sont de la compétence du Département. Celui-ci décide notamment des plans détudes et des grilles horaires, ainsi que des programmes et des moyens denseignement ( ) Une mainmise idéologique aussi totalitaire accordée au Département est inacceptable. Dailleurs, le Département, sétant lui-même lancé tête baissée dans la diffusion officielle de propagande idéologiquement orientée dans lécole confiée à sa charge, ne saurait être honoré dune confiance aussi illimitée ! Des mesures de prudence politique sont devenues indispensables, dautant plus que le Département de lInstruction Publique ne paraît plus en mesure de maintenir les réformes quil institue dans le cadre de la loi existante. Contrairement à la loi scolaire en vigueur, qui précise de manière assez générale le contenu de lenseignement primaire et consacre le Chapitre XX tout entier aux "Objets denseignement" (Articles 60-65), le Département, par le projet de loi quil propose, se réserve une liberté complète quant à ce qui touche au contenu de lenseignement. Il est bien curieux que dans ce projet de loi aucun article ne vise spécifiquement le contenu de lenseignement donné aux enfants de ce pays. Seules les questions dorganisation semblent devoir intéresser le législateur. Malgré limportance certaine de la structure de lécole, cest par le contenu spécifique de son enseignement quelle affectera le plus les enfants qui lui sont confiés. Un pareil silence est pour le moins inquiétant. Il témoigne de lobsession technologique et méthodologique de notre époque, née en bonne partie de son mépris du sens et du but de son action qui, dès lors, ne peut que tourner à lactivisme. Il faut, en plus, faire remarquer que lAvant-projet de loi scolaire est marqué par la manie, si courante aujourdhui, didentifier, et même de confondre, les sexes. Cette manie égalisatrice est hélas ! maintenant inscrite dans nos lois. Le traitement identique en tout des garçons et des filles est une aberration intellectuelle issue desprits abstraits qui ne savent ni ne peuvent tenir compte des simples réalités. Dans lAvant-projet de loi scolaire le souci dune saine distinction entre les sexes disparaît totalement. Comme le préconise lArticle 7 de notre Charte fondamentale de lenseignement :
Les garçons et les filles doivent recevoir un enseignement partiellement différencié de manière à respecter la nature de chacun. Contrairement à ce que laisse entendre lAvant-projet, les enseignants ne devraient pas être astreints à des recyclages continuels. La formation de base du corps enseignant doit être conçue de manière à ne plus nécessiter une telle formation permanente. De trop fréquents changements sont dommageables à toute activité humaine. Le contenu de lenseignement donné aux enfants nest pas, et naurait jamais dû être principalement laffaire dexperts qui ne peuvent assumer les responsabilités spirituelles, culturelles et politiques de leurs innovations idéologiques, et encore moins leurs conséquences scolaires, familiales et sociales. Afin déviter les dommages, souvent irréparables, provoqués par une expérimentation pédagogique sur les enfants de ce pays, un contrôle politique du contenu de lenseignement de lécole publique est devenu indispensable. La nouvelle loi scolaire pourrait par exemple contenir un article conçu en ces termes :
Lintroduction de tout nouveau manuel et toute réorientation de lenseignement des diverses matières scolaires est soumise à lexamen préalable dune Commission du Grand Conseil. Les séances de cette Commission seront ouvertes aux personnes concernées qui pourront y exprimer leur avis. La Commission peut demander que lusage de certains manuels soit reconsidéré. 5. Le pluralisme spirituel, moral et politique de notre société nest plus compatible avec une institution scolaire monolithique. La loi devrait rendre possible, par le moyen de bons scolaires, lexercice effectif par tous les parents, riches ou pauvres, de leur devoir et de leur droit déduquer leurs enfants et de les instruire selon leurs convictions religieuses, morales et politiques. Notre société est caractérisée par une absence certaine dhomogénéité spirituelle, culturelle et politique. Une école dÉtat monolithique nest plus adaptée à cette nouvelle situation. Limpossibilité de parvenir à une claire entente au sujet du bien commun scolaire, qui caractérise tous les débats politiques sur lécole vaudoise depuis de nombreuses années, en est une preuve manifeste. Les divergences entre citoyens vaudois sont devenues si profondes quon ne peut plus, dans un seul type décole, respecter les convictions morales, politiques et religieuses de tous les habitants de ce pays. Dans ces circonstances, il est devenu indispensable dabandonner lidée périmée de lutilité, pour le bien du pays tout entier, du monopole quasi absolu de lÉtat sur linstruction publique. Répétons-le, lécole dÉtat monolithique nest plus adaptée à notre société marquée par une réelle diversité. La nouvelle loi scolaire devrait, en conséquence, inclure des dispositions prévoyant un soutien financier équivalent pour tous les enfants en âge de scolarité, quils fréquentent des écoles publiques ou non. Il est manifestement injuste que des parents qui, par conviction religieuse, morale ou politique, confient leurs enfants à des écoles de leur choix soient pénalisés par l'État, qui les oblige à payer par deux fois linstruction de leurs enfants : par leurs impôts qui couvrent les frais occasionnés par lécole d'État et par les frais décolages privés. Il est également injuste que seuls les parents aisés, à même dassumer cette double charge, puissent en fait envisager denvoyer leurs enfants dans une école qui respecte réellement leurs convictions religieuses, morales et politiques5. Un article conçu dans les termes suivants pourrait être introduit dans la nouvelle loi scolaire :
Les parents recevront de l'État un "bon scolaire" pour chacun de leurs enfants en âge de scolarité. Ce bon pourra être présenté à tout établissement scolaire, tant privé que public, choisi par les parents. Les écoles privées seront soumises au contrôle de l'État en ce qui concerne la qualité de lenseignement et lhygiène des locaux sans que cette surveillance entame en quoi que ce soit leur indépendance pédagogique et administrative. Sur présentation de ces bons à l'État, létablissement scolaire touchera la somme correspondant aux frais de scolarité occasionnés par lélève. 6. LÉtat doit scrupuleusement veiller à ce que lenseignement privé demeure libre de toute ingérence du pouvoir politique dans lexercice de ses droits. LAvant-projet de loi scolaire sur lenseignement privé préconise une intrusion administrative du Département de lInstruction Publique dans les affaires internes des écoles privées. Il est normal et souhaitable que le Département de lInstruction Publique sassure que les écoles privées respectent les règles sanitaires indispensables au bien-être des enfants, surveille la qualité de lenseignement donné et maintienne pour les établissements privés les exigences morales en vigueur dans lécole publique. Il est en revanche inadmissible que l'État singère dans lorganisation interne de ces écoles en imposant au corps enseignant privé des qualifications alignées sur celles de lenseignement public et en surveillant aussi étroitement les programmes de ces écoles. Une telle volonté de mise sous tutelle transparaît dans larticle 5, alinéa (e), de lAvant-projet de loi sur lenseignement privé. On y lit :
Le requérant (pour obtenir le droit de diriger une école privée) doit: ( ) produire, sur requête, toutes pièces utiles concernant létablissement quil se propose de diriger, notamment son organisation, ses programmes et le genre délèves auxquels il sadresse. Une des justifications de lexistence des écoles privées est doffrir à la population de notre pays une solution de rechange réelle à lenseignement donné par l'État. Cela implique une juste liberté de lécole privée en ce qui concerne tant son organisation que ses programmes. L'État na aucun droit de surveillance dans ces domaines. Un article de ce genre reflète bien lesprit dun dirigisme étatique tatillon, sous-jacent à cet Avant-projet de loi sur lenseignement privé tout entier.
7. La présence dune école primaire dans chaque commune de notre canton est dune importance capitale pour la vie et pour lavenir du pays de Vaud. Là où lécole a été fermée, elle devra être réouverte. Le mouvement de déracinement scolaire de notre population rurale par centralisation des groupements scolaires doit être enrayé. En ce qui concerne les écoles communales, il est de la plus haute importance pour lavenir du pays de maintenir un lien étroit entre lécole et la communauté locale. Lécole primaire doit être rétablie au coeur du village. Là où ces écoles communales ont été fermées pour faire place à des groupements scolaires plus vastes, elles doivent progressivement être réouvertes. La prétendue efficacité pédagogique ne doit pas être lunique critère dune politique scolaire. Le bien des enfants ne relève pas uniquement de lécole. Le maintien de rapports vivants entre les enfants et leur communauté locale est également un bien à poursuivre. Rappelons-le : il sagit de lavenir même du pays de Vaud, que certains, dans leur zèle pédagogique unilatéral, travaillent à transformer en désert, et cela en commençant par créer des oasis scolaires ! Il faut savoir revenir sur ses erreurs et les corriger. La survie de nos campagnes est à ce prix. En aucun cas, la politique des groupements scolaires ne doit être poursuivie. Il faut à cet égard que lautorité politique prenne à coeur la consolidation et la restauration des communes. Il est par ailleurs bien connu quune politique conduisant à établir dimportants centres scolaires, lesquels nécessitent de longs transports pour les enfants, entraîne finalement presque partout pour les enfants une séparation de leurs racines familiales et communautaires, ce qui les livre souvent à une idéologie étrangère tant à leurs familles quà leurs communautés locales. De tels transports denfants ne sont envisageables que lorsquil existe une unité réelle entre les intérêts de la famille et ceux de lécole. Nous avons vu que cette unité nexiste plus guère aujourdhui. De manière très pratique, nous pouvons nous demander, lors de la fermeture dune classe de village, quel en est le coût matériel et social ? Quel est le plus précieux, le bus ou linstitutrice ? La vie du village ou la ruine du village ? La vie familiale ou "labandon" des enfants aux cantines scolaires et à la rue des villes ? Les liens étroits et amicaux qui se tissent entre la population et les enfants ou lanonymat dangereux du centre scolaire ? Une école "éducative" ou des centres de rééducation pour jeunes délinquants ? Il est grand temps que nos autorités envisagent les questions pédagogiques dans la perspective plus large dune saine politique, en vue du bien, à long terme, du canton tout entier.
Note sur les classes "pures6" et les classes à plusieurs degrés. Les classes à un seul degré (dites "classes pures") nécessitent des groupements. Le maintien de classes à deux ou trois degrés diminuerait létendue des groupements, ce qui est un avantage considérable. Ces classes représentent en plus un intérêt pédagogique important. Exemple : Classe de 1e, 2e, 3e années groupées. Lélève de 1e qui sait lire couramment fait la lecture avec ses camarades de 2e et/ou de 3e. Lélève de 3e qui lit encore mal bénéficie dune répétition avec ceux de 1e, sans redoublement, etc. Les plus doués, les plus rapides aident les autres : apprentissage de la solidarité. La maîtresse est moins tentée de "pontifier" depuis son pupitre. Elle sadresse à de petits groupes dâge ou daptitudes semblables, elle individualise son enseignement. Lorsque la maîtresse travaille avec les élèves de 1e, ceux de 2e et de 3e font un travail personnel ou de groupe. Ils apprennent une forme dautonomie. Pendant les périodes de travail autonome, les élèves se détendent ; la tension qui règne entre maître et élèves se relâche. La classe à plusieurs niveaux favorise lalternance des moments de tension et de contrainte avec des moments de détente. Elle permet de faire varier le rythme. Ce type de classe laisse plus dinitiative aux élèves et plus de liberté de mouvement. Elle favorise une assimilation inconsciente de matières difficiles, par une écoute répétée. Lécole traditionnelle à classes pures, de même que la réforme, butent sur une difficulté insoluble : les élèves sont fichés en fonction de leur âge civil. Au lieu de favoriser les enfants à développement lent, on bloque leurs progrès par un forcing qui devrait leur permettre de suivre au minimum un rythme moyen. Il est maintenant reconnu que le rythme dapprentissage varie du simple au triple. Il nest plus possible dignorer cette donnée qui résulte dune recherche du Conseil de lEurope. La classe à plusieurs degrés est une solution, 1. au niveau du primaire (1er cycle) pour diversifier le rythme à lintérieur dune classe. 2. au niveau du secondaire terminologie 1983 (2e cycle) soit de 11 à 16 ans, pour les élèves des voies générale et pratique (ou artisanale) dont les aptitudes sont hétérogènes. Pour les classes homogènes résultant dune sélection, la présence de plusieurs degrés est un handicap certain. Conclusions : 1. les avantages de la classe "pure" ont été surestimés. 2. la classe "pure" nécessite des regroupements importants et coûteux. 3. la classe à plusieurs degrés répond mieux aux objectifs de la coordination romande (individualisation, solidarité, autonomie). 4. la classe à plusieurs degrés permet aux enfants de rester à lécole du village. Il faut donc admettre des classes de village à plusieurs degrés même si leffectif est en dessous de la "moyenne". 8. Le projet de loi considère essentiellement lenfant comme une abstraction dintellectuels. Cette vision pédagogique sest dissociée de la réalité. Elle ne bénéficie plus de lapport enrichissant de la diversité psychologique, sociale et spirituelle du pays. La pédagogie doit revenir à des vues plus réalistes et plus humaines si elle veut éviter de faire de notre population un ramassis dintellectuels manqués. Un grave défaut du Projet de loi scolaire dans son ensemble est de considérer lenfant comme une pure abstraction. Labsorption de lécole primaire et de lécole supérieure dans une école secondaire unique vaste groupement des diverses écoles actuelles préconisée par lAvant-projet implique une notion simplificatrice de la réalité psychologique et intellectuelle de lenfant, ainsi quune vision bien pauvre de la différenciation sociale nécessaire à la santé et à la vie du pays de Vaud. Cette notion dun homme abstrait cest-à-dire séparé de son milieu social précis et privé de ses aptitudes irréductiblement personnelles, bref de son individualité est un héritage anachronique didées tirées de lidéologie rationaliste, à modèle mathématique simpliste et réductionniste, du siècle des Lumières. Cette notion dun homme abstrait, qui voudrait que tous les hommes soient interchangeables (comme les symboles dune équation) et possèdent tous les mêmes droits universels quels que soient leur âge, leur sexe, leur état, est aujourdhui reconnue fausse par de nombreux pédagogues, psychologues et sociologues devenus plus respectueux de la personne humaine et de ses droits et devoirs différenciés que ne létaient leurs prédécesseurs idéologues7. Cest pour cette raison qu'il faudrait tout entreprendre pour éviter de suivre le modèle simplificateur, humainement et socialement appauvrissant, dune école unique à direction essentiellement intellectuelle8. La tendance à exiger un diplôme de maturité pour des professions toujours plus nombreuses telles, par exemple, celles dinfirmière ou dinstituteur où une formation principalement intellectuelle nest pas nécessairement des plus heureuses, devrait être renversée. Une revalorisation sociale, professionnelle et salariale des instituteurs par rapport aux maîtres secondaires et aux professeurs est fort souhaitable, revalorisation à indexer sur une estimation objective de lefficacité de lenseignement donné. Si les fondements donnés par lécole primaire sont solides, lenfant saura profiter de toute instruction ultérieure. Si linstruction primaire est faible, toute la formation future de lélève est compromise. Lautorité des enseignants par rapport aux élèves et lexigence de respect dû par ceux-ci à leurs maîtres devraient être renforcées. Il est temps que lon comprenne quil est bien plus rentable, sur le plan pédagogique, dinvestir dans une amélioration du personnel enseignant que dans des locaux et dans du matériel extrêmement coûteux. La qualité de la formation des élèves dépend avant tout de la qualité et du dévouement du corps enseignant.
9. Les parents devraient disposer dune entière liberté de décision dans le choix de létablissement scolaire que fréquentent leurs enfants. En particulier là où certains établissements scolaires publics sont voués à de lexpérimentation pédagogique (zones pilotes). Dans les communes où il existe plusieurs établissements scolaires publics de même niveau, les parents doivent pouvoir choisir véritablement lécole dans laquelle ils enverront leurs enfants ayant réussi les épreuves de sélection. On présentera ce choix aux parents avant la fin de lannée scolaire. Là où des établissements scolaires sont transformés en écoles expérimentales, les parents ont le droit denvoyer leurs enfants dans les écoles où les méthodes denseignement et lorganisation des classes continuent de correspondre à leurs aspirations.
10. Le personnel enseignant doit pouvoir recourir à une autorité darbitrage lorsquil a à se plaindre dabus ou dactes arbitraires de la part des administrations scolaires. La loi scolaire devrait contenir un article prévoyant la possibilité pour le personnel enseignant de recourir auprès dune autorité indépendante darbitrage, lors de conflits éventuels avec le Département et, en particulier, lors dabus ou dactes arbitraires de la part des administrations des écoles. En effet, les cas de caporalisme administratif signalés sont bien trop nombreux. Cette attitude, pour le moins regrettable, de certains membres de ladministration scolaire prévaut particulièrement à légard du corps enseignant primaire et, plus précisément, à légard des institutrices. La profession denseignant est déjà en elle-même suffisamment astreignante et difficile pour que les maîtres naient pas, en plus, à subir le comportement arbitraire de certains roitelets de bureaux. Un article conçu dans les termes suivants pourrait être introduit dans le projet de loi scolaire :
Le Grand Conseil établira un Tribunal Administratif Indépendant qui aura la compétence dentendre les plaintes du corps enseignant contre les administrations des écoles et, le cas échéant, contre le Département de lInstruction Publique lui-même, et de trancher entre les parties en présence. Association Vaudoise de Parents Chrétiens septembre 1983 ___________________________ 1 Voyez les effets de cette prétention à la neutralité décrits dans la brochure de Jeanne Hersch, LEnnemi cest le Nihilisme, Georg, Genève, 1981. 2 Voyez : Jean-Marc Berthoud, Quel Avenir pour nos Enfants ? Réflexions sur le passé et le présent de lécole vaudoise. dans ce livre, Deuxième Partie, Chapitre II. 3 Voyez notre lettre ouverte au Conseiller d'État Raymond Junod, Chef du Département de lInstruction Publique et des Cultes intitulée, LÉducation sexuelle : lAffaire de lÉcole ou celle des Parents ?, dans ce livre Annexe III. 4 Voyez notre brochure collective, Le Nouveau Français : Ruine ou Renouveau ?, A.V.P.C., Lausanne, 1982. 5 Ce système de "bons scolaires" fonctionne depuis le début du siècle aux Pays-Bas avec des résultats remarquables. 6 Où donc la pureté va-t-elle se loger ? L'expression est démagogique ! 7 Il est manifestement absurde de prétendre que les parents et les enseignants, les patrons et les ouvriers, les chirurgiens et les infirmières, les médecins et leurs malades, les maris et leurs épouses, les officiers et les soldats, les magistrats et de simples citoyens, les gardiens et leurs prisonniers et la liste pourrait être allongée aient en TOUT et en TOUT TEMPS les mêmes droits et les mêmes devoirs. 8 Voyez d'Olivier Delacrétaz, LÉcole vaudoise à la Croisée des Chemins, Cahiers de la Renaissance Vaudoise, Lausanne, 1982. |