Prédication sur Exode 3.1-15
Pasteur Sylvain TRIQUENEAUX
Lectures : Psaume 46 ; Matthieu 1:18-23 et Exode 3:1-15
Connaître Dieu est le fondement, le tout de la vie chrétienne, de lamour fidèle et du service de Dieu. Cest ce qua découvert Moïse un jour.
Né dans la tribu de Lévi, élevé au palais de Pharaon, il essaya une fois de sidentifier à son peuple, le peuple de Dieu, en venant au secours dun Hébreu battu par un gardien égyptien. Mais en tuant lEgyptien toutes ses ambitions dêtre celui qui délivrerait son peuple furent réduites à néant. Et pendant quarante ans il se retrouve séparé de son peuple, vivant comme berger dans le pays de Madian. Lui qui espérait être le berger dIsraël se retrouve berger dun troupeau de moutons et de chèvres.
Moïse a dû se sentir abandonné par Dieu. Le désert dans lequel il fait paître le troupeau de son beau-père ne fait que refléter le désert intérieur quil traverse depuis quarante ans. Ces quarante ans sont salutaires pour Moïse. Après 40 ans passé à croire quil était quelque chose, Moïse passe 40 ans à sapercevoir quil nest rien avant de passer 40 ans à voir ce que Dieu peut faire avec quelqu'un qui sait quil nest rien.
Ce jour-là est un jour comme tous les autres, comme tous les autres jours de cette vie devenue insignifiante pensez : avoir connu le faste des palais, avoir été nourri de toute la sagesse des Egyptiens et se retrouver à conduire des troupeaux une vie tendue vers un avenir sans but précis.
Moïse fait paître le troupeau de son beau-père, lui fait traverser le désert jusquà Horeb. Et là il va rencontrer Dieu. Je vous propose découter le récit de cette rencontre, ce fameux jour :
Lire Exode 3:1-15.
A Horeb le Seigneur Dieu se révèle à Moïse dans un buisson ardent. Et en se révélant, il révèle aussi à Moïse quel il est. Comme la dit Calvin, toute la somme de notre sagesse consiste en la connaissance de Dieu et de nous-mêmes. Les deux sont conjointes. Elles ne peuvent être séparées. Nous ne pouvons nous connaître nous-mêmes à moins de nous voir tel que nous sommes dans la présence de Dieu. Et nous ne pouvons arriver à la connaissance de Dieu sans nous voir sous un nouveau jour. La présence de Dieu produit deux effets : elle nous rend conscients de qui il est et elle nous rend conscients de qui nous sommes dans sa présence glorieuse.
Et Moïse, lorsquil est face à ce buisson en feu, est mis à nu : dans le désert aucun endroit pour se cacher. Moïse est seul face à Dieu. Il va en découvrir beaucoup plus dans cette solitude au désert quà la cour de Pharaon.
Dans cette rencontre au désert Dieu se révèle sous trois aspects : comme le Dieu saint et éternel, comme le Sauveur fidèle à son alliance et comme le Seigneur toujours présent.
La première chose que Dieu révèle de lui-même cest sa sainteté. " Ote tes sandales de tes pieds, car lendroit sur lequel tu te tiens est une terre sainte. " Non pas que cette montagne soit sainte en elle-même mais parce quelle est le lieu que Dieu, le Dieu saint a choisi, à ce moment-là, pour se révéler.
La sainteté de Dieu est la première chose avec laquelle il nous faut commencer en abordant Dieu. Aussi bien en labordant dans le sens de parler de lui que dans celui de nous adresser à lui. Ayons à lesprit ce sentiment vis-à-vis de lui : il nous faut nous approcher avec révérence de ce Dieu qui nous appelle. Il nous faut répondre à son appel avec respect, avec recueillement, avec crainte. Il faut lapprocher comme en déchaussant les souliers de nos pieds et en couvrant notre face, c'est-à-dire en nous rappelant que nous nous approchons de ce quil y a de plus grand et de plus saint. " La crainte de lEternel est le commencement de la sagesse " (Ps 111:10 ; Pr 9:10)
Quelle est notre attitude en venant au culte ? en répondant à son appel, à sa convocation ? Dans quel état desprit êtes-vous quand vous entrez dans ce lieu pour rendre un culte à Dieu ? A quoi pensez-vous quand vous vous approchez de Dieu dans la prière ? quand vous parlez de lui ?
Les Juifs ont un tel respect pour Dieu quils ne prononcent pas le nom par lequel il sest révélé à Moïse. Cest là lexpression de leur respect pour Dieu. Le réformateur Jean Calvin, dit-on, soulevait la calotte quil avait sur la tête lorsquil prononçait le nom de Dieu pour marquer sa révérence vis-à-vis du Seigneur. Est-ce aller un peu loin ? Peut-être mais nous, avons-nous cette crainte adorante, ce profond respect vis-à-vis de lEternel ?
Noublions pas que Dieu est un feu dévorant (Hé 12:29) : cest ce quexprime dailleurs la façon dont il se révèle à Moïse, par un buisson en feu.
Mais ce buisson en feu ne se consume pas, il brûle sans fin. Cest ce qui intrigue Moïse et le fait approcher. " Je vais faire un détour pour voir quel est ce spectacle extraordinaire, et pourquoi le buisson ne brûle pas. ". Mais Dieu intervient pour lui signifier la bonne manière dapprocher; sa conscience doit être satisfaite, pas sa curiosité. Sapprocher de Dieu simplement par curiosité nest pas la bonne méthode. Ce que Dieu dit à Moïse, il le dit aussi à ceux que la question de Dieu et de la religion intéresse, simplement par satisfaction intellectuelle, occupation ou pour en tirer un petit quelque chose (après tout, toutes les religions sont bonnes!) : abandonnez cet état desprit : " Napproche pas dici, ôte tes sandales de tes pieds car lendroit sur lequel tu te tiens est une terre sainte. " oublie cette attitude de pure curiosité. Approche mais dans une juste disposition desprit. Et alors je vais me révéler à toi.
Cest ce que Dieu fait avec Moïse lorsque celui-ci lui demande son nom. " Tu répondras aux Israélites : " Je suis " ma envoyé vers vous ". Si vous me demandiez comment je mappelle et que je vous réponde " Je suis celui qui est ", vous seriez bien embêté et agacé. Vous pourriez maccuser de vouloir vous cacher mon identité. Mais cest différent avec Dieu. Par ce nom il signifie que tandis que Moïse, comme tout être humain, a un commencement, un vécu et un jour connaîtra la mort, lui Dieu, ne connaît ni commencement ni fin. Déternité en éternité Dieu est. Moïse, chacun dentre nous, est venu à lexistence, seul Dieu est. Et dans un sens on pourrait dire, strictement parlant, que Dieu nexiste pas, Dieu est. Exister veut dire tirer sa vie son être dune source extérieure à soi. Or Dieu nest dérivé de personne, il ne doit son être à rien dautre quà lui-même, éternellement. Il est, il était et il vient, il est léternel " Je suis " dune façon absolue. Il est le souverain qui se suffit à lui-même; et parce quil existe par lui-même il est la source de lexistence, la fontaine de la vie. Et cest dailleurs ce déclare Moïse dans le seul psaume du psautier qui nous vienne de lui : " Avant que les montagnes soient nées, et que tu aies donné un commencement à la terre et au monde, déternité en éternité tu es Dieu " (Ps 90:2) Voilà aussi pourquoi le buisson ne se consumait pas bien quil brûlât.
Cette vérité de léternité de Dieu, de sa toute-suffisance ne produit pas le même effet dans le cur de lincroyant et dans le cur du chrétien.
Pour lincroyant cette réalité est tout à fait intolérable. Parce quelle lui dit : " Dieu est Dieu, tu nes quune de ses créatures. Ta seule joie réside dans lobéissance à ton Créateur. Le vrai accomplissement de ta vie est de ladorer. La seule sagesse consiste à lui faire confiance et à le connaître. " Comme la dit s. Augustin : " Le cur de lhomme ne trouve pas de repos jusquà ce quil se repose en Dieu ".
Et ces réalités remettent en cause lindépendance prétendue de lincroyant, son égocentrisme et son péché. Certains évoquent des difficultés intellectuelles qui leur rendraient la foi chrétienne inacceptable : si Dieu existait, alors .; je ne peux pas croire en un Dieu qui Mais la vraie raison est morale. La vérité à propos de lhomme cest quil veut être son propre dieu. Il veut décider pour lui-même, il ne veut exister que par et pour lui-même, il ne veut pas dépendre de son Créateur, du Dieu éternel qui était quand il ny avait encore rien. Lhomme naturel ne peut pas tolérer quun autre soit Dieu. Et alors il échange la vérité du Dieu éternel, de " Je suis " pour adorer et servir quelque chose dans la création, un prolongement de lui-même : sa maison, ses biens, son confort, son travail, sa famille, ses intérêts, largent au lieu dadorer et de servir le Créateur de toutes choses.
Cette vérité dun Dieu saint et éternel si elle est insupportable pour lincroyant, est dun grand réconfort pour le croyant. Dans un monde en constante fluctuation et toujours sur le point de sécrouler, de sombrer dans un chaos indescriptible, Dieu reste le même. Cest ce réconfort quexprime le Psaume 46. Devant les bouleversements et la confusion dans laquelle se trouve le monde où se trouve la stabilité ? Dieu répond à nos curs angoissés : " Arrêtez et sachez que je suis Dieu ". " Je suis " est Dieu. " La terre peut être bouleversée, les montagnes chanceler au cur des mers, les eaux gronder, écumer et les montagnes se soulever les nations grondent, les royaumes chancellent, il fait entendre sa voix ; la terre se dissout. LEternel est avec nous, le Dieu de Jacob est notre forteresse. "
Et parce quil ny a pas dans la nature dillustration de cela que Dieu est, que Dieu est éternel, indépendant, ne doit son existence à personne Dieu a créé une illustration pour Moïse (et pour nous) : un feu dans un buisson dépines qui ne dépend pas du buisson pour brûler ; le feu brûle dune façon autonome, comme Dieu quil révèle et dont le nom est " Je suis qui je suis " mais quon peut traduire aussi " Je serai qui je serai ", exprimant par là sa fidélité à lui-même, à ses promesses, à son alliance.
Un Sauveur fidèle à son alliance : cest la deuxième chose que Dieu révèle de lui-même à Moïse. Il le fait par le buisson et par ses paroles.
Le buisson dabord. Contrairement à ce que Moïse sattendait à voir, le feu ne consumait pas le buisson. Et par là Dieu lui enseigna quil projetait dhabiter parmi son peuple lui qui est un feu dévorant et que pourtant ce peuple ne serait pas consumé, détruit mais sauvé.
Ses paroles ensuite. Lire Exode 3:7-10. Examinez les verbes de ce passage : " Jai vu, jai entendu, je connais, je suis descendu pour délivrer ". Moïse ne sentend pas dire ce quil va faire, lui Moïse, mais ce que Dieu va faire dans sa puissance souveraine. Dieu a prévu de prendre en main le salut, la délivrance de son peuple. Il va faire ce que son peuple ne peut faire lui-même. En Exode 19 Dieu utilisera une belle image pour cela : " Vous avez vu vous-mêmes ce que jai fait à lEgypte : je vous ai portés sur des ailes daigle et fait venir vers moi " (v. 4)
Ce que Dieu a vu cest la misère de son peuple et sa souffrance. Un changement de pharaon navait rien changé à leur condition ; leurs plaintes nétaient pas prises en compte par leurs maîtres mais Dieu voyait leurs larmes. Même les peines cachées des membres de son peuple lui sont connues. Ce quil a entendu cest leur cri à cause de leurs oppresseurs; Dieu nest pas sourd au cri des membres de son peuple, de ceux qui crient vers lui. Ce à quoi il a été attentif cest à la tyrannie des oppresseurs. Son indépendance nest pas synonyme dindifférence.
Il prend en considération la condition et les besoins de son peuple, en un mot il décrit son amour pour eux. Mais son amour est actif. Il vient délivrer. Il met sa toute-puissance au service de son amour et de sa grâce infinie.
Le feu ne dépendait pas du buisson pour brûler ; le feu ne consumait pas le buisson; mais le feu était présent dans le buisson et cest la troisième qualité que Dieu révèle de lui-même à Moïse : sa présence éternelle.
Cest le sens même de lexode. Dieu se souvient de son alliance lui qui est le Dieu dAbraham, dIsaac et de Jacob. " Jai entendu le soupir des Israélites, que les Egyptiens asservissaient et je me suis souvenu de mon alliance. "
Le cur de cette promesse de lalliance cest " Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple " ou dit autrement comme il le dit à Moïse : " Je suis avec toi ". La présence de Dieu avec nous est le cur de la promesse quil nous a faite. Soyons sûrs de lui parce quil nous a donné sa parole. Et si Dieu est avec nous, ultimement rien ne peut être contre nous !
Cest le cur de lévangile : Emmanuel, Dieu-avec-nous. Il nous faut reconnaître cette vérité et la redire, en contraste avec ce quon entend souvent dire à quelqu'un qui traverse une épreuve difficile, qui est dans la souffrance : " Croyez que Dieu qui fait des choses impossibles fera limpossible pour vous " Mais ça nest pas la réponse biblique. Notre consolation, notre réconfort, notre assurance ne réside pas en ce que Dieu peut faire, bien que nous sachions quil peut faire tout ce qui en accord avec sa volonté. Notre consolation, notre réconfort, cest quil est avec nous.
Quand les montagnes de nos vies se soulèvent, chancellent au cur des mers, voilà notre encouragement et notre force : " LEternel des armées, le Seigneur de lunivers est avec nous, le Dieu de Jacob est une forteresse ". Quand nous marchons dans la vallée de lombre de la mort nous ne craignons aucun mal. Pourquoi ? La suite du psaume 23 nous le dit : parce quil est avec nous. Nous ne savons pas comment il répondra à nos attentes et sil fera limpossible, mais nous avons la promesse quil ne nous délaissera jamais, quil ne nous abandonnera pas (Dt 31:6). Cest pourquoi nous pouvons dire avec courage et confiance : " LEternel est pour moi, je ne crains rien ; que peuvent me faire des hommes ? " (Ps 118:6-7 ; Hé 13:6).
Pour terminer je voudrais vous poser une question : avez-vous jamais fait attention dans cet épisode du buisson ardent qui est celui qui parle à Moïse et promet dêtre avec lui ? Le Seigneur qui parle est décrit comme lange de lEternel. Cest le messager de lEternel qui révèle son nom, qui promet la délivrance, qui rachète le peuple de lesclavage. Qui est le messager de lEternel tout en étant lui-même le Seigneur, " Je suis " et pourtant, celui qui est envoyé par le Seigneur ?
Lenvoyé, le messager qui apparaît à Moïse dans le buisson est le bébé qui est apparu aux hommes dans une mangeoire à Bethléem. LAnge qui parla à Moïse dans le désert à propos de lexode est le Sauveur qui parla avec Moïse (et Elie), lors de la transfiguration, de son exode à lui (Lc 9:31), c'est-à-dire de sa mort pour délivrer son peuple.
Le " Je suis " du buisson ardent est le même messager de Dieu qui a déclaré : " Je suis le pain de vie ; je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne vient au Père que par moi ; je suis la résurrection et la vie. " Cest lui qui a déclaré aux Juifs de son époque qui, après ses paroles, voulurent le lapider comme blasphémateur : " Avant quAbraham fut, je suis ". Il est celui auquel les soldats demandèrent sil était Jésus et qui, quand il leur répondit : " Cest moi " (à traduire plutôt par " Je suis ") reculèrent et tombèrent à terre comprenant quil révélait sa glorieuse identité.
Jésus accomplit la promesse divine de lalliance. En lui nous découvrons la présence de Dieu ; il est laccomplissement de la promesse : Emmanuel, Dieu avec nous.
LEpître aux Hébreux nous dit que Jésus est le même hier, aujourdhui et éternellement. Dieu éternel, fidèle Sauveur et Seigneur toujours présent.
Je suis avec toi, dit-il à Moïse ; je suis avec vous tous les jours jusquà la fin du monde, dit-il à ses disciples.
Amen.