Extraits du
discours de Nicolas Sarkozy devant l'Assemblée générale de la Fédération
Evangélique de France (FEF) Extraits du discours de Nicolas Sarkozy, Ministre des cultes, lors de l'assemblée générale de la Fédération Evangélique de France à Longjumeau, le 1er février 2004 Messieurs les présidents - puisque il y en a un qui va le devenir, et l’autre qui l’a été -, Monsieur le Maire, monsieur le Préfet, le Sous-préfet, cher Pierre-André (ministre de la francophonie), madame la Député - chère Nathalie -, Monsieur le conseiller général. Vous m’aviez invité, Monsieur le Président, l’an passé, malheureusement je n’avais pas eu la disponibilité pour répondre positivement à votre invitation. J’ai voulu cette année venir. Je voudrais parler très librement. D’abord je pense que depuis bien longtemps la question religieuse est une des questions essentielles. La question spirituelle revient à s’interroger sur le sens de la vie, sur la finalité de l’homme, sur la spécificité de l’homme, sur son caractère unique, et c’est justement parce qu’il est unique qu’il doit être respecté. La vie, n’est pas un bien de consommation comme les autres. La question spirituelle, depuis la nuit des temps, est une interrogation fondamentale pour l’homme. Depuis que l’homme a conscience de son destin singulier, il s’est posé cette question : Est-ce que la vie a un sens ? ou sommes-nous le fruit et le produit du hasard ? Cette question, Messieurs les présidents, est une question légitime. Légitime elle l’était hier, légitime elle l’est aujourd’hui et légitime elle le sera tant que les hommes n’auront pas la réponse à cette question : Pourquoi ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Cette question spirituelle ne s’oppose pas aux questions temporelles. A la République: le temporel, aux religions, le spirituel. Y a-t-il une opposition entre les deux ? A l’évidence, non. Je dirai même plus, que l’engagement religieux, en ce qu’il donne un sens à la vie, et un prix à la vie de chacun, qu’il encourage au respect de l’autre, si semblable, malgré les différences apparentes, eh bien c’est un facteur d’apaisement et de stabilité pour nos sociétés. Est-ce que l’idéal républicain peut répondre à toutes les questions que se pose l’homme ? Qui oserait le dire ? Les valeurs républicaines sont là pour assurer le "bon vivre ensemble", dans le cadre de la vie de tous les jours, organisée de façon à ce que chacun puisse trouver sa place. Les valeurs républicaines n’ont pas la prétention, car ce n’est pas leur domaine, de répondre à cette question essentielle : "Tout cela a-t-il un sens" ? […] Ensuite, il y a la question de la laïcité. Elle est passionnante parce qu’elle fait l’objet si souvent de contresens. Mais la laïcité n’est pas l’ennemi des religions, c’est tout le contraire. La laïcité, pour ceux qui aiment l’histoire, et qui de surcroît la connaissent, a été organisée justement pour garantir à chacun le droit de croire, de vivre sa foi et de la transmettre à ses enfants. C’est ça la laïcité. La laïcité n’est pas la négation des religions, la loi de 1905 le dit bien dans son article premier: la République garantit l’exercice du culte, de tous les cultes, sans en privilégier aucun. Si la République garantit ce droit, c’est qu’il est fondamental. Sinon la République y perdrait son âme, à garantir un droit qui ne l’est pas. La laïcité c’est donc d’abord le droit reconnu, à chacun d’entre nous de vivre sa religion, de vivre sa foi, de la transmettre à ses enfants. Le droit de croire est un droit aussi fondamental que le droit de s’exprimer, que le droit de s’associer, que le droit de manifester. C’est cela la laïcité à la française et ce n’est rien d’autre. Je sais bien que certains ont voulu voir la laïcité comme une laïcité de combat, mais ce n’est pas notre tradition. C’est tout le contraire. La laïcité c’est la complémentarité entre la République et les religions. D’autres, et c’est très intéressant j’ai découvert en devenant ministre de l’intérieur, ont une vision passive de la laïcité. Certains ministres, dans le passé avaient même conceptualisé une attitude étrange qui consistait à indiquer que puisqu’ils étaient ministres, ils ne pouvaient entrer ni dans une église, ni dans une synagogue, ni dans une mosquée, ni dans un temple. Et bien, écoutez, je pense exactement le contraire. Ce n’est pas un droit pour le ministre, c’est un devoir, d’honorer par sa présence - pas personnelle, mais statutaire -, les grandes religions de France en étant à leur côté au moment de leurs grandes fêtes. Quand Monseigneur Barbarin, le primat des Gaules est installé dans l’abbatiale, à Lyon, j’y suis. C’est mon devoir de ministre des cultes, pour honorer la communauté catholique. Quand le recteur Kabtane préside dans la grande mosquée de Lyon une célébration, et qu’il y invite les autorités civiles, j’y suis pour montrer à nos compatriotes que le culte de confession musulmane a toute sa place. Quand il y a une fête au moment du Kippour, je me rends dans les synagogues pour témoigner à la communauté juive de France du respect, de l’attachement, de la considération que les institutions de la République doivent lui porter. Et quand votre fédération m’invite, j’y viens parce que je considère que c’est un devoir et c’est pour moi de surcroît un plaisir. C’est pas tous les jours qu’on peut parler de ces choses devant un auditoire qui soit capable de l’entendre […] Les grandes religions de France croient en un Dieu unique, dans un Dieu du pardon. Les grandes religions de France pensent toutes que tout ceci a un sens. Il n’est pas le fruit du hasard, que tout ceci a une suite, que ce n’est pas une fin. Les grandes religions de France ont d’ailleurs des prophètes, qui sont de la même nature. Jésus-Christ n’étant pas considéré par chaque religion de la même façon, mais étant reconnu dans chaque religion, y compris dans l’Islam. Il n’est pas, dans l’Islam, le fils de Dieu, au sens unique, mais il est l’un des fils. Et bien tous ces points communs, malgré cela, on voit la montée du racisme, de la xénophobie, des amalgames. Pourquoi ? Parce qu’on ne se connaît pas. Parce qu’on ne dialogue pas et qu’on ne se comprend pas. Quand on ne dialogue pas on ne peut pas se comprendre. […] Dans la question du voile, il y a un malentendu. Il ne s’agit pas d’empêcher le port du voile dans la société française. Il s’agit de considérer qu’au guichet d’une administration ou que à l’intérieur d’une école il y a un devoir de neutralité. Ca n’a rien à voir avec une loi d’exclusion. Ca n’a rien à voir avec une loi d’humiliation. Simplement des règles qui doivent être respectées par tous. Et je dis à tous il n’y a pas de droits sans devoirs. Le droit "un lieu de culte pour tous, quel qu’il soit" va de pair avec le respect d’un devoir : "celui de la neutralité de l’administration". Je souhaite que ces questions s’apaisent et qu’au lieu de voir l'inquiétude toujours, la méfiance souvent, on avance vers la tolérance et vers le dialogue. […] Je comprends très bien que les hommes de foi se disent cela. Vous n’êtes pas une menace. Vous êtes un facteur d’équilibre. Mais aidez la République à apaiser les tensions entre les uns comme les autres. Et vous-mêmes les protestants vous pouvez apporter beaucoup, d’abord parce que vous avez su avant les autres vivre la démocratie à l’intérieur de votre religion, et ce n’est pas une question simple. Qu’est-ce que la foi si ce n’est une certitude ? Qu’est-ce que la démocratie si ce n’est la part du doute ? Vous avez su dans l’organisation de votre religion faire vivre les deux : la foi qui ne pousse pas à la remise en question de la certitude, mais en même temps la démocratie. Et de ce point de vue, certainement les protestants de France - pardon dans toutes leurs fédérations -, peuvent utilement donner les choses. […] J’ai bien conscience en venant à votre assemblée générale de venir devant une assemblée d’hommes et de femmes qui, à bien des égards sont des exemples dans la manière dont ils vivent leur foi. Et bien ce que je souhaite, c’est que toutes les religions de France puissent se sentir dans notre République, respectées, considérées. Qu’elles aient les moyens de se déployer, simplement par la force de leurs convictions. Qu’elles soient respectées et que par ce mouvement positif, elles éliminent les facteurs d'extrémisme qui existent chez tous. […] Bon, Messieurs les présidents, j’espère que vous l’avez senti, cela m’a quand même fait plaisir de parler de ces choses devant vous. (FEF) ajouté le 2004-02-21 |