Cornelius VAN TIL

(1895-1987)

 

Cornelius Van Til

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Biographies

Apologète calviniste, Van Til a d'abord enseigné au Princeton Theological Seminary - où il a subi l'influence de B.B. Warfield et de G. Vos - avant de devenir, en 1929, professeur au Westminster Theoligical Seminary de Philadelphie où il est resté jusqu'à sa mort. Auteur prolifique, il s'est fait connaître par ses critiques à l'encontre de l'épistémologie de la théologie dialectique, du catholicisme romain et de "l'évangélisme arminien" répandu dans le monde anglo-saxon.

Van Til s'inscrit dans la tradition du credo et intelligam. A la suite des néerlandais A. Kuyper, H. Bavinck et H. Dooyeweerd, il a développé une apologétique en rupture avec la méthode "évidentialiste", influente dans le "vieux" Princeton et courante, dans le protestantisme, sous l'influence de l'anglican W. Paley (1743-18O5) et de l'écossais T. Reid (1710-1796) avec sa philosophie du "sens commun".

Pour Van Til, la théologie et l'apologétique ne sont cohérentes que si, renonçant à "prouver" Dieu, elles prennent comme point de départ le présupposé de l'existence du Dieu trinitaire, radicalement indépendant, qui s'auto-atteste et s'est révélé dans la Bible. La théologie est une réinterprétation analogique, faite d'éléments "pro-systématiques" et "anti-systématiques" - donc paradoxaux pour la raison humaine limitée - de ce que Dieu a déjà interprété dans sa révélation. L'homme naturel, depuis la Chute, a une certaine connaissance de Dieu, un sensus divinitatis qui constitue un "point de contact" même si, dans son autonomie, il cherche à le supprimer. La régénération concerne l'homme tout entier et lui permet, à la fois, de retrouver sa vraie nature d'image de Dieu et d'être conforme à son Créateur, y compris dans le domaine de la raison qui devient théonome. Ceci éclaire la devise célèbre de Van Til : la théologie cherche à "penser les pensées de Dieu, après lui."

Paul Wells

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C. Van Til, The Defence of the Faith (Philadelphia : Presbyterian and Reformed Publ. Co., 1955) ; La Revue Réformée 42 (1991:1) ; R. Perron, C. Van Til et sa Méthode apologétique (Thèse doctorale, Québec : Université de Laval, 1993).

 

Van Til et l'Apologétique:

CORNELIUS VAN TIL,

"le gardien d'une nouvelle apologétique"

Joël R. BEEKE*
Van Til a gardé bon nombre des principes théologiques d'Abraham Kuyper, tels que la position centrale de la souveraineté absolue de Dieu sur toute la création, sur le coeur de l'homme (volonté, intelligence, sentiments) considéré comme le centre de son existence, de sa vie et de sa relation à Dieu, ce qui conduit à la conviction que toute la vie est religieuse: dirigée soit vers Dieu, soit contre Dieu.
Le nom de Cornélius Van Til est inséparable de l'apologétique réformée confessante. Pour rendre justice à l'importante pensée de Van Til et à son oeuvre en général, nous proposons un bref sommaire de la vie de ce défenseur de la foi et de sa méthodologie apologétique.
Cornélius (Kees) Van Til est né il y a plus de cent ans (le 3 mai 1895) à Grootgast, dans la province de Groningen, aux Pays-Bas. Il est le sixième fils d'une famille pieuse, très attachée à la Bible; famille chaleureuse et calviniste, adhérant aux trois formes d'unité (La Confession de Foi des Pays-Bas, Le Catéchisme de Heidelberg, Les Canons de Dordrecht), qui ont une influence formatrice sur le jeune Kees, en particulier sur sa compréhension de l'Ecriture sainte.
En 1905, la famille Van Til émigre à Highland dans l'Indiana (Etats-Unis), pour exploiter une ferme, dans une région plus prospère que le nord de la Hollande. Elle s'intègre de façon active dans une Eglise chrétienne réformée.
Dès l'adolescence, le jeune Van Til éprouve fortement l'appel de Dieu à son service. Peu après son arrivée en Amérique, il entre au Calvin College à Grand Rapids, où il se plonge dans l'étude des traités de philosophie de Socrate, Platon, Aristote, Kant, Hegel et Schopenhauer. Après son bac, il s'inscrit à l'Université de Princeton pour cinq ans d'études et, en 1922, il va au Séminaire de Princeton (Princeton Theological Seminary), qui était encore un haut lieu du calvinisme, où il obtient sa Maîtrise en théologie. En 1927, il y reçoit le grade de Docteur. Sa thèse de doctorat est intitulée Dieu et l'Absolu. Pendant ses années à Princeton, Van Til étudie sous la direction d'un nombre impressionnant de penseurs réformés orthodoxes.
Les années 1920 ont été un temps de crise pour le Séminaire réformé de Princeton. La foi réformée régulière enseignée par Archibald Alexender, Charles et A.A. Hodge et Benjamin B. Warfield est contestée et dénigrée de façon croissante par le modernisme, introduit par de nouveaux professeurs de plus en plus libéraux.
Après un bref ministère pastoral dans l'Eglise Spring Lake, à Muskejon, Michigan (1927-1928), Van Til enseigne l'apologétique pendant une année à Princeton; il y est, ensuite, élu professeur d'apologétique, mais l'assemblée générale ne le confirme pas à ce poste, sous prétexte de réorganisation.
Van Til est retourné à Spring Lake, bien déterminé à refuser tout enseignement à Princeton et même au Westminster Seminary récemment fondé, dont le but est de poursuivre l'oeuvre magnifique de l'ancien Princeton, sous la conduite du très compétent Gresham Machen. Néanmoins, la visite de Machen et du professeur O.T. Allis détermine Van Til, ainsi que R.B. Kuiper, à entrer au service de ce séminaire. Depuis l'ouverture du Westminster Seminary, en 1929, jusqu'à ce qu'il en devienne professeur émérite en 1975, à l',ge de 80 ans, Van Til enseigne l'apologétique réformée et les cours connexes, selon une perspective biblique, en conformité avec les textes symboliques de la théologie réformée.
Sa forte pensée apologétique, avec la philosophie et la théologie réformées, a exercé une influence croissante, non seulement sur de nombreux diplômés du Séminaire de Westminster, mais aussi sur des évangéliques conservateurs dans le monde entier. Aujourd'hui, son point de vue continue de se développer dans la réflexion et l'action de ses nombreux élèves; il constitue un élément central pour les théologiens et apologètes réformés.
Van Til a écrit plus de 30 livres au cours de sa carrière professorale, auxquels il faut ajouter ses polycopiés, qui ont largement circulé (même en France). Passé 80 ans, Van Til demeure sur le même front, suivant les développements de l'apologétique réformée et contribuant à sa diffusion. Sa mort, en 1987, au bel âge de 92 ans, marque la fin d'une époque au Westminster Theological Seminary.
La théologie de Van Til a toujours été, sans aucune équivoque, réformée confessante, dans ses principes et dans sa pratique. Sa première source est Jean Calvin, dont les écrits ont été la manne spirituelle qui a nourri sa pensée et modelé sa vie: pour Van Til, Calvin est toujours resté le premier théologien.
Sa deuxième source formatrice est le Catéchisme de Heidelberg, commenté par ses prédécesseurs réformés des Pays-Bas, ainsi que les Textes de Westminster étudiés à Princeton. Tels sont les fondements de la théologie de Van Til. En 1936, il quitte l'Eglise chrétienne réformée pour rejoindre la nouvelle Union d'Eglises presbytériennes (Orthodox Presbyterian Church) en cours de formation, dont il est membre le reste de sa vie.
La troisième source à laquelle Van Til est redevable est celle des théologiens hollandais: Abraham Kuyper (1837-1920) et Herman Bavinck (1854-1921). Si Van Til rejette la présomption de régénération par le baptême, il garde un bon nombre des principes théologiques de Kuyper, tels que la position centrale de la souveraineté absolue de Dieu sur toute la création, sur le coeur de l'homme (volonté, intelligence, sentiments), considéré comme le centre de son existence, de sa vie, et de sa relation à Dieu, ce qui conduit à la conviction que toute la vie est religieuse: dirigée soit vers Dieu, soit contre Dieu. Il reconnaît aussi la nécessité d'une philosophie chrétienne soucieuse du point de vue biblique sur tous les sujets, selon l'ordre de la création. Le fonctionnement de cet ordre créationnel a été affecté de façon incommensurable par la Chute, mais l'ordre originel sera restauré par le Christ.
Van Til a revu et corrigé Kuyper et Bavinck et, ce faisant, il a précieusement gardé la thèse de la Réforme: le christianisme exposé et enseigné dans la Bible est la révélation du seul vrai Dieu; c'est la seule vraie religion. Le calvinisme en est l'expression la plus claire et la plus substantielle, aussi bien dans son contenu que dans le mode de vie et la représentation du monde qu'il propose; Van Til a soutenu cela tout au long de sa vie.
En philosophie, les principes calvinistes de Kuyper ont eu un impact majeur sur l'école connue sous le nom de philosophie d'Amsterdam ou philosophie calviniste. Cette philosophie a également influencé Van Til, plus particulièrement dans ses premières années de professorat au Westminster Theological Seminary.
La philosophie calviniste a été développée dans les écrits et les cours de Herman Dooyeweerd (1894-1977) et dans ceux de son beau-frère, Dirk Vollenhoven (1891-1978). Ils ont été nommés, en 1926, le premier à la chaire de droit et le second à la chaire de philosophie de l'Université libre d'Amsterdam. Dooyeweerd a montré que quatre motifs de base ont fonctionné au cours de l'histoire:
* le dualisme forme-matière de la philosophie grecque;
* la synthèse nature-gr,ce de la philosophie médiévale;
* le dualisme nature-liberté de la philosophie moderne;
* le vrai motif de base chrétien, fondé sur le motif biblique Création-Chute-Rédemption par le Christ-Jésus, dans la communion du Saint-Esprit.
Pour Dooyeweerd, seul ce dernier motif peut fonctionner dans une philosophie chrétienne. Aussi est-ce dans cette direction qu'il a cherché à construire son système philosophique, qui est connu sous le nom de philosophie de l'idée de loi, ou idée cosmonomique, d'après son oeuvre majeure, De Wijbegeerte der Wetsidee.
Cependant, dans la dernière décennie de sa vie, Van Til devient très critique sur plusieurs aspects de cette philosophie, malgré la dette qu'il a envers elle. Par exemple, il critique Dooyeweerd pour s'être éloigné de la position radicale de la philosophie chrétienne et calviniste, en adoptant une approche qui permet complaisance et compromis, et au minimum, sympathie envers la pensée non chrétienne, qui est en général antichrétienne.
Néanmoins, des points saillants de la pensée de Kuyper ont directement influencé Dooyeweerd, Vollenhoven et Van Til dans une mesure plus ou moins grande. Entre autres, on trouve les propositions suivantes:
* Pour fonctionner correctement, les sciences dépendent de considérations philosophiques et de principes sous-jacents.
* Pour atteindre la totalité de sens dans les acquis scientifiques, un point de départ philosophique est nécessaire: l'action créatrice de Dieu.
* La philosophie non chrétienne ne peut avoir aucune transcendance, elle demeure essentiellement à l'intérieur du cosmos, dans un monde clos.
* La foi et la pensée opèrent toujours en allant soit sur une bonne voie, qui conduit à la vérité, soit dans une fausse direction, qui conduit à l'erreur.
* La logique ne doit pas être surestimée au sein de la pensée et de la réflexion philosophique.
Partant de là, Van Til développe une nouvelle apologétique dans laquelle il défend l'ancienne vérité. Bien qu'il ait été, par excellence, un prédicateur de la Parole, Van Til s'est fait connaître premièrement par son oeuvre pionnière dans le champ apologétique. Il a été appelé, à juste titre, "le gardien d'une nouvelle apologétique".
L'apologétique est définie comme la branche de la théologie qui s'occupe de l'histoire et des efforts à faire pour établir une défense effective de la foi chrétienne contre toutes les attaques venant de l'extérieur. L'apologétique est une argumentation systématique pour défendre l'origine divine et, par suite, la vraie autorité de la foi chrétienne. Van Til lui-même l'a définie comme la revendication de la philosophie chrétienne de la vie, contre les nombreuses formes de philosophies non chrétiennes de la vie, celles qui sont sans Créateur.
Le terme apologétique est dérivé de la racine grecque signifiant défendre, répondre, donner une réponse, se défendre soi-même selon la loi. Au temps des Apôtres, l'apologie était une défense systématique, selon le droit, devant une cour de justice (2 Tm 4:16). Le verbe grec apologeomai se trouve dix fois dans le Nouveau Testament, et le nom apologia huit fois. Dans presque tous les cas, le premier sens est défense. Tel est, d'ailleurs, le titre de l'oeuvre majeure de Van Til: The Defense of the Faith (La défense de la foi), qui offre le meilleur résumé de sa pensée.
L'idée de certains chrétiens, bien intentionnés, selon laquelle évangéliser et défendre leur foi devant un monde hostile n'a rien d'obligatoire, est sans aucun support biblique. De plus, il est évident que Jésus a défendu son titre de Messie (Mt 22) et l'apôtre Paul son apostolat (Ga 1-2; 1 Co 9; Ac 22-26); et que l'admonition de l'apôtre Pierre implique clairement que la foi chrétienne doit être défendue de façon rationnelle (1 P 3:15).
Ainsi, le mandat de Dieu, selon l'Ecriture sainte, est clair: la foi chrétienne doit être défendue; l'apologétique a pour tâche de le faire, de façon claire, significative et pressante. Mais la méthode à adopter est toujours l'objet de débats intenses. Trois écoles différentes au moins offrent une réponse au comment des apologistes.
A) L'approche présuppositionnelle
Le "moto", la devise, de l'école présuppositionnelle est Credo ut intelligam (je crois, donc je comprends). Cette approche présuppose la révélation surnaturelle de la Parole de Dieu, la Bible, seul fondement pour l'entreprise théologique tout entière. R. Reymond la décrit succinctement ainsi:
* la foi en Dieu précède la compréhension de tout ce qui existe (Hé 11: 3);
* l'élucidation du système de vérité vient après la foi;
* l'expérience religieuse doit être ancrée sur la Parole objective de Dieu, et sur l'oeuvre objective du Christ;
* un acte particulier de régénération effectué par le Saint-Esprit est indispensable pour que la foi chrétienne naisse.
Cette école est représentée par Augustin et les augustiniens, les réformés confessants, dont Van Til.
Van Til a développé le présuppositionnalisme sur la voie réformée, bien au-delà de tout ce qui avait été fait avant lui. Il a construit l'apologétique présuppositionnelle sur deux affirmations fondamentales:
i) la distinction Créateur-créature, qui implique que les êtres humains reconnaissent premièrement l'Eternel Dieu trinitaire, et son oeuvre créatrice, dans toutes leurs façons de penser;
ii) la réalité qui montre le refus de cette distinction fondamentale par les incroyants dans tous les aspects de la vie et de la pensée.
Cela dit, il insiste sur le fait que toute pensée est analogique et doit être pleinement consciente qu'elle est dépendante de la réalité de la création par Dieu, qui s'est révélé dans l'Ecriture, avec toute son autorité souveraine. Van Til s'oppose à l'autonomie, c'est-à-dire à la tentative de penser et de vivre avec d'autres critères de vérité que ceux de la Parole de Dieu.
B) L'école évidentialiste
Cette école a pour fondement l'évidence, qui se voudrait objective et qui peut être définie par la devise Intelligo et credo (je comprends donc je crois). La méthodologie de l'évidence souligne une certaine forme de théologie naturelle, qui serait la base de l'apologétique. R. Reymond la résume ainsi:
i) la raison humaine a l'aptitude suffisante pour atteindre, par elle-même, la vérité dans sa recherche de la connaissance religieuse;
ii) par un effort de compréhension des faits empiriques et/ou historiques vérifiables, chacun peut arriver à la foi:
iii) les faits religieux doivent faire l'objet de vérifications analogues - en réalité des démonstrations - à celles que subissent les acquis scientifiques.
La tradition thomiste catholique romaine, certains réformés (incohérents) et les arminiens sont dans de ce groupe.
Van Til a accompli un véritable travail pionnier en exposant le caractère fallacieux de cette méthodologie. Il a montré qu'elle néglige ou ignore totalement les effets radicaux de la chute d'Adam, le péché originel; pour elle, la raison n'a été qu'affaiblie et ne serait pas devenue impotente. Van Til a montré l'erreur de deux évidencialistes des plus connus: Thomas d'Aquin, le théologien catholique du Moyen Age, et l'évêque anglican Butler au XVIIIe siècle. Thomas d'Aquin a cherché un terrain commun (point de contact) entre la religion chrétienne et la philosophie grecque, affirmant que l'existence de Dieu révélée dans l'Ecriture peut être démontrée par la raison. Son but était de faire la synthèse entre la pensée naturelle et la révélation surnaturelle, entre la pensée chrétienne et la pensée païenne, entre Augustin et Aristote.
Van Til montre que l'approche thomiste part de l'homme séparé de Dieu par le péché, et prétend le conduire à la vérité surnaturelle, ce qui est la négation complète de toute la structure biblique: de cette façon, il n'y a plus de système de vérité révélée. De la même façon, Van Til expose le caractère fallacieux de l'oeuvre de l'évêque Butler Analogy of Religion (1736), qui ramène la vérité chrétienne au niveau d'une "simple probabilité".
C) La méthode expérimentale
La méthode apologétique appelée expérimentale, ou méthodologie subjective. Sa devise, ou "moto", est Credo quia absurdum est (je crois, sinon c'est absurde). Pour l'expérimentalisme, l'expérience religieuse intérieure est le fondement de toute théologie. Cette tradition, à laquelle appartient le barthisme, accentue le caractère paradoxal de l'enseignement chrétien, et affirme que la vérité chrétienne ne permet pas une analyse raisonnable; elle souligne le Tout Autre, la transcendance cachée de Dieu, au dépend de sa révélation concrète et objective, en vérité, dans la Bible.
Van Til a également beaucoup écrit pour mettre en évidence le caractère dubitatif de la théologie de K. Barth. Les barthiens, comme beaucoup d'autres, considèrent l'expérience comme indépendante ou supérieure au caractère objectif de la Bible qui, pourtant, établit seule la Vérité révélée par Dieu.
* * *

Van Til a joué un rôle majeur en faisant ressortir les dérives des méthodes, ou des façons de penser, existant chez des non-réformés, comme aussi chez des réformés - en particulier dans l'apologétique de l'ancien Princeton, telle que l'avait soutenue Warfield. Il a aussi détecté des points faibles chez Kuyper et chez Bavinck. Van Til a construit avec talent une apologétique réformée entièrement cohérente et en accord avec la Bible. Son oeuvre a contribué à purger la théologie réformée des infiltrations de l'apologétique néo-évangélique. Il a aussi donné un fondement réformé à l'ontologie, à l'épistémologie et à l'éthique chrétienne.
Nous avons donc encore beaucoup à apprendre de Van Til[2].

 


* Cet article a été publié dans le Chalcedon Report, 358 (mai 1986). La traduction et l'adaptation sont de M. André Coste. Joël Beeke est pasteur à Grand Rapids, dans le Michigan (Etats-Unis).
1 Citons Geerhardus Vos, Caspar W. Hodge, William P. Armstrong, Robert D. Wilson, Oswald T. Allis, W.P. Green et J. Gresham Machen.
2 Voir l'article de J. Frame, "Van Til, le théologien", La Revue réformée 42 (1991:1), 7-42.

 

Le Professeur Cornelius Van TIL que j'ai connu

"DIEU L'A DIT, JE LE CROISª

Réflexions sur l'apologétique selon Van Til


Un entretien avec Rousas RUSHDOONY*
Le calvinisme a toujours été une menace pour les dirigeants. Il produit des personnes droites, qui ne transigent pas avec le mal, ou l'erreur, des gens qui restent debout, même s'ils sont considérés comme des hors-la-loi.
Voudriez-vous évoquer quelques souvenirs sur vos relations avec Van Til,
sa pensée, son influence dans l'Église et dans la société actuelle?
Cornelius Van Til était un homme dont les connaissances étaient très étendues et dont la foi était d'une remarquable simplicité. L'expression familière "Dieu l'a dit, je le crois" résume bien sa pensée. Il a été un magnifique prédicateur, d'une grande éloquence et très biblique. Il connaissait la Bible par coeur, en anglais et en hollandais. Il savait donner un bon goût aux choses les plus simples de la vie (...).
Van Til était étonnant et merveilleux. Politiquement, en tant que calviniste, il estimait que l'on ne peut pas faire grande confiance à l'Etat: l'Etat n'étant que le péché amplifié, même si c'est un Etat "chrétien", doit être considéré avec précaution. Il n'y a aucune raison de faire confiance aux hommes, à l'Eglise établie, ou à l'Etat. Ainsi son approche de la politique était très cohérente.
Van Til a vécu dans un monde en train de mourir. En Europe où il est né, la sécularisation a submergé un pays après l'autre. Ce qui était encore une ère chrétienne jusque vers 1850 s'est ensuite rapidement sécularisé. Le romantisme, l'esprit révolutionnaire, le darwinisme et le freudisme en ont été les principaux artisans.
Le résultat a été l'écroulement de l'ordre ancien. Pendant un certain temps, Abraham Kuyper[1] a cherché à restaurer celui-ci aux Pays-Bas (...).
Lorsque les Etats-Unis sont entrés dans la Première Guerre mondiale, cet ordre a achevé de s'effondrer, l'esprit de la sécularisation s'est répandu partout. Sous bien des aspects, l'européanisation de l'Amérique a commencé avec Théodore Roosevelt, qui a été le premier à parler des droits de l'homme, opposés au droit de propriété. Cette pensée européenne pseudo-marxiste n'a pas été comprise tout de suite aux Etats-Unis.
Van Til pensait que "le plus grand bonheur pour l'homme est le Royaume de Dieu", alors qu'aujourd'hui, l'Eglise est devenue une fin en soi au lieu d'être un moyen. L'Eglise se considère comme le Royaume de Dieu, attitude qui a détruit l'Eglise médiévale.
Au début, la Réforme protestante a considéré le Royaume comme un but à atteindre, et l'Eglise comme l'armée chargée de le conquérir (...) Aujourd'hui, à nouveau, l'Eglise se considère comme la fin en soi et son unité le but à atteindre; en conséquence, les chrétiens cherchent à construire les Eglises et ignorent le Royaume de Dieu. Or, lorsque l'Eglise est centrée sur elle-même, elle se contemple et ne se préoccupe que d'amener des gens en son sein. C'est tout.
Ce que l'on appelait jadis les trois S (sin, salvation, service ; le péché, le salut et le service) n'est quasiment plus connu de nos jours. Ces trois mots récapitulent pourtant le fondement, reconnu par les protestants, et l'essence du plan de salut de Dieu pour l'homme. Celui-ci est soumis au péché, il a besoin d'être sauvé de sa mort spirituelle, et il entre ensuite au service du Seigneur. Aujourd'hui, tout se passe comme si le péché n'existait plus, le salut est l'attente d'être enlevé au ciel, ou de mourir pour aller au ciel, sans effectuer aucun service. Servir pour glorifier Dieu n'est plus à l'ordre du jour!
La communauté réformée a également été polluée par cette forme de pensée (...).
Dans les années 40 et au début des années 50, comme vous le savez, un grand nombre d'évangéliques et d'intellectuels se sont enthousiasmés pour ce qu'on a appelé "la nouvelle évangélisation", qui apparaissait comme une défense respectable de la foi face aux "libéraux". Pourquoi, les écrits de Van Til étant disponibles, n'ont-ils pas été utilisés pour s'opposer au libéralisme?
(...) Van Til était considéré comme une menace par l'establishment évangélique[2], car il montrait qu'il y avait une ligne de partage, bien définie, entre la foi chrétienne et l'incroyance, entre le peuple de Dieu et le peuple d'Adam déchu. Le précurseur de Van Til était Calvin qui, lui aussi, a fondé sa théologie sur la Parole de Dieu. Mais, depuis Calvin, une forte proportion de rationalisme est entrée dans l'expression de la foi réformée. Si, aux Pays-Bas, A. Kuyper a amorcé une rupture avec le rationalisme, sa position n'a pas été assez claire, parce qu'il commenÁait juste à comprendre ce qui distinguait le monde de la philosophie grecque et le christianisme. Aux Pays-Bas encore, Dooyeweerd et Vollenhoven ont continué sur la même voie, mais avec moins de rigueur que Van Til. On s'est élevé avec une sauvagerie incroyable contre Van Til. Lorsqu'il est venu faire une conférence à Princeton, peu avant sa mort, Karl Barth, en apprenant que Van Til était dans la salle, a perdu son calme et a prononcé ces paroles: "Cet homme me hait" avant d'ajouter que même si, lui, Barth, ne croyait pas à l'existence de l'enfer, "il fallait qu'il y en eut un pour un tel homme". Ces paroles ont été rapportées par un témoin. Van Til a également provoqué de dures réactions de la part de ceux qui se disent notoirement réformés, mais qui, en fait, sont des rationalistes.
La pensée de Van Til est-elle toujours d'actualité?
Elle est plus pertinente que jamais, parce que Van Till affirme de faÁon non équivoque que Dieu n'est pas la dernière explication, quand tout a été essayé. Dieu a toujours la première place: il n'est pas "un don surajouté", point de vue scolastique adopté malheureusement par le protestantisme. Selon ce point de vue, si nous croyons en Jésus, nous pourrions être détendus et vivre tranquillement; nous devrions simplement veiller à agir aussi bien que possible. Il n'existerait pas de mandat de service. Un peu de "nettoyage", mais pas de loi. Lorsque les antinomiens sont là, quand il n'y a plus de Loi de Dieu, l'Eglise est sur la pente raide de la destruction.
Etre avec Van Til était un plaisir sans mélange pour moi; nous savions que nous étions devant la face de Dieu. Il était avant tout un théologien et un philosophe; il confessait humblement son ignorance en beaucoup d'autres domaines. Même lorsqu'on n'était pas d'accord avec lui, on se rendait compte qu'il était d'une intelligence exceptionnelle, et d'une remarquable humilité. Dès ses premiers écrits, il s'est montré très prudent et ne faisait pas tellement confiance à lui-même. Il ne doutait pas de la qualité de sa position, mais il n'était pas conscient de l'importance de son oeuvre. Pour lui, sa position était tout simplement biblique et il ne faisait ainsi que son devoir (...).
J'ai évoqué la simplicité de Van Til qui pouvait présenter des résumés d'une remarquable clarté et exposer en quelques mots le point principal d'une matière importante. Il a écrit: "il faut choisir entre l'autonomie et la théonomie", c'est-à-dire entre la loi que l'on se fait soi-même et la Loi de Dieu. Je suis naturellement d'accord avec Van Til. Si la Loi de Dieu n'est pas acceptée, par exemple, comme au temps des Juges, chaque individu est sa propre loi, parce qu'il ne reconnaÓt aucune autorité au-dessus de lui; à ses propres yeux, il est juste et bon (...).
La critique de Van Til est très importante, car elle met à nu les erreurs de la pensée moderne. On ne peut pas accepter les prémisses de Van Til sans accepter la théonomie. Ceci n'est qu'une extension de la pensée de Van Til.
Comment la méthode apologétique de Van Til rompt-elle avec le passé? Vous avez dit qu'elle est, jusqu'à un certain point, l'extension de la pensée de Calvin, envisagée sous son angle apologétique et épistémologique. Comment alors l'apologétique de Van Til s'inscrit-elle en rupture avec l'apologétique antérieure?

La méthode apologétique historique classique est une adaptation de la culture grecque et romaine; c'est pourquoi elle part de l'homme, de l'esprit de l'homme, du raisonnement de l'homme qui veut prouver Dieu.
Du point de vue de Calvin, il faut, à l'inverse, partir de Dieu et de Sa Parole infaillible, la Bible; ce faisant, on prouve tout ce qui existe. S'il n'y a pas de Dieu, il n'y a pas de preuves; les preuves humaines n'ont aucune valeur.
L'essence de l'approche non chrétienne, dans chaque sphère de la connaissance, n'a réellement aucune signification. Refuser d'accepter le compte rendu du livre de la Genèse, par exemple, revient à dire que tout ce qui existe a été produit par hasard, par chance. Ainsi le choix ultime est entre Dieu et le hasard. Toutes les autres positions ne sont que des variations de ces deux-là. Vous pouvez croire au hasard et à la nécessité, mais cela n'a rien de logique. L'islam est prisonnier de la nécessité, c'est pourquoi les musulmans ne croient pas à la prédestination, et sont, au contraire, fatalistes instant après instant.
Si vous croyez que l'alternative, c'est, d'une part, la chance ou le hasard et, d'autre part, le Dieu de la Bible, tout l'univers est alors une vaste série de miracles plus étonnants les uns que les autres: de rien surgit et se développe soudainement un atome primitif; ensuite, il y aurait eu une étincelle de vie. Cet atome primitif se serait développé et aurait formé le vaste univers. C'est là un concept invraisemblable, qui embrouille l'esprit, qui s'oppose à toute rationalité. Si vous tournez le dos à Dieu, vous êtes obligés, de faÁon ultime, de tomber dans la plus totale irrationalité.
C'est pourquoi Van Til a très souvent répété que les rationalistes finissent toujours dans l'irrationnel. C'est toujours le même problème. Les hommes veulent faire ce que Carnel croyait être la bonne faÁon d'agir: jouer à être comme Dieu. E.J. Carnel disait: "Faites connaÓtre vos révélations, si elles ne passent pas le test de la logique d'Aristote, la loi de non-contradiction, alors elles sont sans valeur."
Que pensez-vous du développement que Van Til a fait de l'apologétique de Calvin?
Ces dernières années, la théonomie a connu un développement complet. Nombreux sont encore ceux qui considèrent que la Bible est toujours la Parole infaillible de Dieu, y compris l'Ancien Testament. Jaques Saurin, pasteur franÁais réfugié aux Pays-Bas, a déclaré que l'antinomisme est vraiment une croyance ridicule. Il ne pouvait pas comprendre comment des personnes intelligentes et sensibles pouvaient adopter un tel comportement. De son temps, il y a environ deux cents ans, Saurin était considéré comme le prédicateur le plus réformé et le plus important dans toute l'Europe.
Aujourd'hui il est oublié. Quand Saurin est venu prêcher à Londres dans l'église de Orange Street (j'ai également prêché là et je suis content de le dire), Isaac Newton, qui habitait à cÙté, est allé l'écouter et a raconté, ensuite, qu'il avait eu l'impression d'écouter un ange. Mais aujourd'hui, la communauté réformée ne sait même pas qui était Saurin. Cela montre à quel point nous avons abandonné une grande partie de notre héritage.
Quelles sont les implications de la méthode apologétique de Van Til pour l'évangélisation?
Les implications de l'apologétique de Van Til sont d'une importance capitale. Si la souveraineté de Dieu est niée dans l'évangélisation et si la liberté de l'homme est affirmée face à la Parole de Dieu, la substance de l'appel est: acceptez Jésus comme votre Sauveur et Seigneur; autrement dit, c'est l'individu qui est souverain, puisqu'il a la possibilité d'accepter ou de refuser.
Cette négation de la souveraineté de Dieu a corrompu les Eglises. Les gens ne viennent plus rendre un culte à Dieu, en esprit et en vérité, et faire l'effort d'ouvrir leur intelligence pour comprendre sa Parole; c'est l'assemblée, au contraire, qui est souveraine. Le prédicateur et sa prédication doivent plaire à l'auditoire. Je peux et vous pouvez sûrement citer plusieurs cas de pasteurs qui ont prêché au sein d'une Eglise arminienne, sans s'éloigner d'un seul iota de l'Ecriture; mais parce qu'ils ont prêché la gr,ce souveraine, une assemblée générale a été convoquée et a voté leur renvoi immédiat.
Van Til n'a certainement pas contracté d'engagement politique, mais toute l'idée de reconstruction chrétienne provient de l'antithèse entre la méthode biblique et celle de l'humanisme sécularisé. Comment pouvez-vous, dans votre esprit, travailler et écrire, pour faire le lien entre la pensée de Van Til et les applications de la foi à l'ordre politique?
Le calvinisme a emprunté des éléments à l'augustinisme et les a développés. L'augustinisme a de nombreuses branches. Augustin a été, en réalité, le fondateur de la position amillénariste qui, aussi bien entre les mains de Rome que dans le protestantisme, conduit à mettre la plus lourde contrainte sur l'Eglise. En effet, s'il n'y a pas d'espoir, et si le monde va progressivement de plus en plus mal, alors on ne peut mettre l'accent ni sur la reconstruction, ni sur la Loi de Dieu. On attend simplement la fin. C'est une sorte de prémillénarisme sans espoir. Le monde va de plus en plus mal, et au lieu d'un enlèvement de l'Eglise, le monde va très mal. La position augustinienne, bien quelle n'ait pas triomphé dans la théologie romaine, a cependant triomphé dans son ecclésiologie. L'Eglise romaine est construite sur la prémisse qu'elle est l'arche toute suffisante du salut. Si la Bible compare l'Eglise à une arche, elle ne dit pas que le Royaume de Dieu est seulement dans l'Eglise et pas ailleurs. Le Royaume est plus vaste que l'Eglise.
Si l'on suit la perspective réformée, qui se trouve implicitement dans le postmillénarisme de Calvin - on le voit dans son Commentaire du livre de Daniel , et aussi très largement dans son Commentaire d'EsaÔe - Calvin incline vers une eschatologie victorieuse. Certes, il n'entre jamais dans le sujet de l'eschatologie parce qu'il a eu beaucoup d'autres combats à mener. A son époque, les principaux Réformateurs n'ont pas exposé les fins dernières dans tout leur contenu. Mais le calvinisme authentique a toujours été postmillénariste. On le voit dans les Textes de Westminster et dans la Confession de Savoy , où il est tout à fait présent. Cela signifie que les premiers calvinistes, bien que n'ayant pas de grands leaders avec eux, ont marché à la conquête pacifique de l'Europe par la prédication de la foi réformée. Le roi Jacques Ier d'Angleterre, secrètement arminien, a agi contre la grande stratégie du calvinisme et, avec la guerre de Trente Ans, a fait des dégâts irréparables. Il a donné le pouvoir aux arminiens, que nous pouvons nommer néo-catholiques. Cependant, aux Pays-Bas, ce sont les calvinistes qui sont réellement les artisans de la victoire sur les Espagnols; avec une foi sans compromis, ils constituent une colonne vertébrale. Un ami hollandais m'a raconté que lorsque les Espagnols arrivèrent dans le village d'une communauté réformée, ils ont arrêté les anciens de l'Eglise calviniste pour les brûler sur la place devant tout le peuple. Lorsque tout a été réduit en cendres, la pluie a commencé à tomber. Les fidèles n'ont pas bougé jusqu'à ce que les cendres se soient refroidies; chacun alors en a ramassé dans son mouchoir pour les déposer sur le manteau de sa cheminée afin de pouvoir dire à ses enfants et à ses petits-enfants: "Voilà comment un chrétien vit et meurt."
Le calvinisme a toujours été une menace pour les dirigeants. Il produit des hommes droits, qui ne transigent pas avec le mal, ou l'erreur; des hommes qui restent debout, même s'ils sont considérés comme des hors-la-loi. Il y a une remarquable clarté dans ces hommes. Lorsqu'on lit Calvin et Luther, la différence est très importante. Luther est souvent intéressant parce qu'il fait beaucoup de digressions hors sujet. La démarche de Calvin, au contraire, est toujours systématique, contrairement à d'autres écrivains, enclins à la prolixité, et qui s'invectivent à titre d'arguments chocs.
Le grand maÓtre des insultes est sir Thomas Moore. Calvin avait eu l'intention de répondre aux insultes de Pighus, mais il s'est arrêté lorsqu'il a été informé de sa mort, car il pensait qu'on l'accuserait de "frapper un chien mort"; il faut dire que le langage du temps était loin d'être incolore et sans saveur, comme celui d'aujourd'hui.
Les puritains anglais n'étaient pas aussi calvinistes qu'on aurait pu le souhaiter, mais certains, comme John Owen, ont été très clairs dans leurs écrits et ont eu une grande influence. Partout où l'on trouve la solide charpente du calvinisme chez les écrivains anglais du XVIIe siècle, le style est systématique, clair et précis. Mais certains puritains, calvinistes jusqu'à un certain point, ne pouvaient que se perdre dans les méandres de l'analyse psychologique.
Comment pouvons-nous utiliser la pensée de Van Til, pour le futur, dans l'effort de reconstruction de l'Eglise et de la société?
J'ai déjà dit que la prémisse fondamentale de Van Til est le choix entre l'autonomie et la théonomie. De même la prémisse essentielle de la reconstruction chrétienne est que, dans toutes les sphères de notre vie, nous appliquions la Parole de Dieu dans sa totalité. C'est précisément ce qu'a fait Van Til. Dans le domaine de la psychologie, de l'éthique théiste chrétienne, de l'apologétique, le fondement est la théologie biblique systématique, sans aucune spéculation. Il faut toujours commencer et finir avec la Parole de Dieu. C'est ainsi que nous procédons pour convaincre l'Eglise de ce qu'elle doit faire. Autrement elle met en danger la foi chrétienne; elle sort du bon chemin et devient impotente. Elle n'a plus l'impact qu'elle devrait avoir dans tous les pays.
Si les chrétiens sont bien enseignés, prêts à agir, ayant bien compris, ils peuvent alors entendre et comprendre une prédication biblique sérieuse. Si vous adoptez la position de Van Til, vous êtes contraints de la soutenir. Il n'y a rien eu de plus fort que ce qu'ont fait les Eglises réformées orthodoxes, les hollandaises en particulier. Elles ont consacré les soirées du dimanche à la prédication sur les articles de la confession de foi et aux questions et réponses du catéchisme. On le fait encore, mais parfois de faÁon plus légère.
Van Til a certainement été un penseur systématique au plus profond de son être. Nous devons l'être également. L'une des choses importantes que j'ai apprises dans les années 30, lorsque j'étudiais de faÁon intensive les Pères de l'Eglise, c'est que ces hommes (je ne dit pas qu'ils ont toujours été cohérents dans leurs pensées) prêchaient la Bible de faÁon systématique. Si vous considérez les volumes de leurs écrits, vous y trouverez, par exemple, une série de sermons sur l'évangile selon Matthieu, sur le livre de Job, ou d'EsaÔe, ou encore sur les lettres aux Corinthiens, etc. Ils voulaient suivre la Bible de faÁon systématique.
Un des aspects du génie du calvinisme est son aptitude à marier une pensée biblique, solide et théologique, avec l'action...
Oui, ce qui me plonge dans une grande tristesse, c'est que nous avons un christianisme de papier. Les Eglises, qu'elles soient modernistes, arminiennes ou réformées, font des déclarations sans agir. Elles semblent croire que formuler des voeux est suffisant. Nous avons besoin d'un retour à un christianisme actif. Le salut doit conduire à l'action et au service, au service du Dieu créateur.

 


* Cette interview de R. Rushdoony, publiée dans le ]

Chalcedon Report , 358 (mai, 1995) a été traduite et adaptée par M. A. Coste. R. Rushdoony, théologien et auteur de nombreux livres, est le président de la Fondation Chalcédoine à Vallecito, en Californie.
1 A. Kuyper (1837-1920), premier ministre des Pays-Bas, théologien, journaliste et philosophe chrétien et fondateur de l'Université libre d'Amsterdam.
2 Rushdoony cite C. Henry, E.Carnell et Billy Graham.

 

Obituary: Dr. Cornelius Van Til

April 18, 1987

Dr. Cornelius Van Til, for 43 years professor of apologetics at Westminster Theological Seminary, Philadelphia, and emeritus professor there since his retirement in 1972, died at the age of 91 on April 17, 1987. After an illness of several months, death came peacefully at his long-time residence near the campus. A memorial service will be held at Calvary Orthodox Presbyterian Church, Glenside, PA (where he worshipped for the last 40 years) on Wednesday, April 29, 8:00 pm.

Van Til was born on May 3, 1895, in Grootegast, The Netherlands. He was the sixth son of Ite and Klazina Van Til, who emigrated to the United States when "Kees," as he was known to friends, was 10. He grew up helping on the family farm in Highland, Indiana. He went on to receive an advanced education when he saw the need to meet unbelief on its own ground and in the most thorough terms. Years later he said, "Study was not easy for me. Having grown up on the farm I was used to weeding onions and carrots and cabbages. It was hard to adjust to classroom work; I had labored physically and my body was aching for that." He was married to Rena Klooster in 1925 and they had one son, Earl, who died in 1983. Van Til is survived by a grand-daughter, Sharon Reed of Valencia, PA.

He was graduated from Calvin College (A.B., 1922), Princeton Theological Seminary (Th.B., 1924; Th.M., 1925) and Princeton University (Ph.D. 1927). He served as the pastor of the Christian Reformed Church in Spring Lake, MI, 1927-28 and was instructor of apologetics at Princeton Theological Seminary, 1928-29. He was professor of apologetics at Westminster, 1929-72. He held an honorary professorship at the University of Debrecen, Hungary, in 1938; the Th.D. (honoris causa) from the University of Potchefstroom, South Africa; and the D.D. from Reformed Episcopal Seminary, Philadelphia.

He was a minister in the Orthodox Presbyterian Church from 1936 until his death. Van Til was also instrumental in the founding of Philadelphia-Montgomery Christian Academy, serving as the president of the board. Begun in September 1942, the school now has over 700 students, K-12, on campuses in three Philadelphia communities: Roxborough, Dresher and Erdenheim.

Van Til's published writings include The New Modernism (Presbyterian & Reformed, 1946), The Defense of the Faith (P&R, 1955) and Christianity and Barthianism (P&R, 1962), plus several syallabi and numerous reviews and articles. He was joint editor of Philosophia Reformata, a quarterly devoted to Calvinistic philosophy. A festschrift, Jerusalem and Athens, edited by E. R. Geehan with contributions by Hendrik G. Stoker, Herman Dooyeweerd, J. I. Packer, Paul K. Jewett, Arthur Holmes and others, was published on his 75th birthday (P&R, 1971).

He is perhaps best known for the development of a fresh approach to the task of defending the Christian faith. Although trained in traditional methods he drew on the insights of fellow Calvinistic philosophers Vollenhoven and Dooyeweerd to formulate a more consistently Christian methodology. His apologetic focused on the role of presuppositions, the point of contact between believers and unbelievers, and the antithesis between Christian and non-Christian worldviews.

In an interview with Christianity Today (December 30, 1977) he said, "There are two ways of defending the faith. One of these begins from man as self-sufficient and works up to God, while the other begins from the triune God of the Scriptures and relates all things to him. . . . The traditional ideas of trying to find some neutral, common ground on which the believer and unbeliever can stand are based on the notion that man is autonomous . . . [yet] Paul says, all men, knowing God, hold down this knowledge in unrighteousness. . . . [This knowledge] is the only basis man has on which he can stand, to know himself, to find the facts of his world and learn how to relate them to one another. Without the Creator-God-Redeemer of Scripture the universe would resemble an infinite number of beads with no holes in any of them, yet which must all be strung by an infinitely long string."

One of Van Til's students, T. Grady Spires, now professor of philosophy at Gordon College, Wenham MA, says of him, "Every student of Van Til can instantly recall the characteristic Van Tillian blackboard graffiti: the foremost symbols being two circles, a big one for the creator, the other for creation with no ontological bridge between. The entire history of philosophy or Christian thought, including most heresy, would be strewn in names and phrases across the board. . . . The consumption of chalk and the whir of ideas were symptomatic of an excitement generated not from brilliant eruditions, though some of his skyrocketing digressions could be called that, but from the strong and systematic emphasis on the antithesis between a biblical world and life view and the several intellectual scientific versions of the carnal mind. Students began to see how far-reaching were the differences between believer and non-believer."


Source: The Works of Cornelius Van Til, 1895-1987. Copyright © 1997, Eric H. Sigward.
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Voir de-même :

 

Bibliographie

Tout Van Til : http://www.vantil.info/