Jean Calvin

(1509-1564)

Calvin (1509-1564)
Musée Calvin

Biographies          Bibliographie         Calvin en ligne !

 

Biographies

Jean Calvin (1509-1564)

>>> extrait de http://www.museeprotestant.org/

Une génération après Luther, le français Jean Calvin est l'organisateur de la Réforme : organisateur de l'Église, de la doctrine, du rôle de l'Église dans l'État.

 
 
 
Calvin (1509-1564)
Musée Calvin
 
Jeunesse

Jean Cauvin ou Calvin est né à Noyon en Picardie. Il est le fils d'un administrateur de biens au service des chanoines de Noyon et d'une mère catholique dévote morte prématurément. Calvin reçoit un bénéfice ecclésiastique qui lui permet de poursuivre des études d'abord à Noyon.

Après Noyon, il étudie à Paris aux collèges de la Marche et de Montaigu. Son père le destinait à la prêtrise mais, à la suite de démêlés avec les chanoines de Noyon, il oriente son fils vers le droit. Calvin étudie le droit à Orléans, puis à Bourges, auprès des meilleurs maîtres de son temps. L'étude du droit marque durablement la pensée de Calvin. Il considère toujours la loi de façon positive, contrairement à Luther.

À la mort de son père, il se tourne vers la théologie et les lettres. Son premier livre est un commentaire du De Clementia de Sénèque. Il fréquente les milieux humanistes et les cercles de théologiens où se discutent les idées nouvelles. Il apprend le grec et l'hébreu.


 
Noyon au XVIe siècle
S.H.P.F.
 
 
La conversion, l'exil

À quand remonte la conversion de Calvin ? Sans doute vers 1533, mais ce n'est pas clair. En 1534, il rompt définitivement avec l'Église catholique en résignant ses bénéfices ecclésiastiques. En 1534, Calvin se déplace fréquemment (Angoulême, Nérac, Paris, Noyon, Orléans).

Calvin se trouve à Paris quand éclate en 1534 l'affaire des placards. Durant la répression, il quitte définitivement la France et se réfugie à Bâle. Il y poursuit son travail théologique. Son premier texte dogmatique est l'introduction à la traduction en français de la Bible par son cousin Olivétan. Son second ouvrage est un résumé de l'essentiel de la foi chrétienne : L'institution de la religion chrétienne, (1536). Il s'agit de la première édition en latin de son œuvre majeure qu'il ne cesse de remanier et de développer toute sa vie durant.


 
 
 
Genève : portes du bas de la Cité
S.H.P.F.
 
L'appel de Genève

Calvin aurait pu continuer sa brillante carrière d'intellectuel sans un hasard providentiel. Il veut se rendre à Strasbourg. La route directe est fermée à cause des guerres. Il doit passer par Genève. Genève vient d'adopter la Réforme, sous l'influence du réformateur Guillaume Farel. Celui-ci, apprenant la présence de Calvin à Genève, pense aussitôt que l'auteur de l'Institution Chrétienne est l'homme qui pourra le mieux l'aider dans la tâche de structurer la Réforme à Genève. Il lui adresse un appel pressant. Calvin reste à Genève. Il tente de mettre en pratique ses idées, mais la tâche est rude.

Calvin et Farel s'opposent au gouvernement de la ville sur la question de l'autorité respective de l'Église et de l'État, notamment sur les sujets religieux. Ils n'ont pas le dernier mot et sont expulsés par les autorités de la ville en 1538.


 
Strasbourg : maisons datant du XVIe siècle
Collection privée
 
 
Calvin à Strasbourg

À l'appel du réformateur Martin Bucer, Calvin s'établit à Strasbourg. Ce seront les trois plus belles années de sa vie. Il exerce les fonctions de pasteur et de professeur. Il fréquente de nombreux intellectuels. Il se marie avec une jeune veuve, Idelette de Bure, dont il aura un fils mort en bas âge. L'influence de Bucer est notable sur la pensée de Calvin, mais Calvin ne lui ménage pas ses critiques.

En 1540, vingt-cinq ans après Luther, Calvin rédige son Commentaire de l'Épître aux Romains. Il y manifeste clairement sa distance par rapport à Luther : il n'y pas d'opposition inconciliable entre loi et Évangile.

En 1541, il fait paraître son Petit traité de la Cène, où il définit une position médiane entre celles, inconciliables, de Luther et de Zwingli. La même année paraît la première édition en français de l'Institution Chrétienne, beaucoup plus développée que celle de 1536.

C'est à Strasbourg que Calvin accède à la reconnaissance internationale. Il accompagne Bucer à plusieurs colloques organisés par Charles Quint pour tenter de guérir la fracture entre les Églises. Il y rencontre Melanchton avec lequel il se lie d'amitié. Malgré l'intelligence de Melanchton et la modération de Bucer, tous ces colloques échouent.


Retour à Genève

En 1540, une majorité favorable au retour de Calvin se retrouve dans les conseils de la ville de Genève. On le supplie de revenir par deux fois, en 1540 et en janvier 1541. Calvin ne reviendra qu'en septembre 1541, pensant ne rester que six mois. Il y reste vingt-trois ans, jusqu'à la fin de sa vie.

Dès les six premiers mois, trois textes de Calvin structurent l'Église : Les ordonnances ecclésiastiques, Le catéchisme, La forme des prières c'est-à-dire la liturgie.

Il fait adopter, pendant le culte, le chant des psaumes traduits en vers par Clément Marot. L'année suivante il accueille celui-ci à Genève.

Genève est attaché au nom de Calvin, pourtant Calvin s'y sent souvent mal à l'aise. Il y est un étranger jusqu'en 1559, où il obtient le statut de bourgeois de la ville.

Il est en butte à l'hostilité des conseils de la ville jusqu'en 1555. On voit souvent Calvin comme un dictateur à Genève. En fait, il n'a jamais été favorable à une emprise du pouvoir religieux sur le pouvoir politique.


 
 
 
Autographe de Jean Calvin (22 décembre 1559)
Musée Calvin de Noyon
 
Calvin prédicateur et écrivain

À son retour à Genève, Calvin reprend la prédication. Il prêche deux sermons par dimanche et il prêche quotidiennement une semaine sur deux en suivant un livre biblique. Ces milliers de sermons de Calvin ont été pris en note par ses étudiants, mais seule une partie a été conservée.

Contrairement à Luther, Calvin se méfie des méthodes de lecture médiévales de la Bible (allégorique et typologique). Il applique au texte biblique les règles de lecture des textes profanes. Il dénonce en particulier la confusion entre le sens littéral et le sens figuré. Par exemple, pour les paroles prononcées par Jésus lors de son dernier repas, « ceci est mon corps, ceci est mon sang... », le pain et le vin sont, pour Calvin, une figure de style, une image. Ils représentent le Christ, mais ne sont pas vraiment le Christ. De même que, dans la Bible, la colombe représente l'Esprit Saint, mais n'est pas l'Esprit Saint.

Dès 1541, Calvin traduit en français L'Institution de la religion chrétienne.

C'est un des premiers livres de théologie systématique traduit en français. Par cette traduction, Calvin contribue à fixer la langue française alors en pleine évolution.

Les écrits de Calvin en français sont très nombreux : commentaires bibliques, ouvrages de théologies, lettres, etc. C'est un des écrivains français les plus féconds du XVIe siècle.


 
Michel Servet (1511-1553)
S.H.P.F.
 
 
L'affaire Servet

L'Espagnol Michel Servet est persécuté tant par l'Église romaine que par les Réformateurs pour ses traités antitrinitaires. Il considère le dogme de la Trinité comme non biblique et donc comme hérétique. Calvin condamne ses doctrines.

Michel Servet est arrêté à Genève et brûlé, après un procès pour hérésie, le 27 octobre 1553. L'exécution de Servet déclenche une polémique entre Calvin et Sébastien Castellion, défenseur de la tolérance religieuse.


Calvin et la France

Calvin exilé se soucie de la France et de ceux qui y ont adhéré à la Réforme. Par crainte des persécutions, ils vivent leur foi clandestinement et participent aux cérémonies de l'Église catholique. Calvin dénonce cette dissimulation et exhorte ses compatriotes à fuir vers des pays passés à la Réforme (Excuse aux Nicodémites, 1544). Ils arrivent massivement à Genève et la population de Genève double entre 1545 et 1560. Ils apportent à Calvin un soutien non négligeable.

À partir de 1555, de nombreuses Églises réformées sont créées en France. Calvin exhorte alors les protestants à rester dans leur pays. Il les soutient de ses conseils et en leur envoyant des pasteurs formés à l'Académie de Genève.

Pour le premier synode de Paris en 1559, il leur envoie un projet de confession de foi et de discipline. Par la suite il leur envoie de nombreuses lettres pastorales.


Les dernières années

La création d'une académie, en 1559, contribue à la réputation de Genève. L'enseignement théologique qui y est donné insiste sur l'étude et l'interprétation des Écritures.

L'Académie de Genève est dirigée par le français Théodore de Bèze. En raison de la qualité des maîtres, elle connaît un grand rayonnement.

À partir de 1555, l'autorité de Calvin à Genève n'est plus contestée. Le modèle genevois se diffuse largement en Europe. En 1559, il donne sa forme définitive à l'Institution Chrétienne, qui compte désormais quatre livres et quatre-vingt chapitres. Il écrit de nombreux traités (contre les anabaptistes, les libertins, l'astrologie, les reliques etc.). Il donne des cours publics à l'Académie de Genève qui vient d'être fondée. Il y fait une exposition continue des livres de la Bible.

De santé fragile, ce travail intense et soutenu l'épuise. Il meurt le 27 mai 1564 à l'âge de cinquante-cinq ans. Théodore de Bèze continue son œuvre.

Bibliographie
MILLET, Olivier, Calvin et la dynamique de la parole, Paris, Champion, 1992.
COTTRET, Bernard, Calvin, biographie, Paris, Payot, 1999.
WENDEL, François, Calvin, sources et évolution de sa pensée religieuse, Genève, Labor et Fides, 1985.
CALVIN, Jean, Institution de la religion chrétienne, Paris, Vrin, éd. J.D. Benoit, 1957-1963, 5 vol..
CROUZET, Denis, Jean Calvin, vies parallèles, Paris, Fayard.
FUCHS, Éric, La morale selon Calvin, Paris, Cerf, 1986.
GISEL, Pierre, Le Christ de Calvin, Paris, Desclée, 1990.

Voir de-même :

Jean-Daniel Benoît, Calvin, directeur d'âmes, Toulouse, Ed. Oberlin, 1947.

Marc-François Gonin, “Le couple et la vie de famille des Luther et des Calvin.” La Revue Reformée 47, no. 191 (1996): 35-42.

Denise Hourticq, Calvin, mon ami, Genève, Ed. Labor et Fides, 1970.

Pierre Marcel, "Calvin et Copernic, la légende ou les faits ? La science et l'astronomie chez Calvin", La Revue Réformée, N° 121-1980/1.

Richard Stauffer, "L'humanité de Calvin", Cahiers Théologiques, Delachaux et Niestlé1964.

François Wendel, Calvin. Sources et évolution de sa pensée religieuse, Genève, Labor et Fides, 1985.

 

Dans "L'humanité de Calvin", qui reprend deux conférence du spécialiste de la Réforme, professeur à la Sorbonne, données à l’Eglise de l’Oratoire, à Paris, le 21 mai 1964, et à l’Université de Bâle en mai 1964, Richard Stauffer entend rectifier la vérité au sujet du Réformateur de Genève caricaturé par les portraits si peu flatteur – c’est le moins qu’on puisse dire- des Bolsec, Jacques Desmay, Bossuet –plus nuancé que les deux autres quand même- et autres pamphlétaires, y compris d’ailleurs, parfois, parmi les protestants eux-mêmes. Daniel-Rops dans son Jésus en son temps est déjà moins éloigné de la vérité. Sans idéaliser non plus sa figure – c’était un homme de son temps qui a commis des erreurs aussi de son temps-, l’ouvrage entend essentiellement dégager la matière brute du personnage par-delà les médisances et les calomnies.  Voici ce qui est dit de lui en résumé : « A l’occasion du 400e anniversaire de sa mort, il fallait rectifier le portrait injuste qu’on a brossé de lui. Mari et père vulnérable dans ses affections, ami aussi fidèle qu’ouvert, pasteur dévoué et compréhensif, il nous apparaît dans cet ouvrage comme un être qui, malgré ses faiblesses et ses lacunes, est infiniment plus proche de nous qu’on ne l’aurait imaginé ».

En anglais :

Ronald S. Wallace, Calvin, Geneva, and the Reformation, Baker, 1988.

John T. McNeill, The History and character of calvinism, Oxford Paperbacks,1954.

 

Calvin, éléments autobiographiques 

Combien que j'ensuive David de bien loin et qu'il s'en faille beaucoup que je sois à accomparer à lui, ou pour mieux dire, combien qu'en aspirant lentement et avec grande difficulté à tant de vertus qui ont été excellentes en lui, je me sente encore entaché des vices contraires, toutefois si j'ai quelques choses de commun avec lui, je suis content de les considérer et faire quelque comparaison de l'un à l'autre (...) Vrai est que ma condition est beaucoup moindre et plus basse, et ce n'est pas besoin que je m'arrête à le montrer : mais comme il fut pris d'après les bêtes, et élevé au souverain degré de dignité royale, ainsi Dieu de mes petits et bas commencements m'a avancé jusqu'à m'appeler à cette charge tant honorable de ministre et prêcheur de l'Évangile. Dès que j'étais jeune enfant, mon père m'avait destiné à la théologie ; mais puis après, d'autant qu'il considérait que la science des lois communément enrichit ceux qui la suivent, cette espérance lui fit incontinent changer d'avis. Ainsi cela fut cause qu'on me retira de l'étude de philosophie, et que je fus mis à apprendre les lois: auxquelles combien que je m'efforçasse de m'employer fidèlement pour obéir à mon père.

Dieu toutefois, par sa providence secrète, me fit finalement tourner bride d'un autre côté. Et puis premièrement, comme ainsi soit que je fusse si obstinément adonné aux superstitions de la papauté, qu'il était bien malaisé qu'on me pût tirer de ce bourbier si profond, par une conversion subite, il dompta et rangea à docilité mon cœur, lequel, eu égard à l'âge, était par trop endurci en telles choses. Ayant donc reçu quelque goût et connaissance de la vraie piété, je fus incontinent enflammé d'un si grand désir de profiter, qu'encore que je ne quittasse pas du tout les autres études, je m'y employais toutefois plus lâchement. Or je fus tout ébahi que devant que l'on passât, tous ceux qui avaient quelque désir de la pure doctrine se rangeaient à moi pour apprendre, combien que je ne fisse que commencer moi-même. De mon côté, d'autant qu'étant d'un naturel un peu sauvage et honteux, j'ai toujours aimé recoi et tranquillité, je commençai à chercher quelque cachette et moyen de me retirer des gens/- mais tant s'en faut que je vinsse à bout de mon désir, qu'au contraire toutes retraites et lieux à l'écart m'étaient comme écoles publiques. Bref, cependant que j'avais toujours ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m'a tellement promené et fait tournoyer par divers changements que toutefois il ne m'a jamais laissé de repos en lieu quelconque jusqu'à ce que, malgré mon naturel, il m'a produit en lumière et fait venir en jeu, comme on dit. Et de fait, laissant le pays de France, je m'en vins en Allemagne de propos délibéré, afin que là je puisse vivre à recoi en quelque lieu inconnu, comme j'avais toujours désiré.

Mais voici, pource que cependant que je demeurais à Baie, étant là comme caché et connu de peu de gens, on brûla en France plusieurs fidèles et saints personnages, et que le bruit en étant venu aux nations étranges, ces brûlements furent trouvés fort mauvais par une grande partie des Allemands, tellement qu'ils conçurent un dépit contre les auteurs de telle tyrannie; pour l'apaiser, on fit courir certains petits livres malheureux et pleins de mensonges, qu'on ne traitait ainsi cruellement autres qu'anabaptistes et gens séditieux, qui par leurs rêveries et fausses opinions renversaient non seulement la religion, mais aussi tout ordre politique. Lors moi, voyant que ces pratiqueurs de Cour, par leurs déguisements, tâchaient de faire non seulement que l'indignité de cette effusion du sang innocent demeurât ensevelie par les faux blâmes et calomnies, desquelles ils chargeaient les saints martyrs après leur mort, mais aussi que par après il y eût moyen de procéder à toute extrémité de meurtrir les pauvres fidèles, sans que personne en pût avoir compassion, il me sembla que sinon que je m'y opposasse vertueusement, en tant qu'en moi était, je ne pouvais m'excuser qu'en me taisant je ne fusse trouvé lâche et déloyal. Et ce fut la cause qui m'incita à publier mon Institution de la religion chrétienne, premièrement afin de répondre à ces méchants blâmes que les autres semaient, et en purger mes frères, desquels la mort était précieuse en la présence du Seigneur, puis après afin que d'autant que les mêmes cruautés pouvaient bientôt après être exercées contre beaucoup de pauvres personnes, les nations étranges fussent pour le moins touchées de quelque compassion et sollicitude pour iceux. Car je ne mis pas lors en lumière le livre tel qu'il est maintenant, copieux et de grande labeur, mais c'était seulement un petit livret contenant sommairement les principales matières, et non à autre intention, sinon afin qu'on fût averti quelle foi tenaient ceux lesquels je voyais que ces méchants et déloyaux flatteurs diffamaient vilainement et malheureusement.

Or que je n'eusse point ce but de me montrer et acquérir bruit, je le donnai bien connaître par ce
qu'incontinent après je me retirai de là, joint mêmement que personne ne sut là que j'en fusse l'auteur, comme aussi partout ailleurs, je n'en ai point fait de semblant, et avais délibéré de continuer de même jusqu'à ce que finalement maître Guillaume Farel me retînt à Genève, non pas tant par conseil et exhortation, que par une adjuration épouvantable, comme si Dieu eût d'en haut étendu sa main sur moi pour m'arrêter. Pour ce que pour aller à Strasbourg, où je voulais lors me retirer, le plus droit chemin était fermé par les guerres, j'avais délibéré de passer par ici légèrement, sans arrêter plus d'une nuit en la ville. Or un peu auparavant, la papauté en avait été chassée par le moyen de ce bon personnage que j'ai nommé, et de maître Pierre Viret; mais les choses n'étaient point encore dressées en leur forme, et y avait des divisions et factions mauvaises et dangereuses entre ceux de la ville. Adonc un personnage, lequel maintenant s'est vilainement révolté et retourné vers les papistes, me découvrit et fit connaître aux autres. Sur cela, Farel (comme il brûlait d'un merveilleux zèle d'avancer l'Évangile) fit incontinent tous ses efforts pour me retenir. Et après avoir entendu que j'avais quelques études particulière auxquelles je me voulais réserver libre, quand il vit qu'il ne gagnait rien par prière, il vint jusqu'à une imprécation, qu'il plût à Dieu de maudire mon repos et la tranquillité d'études que je cherchais, si en une grande nécessité je me retirais et refusais de donner secours et aide. Lequel mot m'épouvanta et ébranla tellement que je me désistai du voyage que j'avais entrepris, en sorte toutefois que sentant ma honte et ma timidité, je voulus point m'obliger à exercer quelque certaine charge.

Après cela à grand-peine se passèrent quatre mois, que d'un côté les anabaptistes nous vinrent assaillir, et de l'autre un méchant apostat, lequel étant secrètement soutenu et appuyé du crédit d'aucuns des principaux, nous pouvait beaucoup faire de fâcherie. Cependant survinrent en la ville séditions les unes sur les autres, qui nous affligèrent et promenèrent d'une façon qui n'était point lâche. Ainsi, combien que je me reconnais être timide, mol et pusillanime de ma nature, il me fallut toutefois dès les premiers commencements soutenir ces flots tant impétueux, auxquels jà soit que je ne succombasse pas, si est-ce que je me trouvai point garni d'une si grande magnanimité, que quand par le moyen de certains troubles on me chassa, je ne m'en réjouisse plus qu'il ne fallait.

Lors par ce moyen étant en liberté et quitte de ma vocation, j'avais liberté de vivre en repos sans prendre aucune charge publique, jusqu'à ce que l'excellent serviteur de Christ Martin Bucer, usant d'une semblable remontrance et protestation qu'avait fait Farel auparavant, me rappela à une autre place. Étant donc épouvanté par l'exemple de Jonas, lequel il me proposait, je poursuivis encore en la charge d'enseigner. Et même combien que toujours je continuasse à être semblable à moi-même, c'est à savoir de ne vouloir point appartenir ou suivre les grandes assemblées, je ne sais comment toutefois on me mena comme par force aux Journées impériales où, bon gré, mal gré, il me fallut trouver en la compagnie de beaucoup de gens. Depuis, quand le Seigneur ayant pitié de cette ville, eut apaisé les émotions et troubles pernicieux qui y étaient, et par sa vertu admirable dissipé tant les malheureux conseils que les efforts sanguinaires des perturbateurs de la République, contre mon désir et affection, la nécessité me fut imposée de retourner à ma première charge. Car combien que le salut de cette Église me fut en telle recommandation que pour icelle je n'eusse point fait de difficulté d'abandonner ma vie, ma timidité toutefois me présentait beaucoup de raisons de m'excuser, pour ne point reprendre derechef sur mes épaules un fardeau si pesant. Mais à la parfin, le regard de mon devoir, que je considérais avec révérence et conscience, me gagna et fit condescendre à retourner vers le troupeau d'avec lequel j'avais été comme arraché, ce que je fis avec tristesse, larmes, grandes sollicitudes et détresse, comme le Seigneur m'en est très bon témoin, et plusieurs bons personnages, qui n'eussent bien voulu voir hors de cette peine, n'eût été que ce que je craignais, et qui m'avait fait consentir, les retenait aussi et leur fermait la bouche.

Maintenant si je voulais réciter les divers combats par lesquels le Seigneur m'a exercé depuis ce temps-là, et par quelle épreuves il m'a examiné, ce serait une longue histoire. Mais afin que je n'ennuie point de paroles inutiles les lecteurs, il me suffira de réitérer en bref ce que j'ai touché un peu devant, qu'en considérant tout le discours de la vie de David, il me semblait qu'à chacun pas il me montrait le chemin, et que cela m'a été un merveilleux soulagement. Car comme ce saint roi a été fâché de guerres continuelles par les philistins et autres peuples étranges ses ennemis, mais encore navré plus grièvement au milieu de son peuple par la malice d'aucuns déloyaux et malheureux; ainsi, je puis dire, quant à moi, que de tous côtés j'ai été assailli, tellement qu'à grand-peine ai-je pu être en repos un bien peu de temps, que toujours je n'eusse à soutenir quelque combat, ou de ceux du dehors ou de ceux du dedans.

Source: "Préface" au Commentaire des psaumes (10 août 1557), B.Cottret, Histoire de la Réforme
protestante, Perrin, 2000.

 

Confession de foi de Calvin

Il s'agit d'un projet envoyé par Calvin aux Eglises réformées de France en 1559, qui remanié par ces Eglises deviendra la Confession de Foi dîte de La Rochelle.

Extrait de Histoire de la Réforme protestante, (Paris, Perrin, pp. 287-293), par B.Cottret.

Article 1: Pource que le fondement du croire, comme dit saint Paul, est par la parole de Dieu, nous croyons que le Dieu vivant est manifeste en sa Loi et par ses prophètes, et finalement en l'Évangile et y a rendu témoignage de sa volonté autant qu'il est expédient pour le salut des hommes. Ainsi, nous tenons les livres de la sainte Écriture du Vieil et Nouveau Testament comme la somme de la seule vérité infaillible procédée de Dieu, à laquelle il n'est licite de contredire. Même pource que là est contenue la règle parfaite de toute sagesse, nous croyons qu'il n'est licite d'y rien ajouter ne diminuer mais qu'il y faut acquiescer en tout et partout. Or, comme cette doctrine ne prend son autorité des
hommes ne des anges, mais de Dieu seul, aussi nous croyons (d'autant que c'est chose surmontant tous sens humains, de discerner que c'est Dieu qui parle) que lui seul donne la certitude d'icelle à ses élus, et la scelle en nos cœurs par son Esprit.

2. Étant ainsi fondés nous croyons en un seul Dieu éternel, d'une essence spirituelle, infinie, incompréhensible et simple, toutefois en laquelle il y a trois personnes distinctes, le Père, sa Parole ou
sa Sagesse, et son Esprit. Et combien que le nom de Dieu soit quelquefois attribué en particulier au Père d'autant qu'il est le principe et origine de sa Parole et de son Esprit, toutefois cela n'empêche point que le Fils n'ait en soi toute divinité en perfection, comme aussi le Saint-Esprit, d'autant que chacun a tellement ce qui lui est propre quant à la personne que l'essence unique n'est point divisée. Et en cela nous avons ce qui a été déterminé par les anciens conciles et détestons toutes sectes et hérésies qui ont été rejetées par les saints docteurs depuis saint Hilaire, Athanase, jusqu'à saint Ambroise et Cyrille.

3. Nous croyons aussi que Dieu par sa vertu, sagesse et bonté incompréhensibles, a créé toutes choses, non seulement le ciel, la terre et tout ce qui y est contenu, mais aussi les esprits invisibles, desquels les uns sont déchus et trébuchés en perdition, les autres ont persisté en obéissance. Que les premiers s'étant corrompus en malice sont ennemis de tout bien, et par conséquent de toute l'Église. Les seconds, ayant été préservés par la grâce de Dieu, sont ministres pour glorifier son nom, et servir au salut de ses élus.

4. Nous croyons que le même Dieu gouverne toutes ses créatures, et dispose et ordonne selon sa volonté tout ce qui advient au monde: non pas qu'il soit l'auteur du mal ou que la coulpe lui en puisse être imputée, vu que sa volonté est la règle souveraine et infaillible de toute droiture et équité, mais il a des moyens admirables de se servir tellement du mal et des méchants, qu'il sait convertir en bien le mal qu'ils font et duquel ils sont coupables. Ainsi en confessant que rien ne se fait sans la providence de Dieu, nous adorons en humilité les secrets qui nous sont cachés, sans nous enquérir par dessus notre mesure, mais plutôt appliquons à notre usage ce qui nous en est montré en l'Écriture sainte, pour être en repos et sûreté, d'autant que Dieu, qui a toutes choses sujettes à soi, veille sur nous d'un soin paternel, tellement qu'il ne tombera point un cheveu de notre tête sans son vouloir; et cependant, tient les diables et tous nos ennemis bridés, en sorte qu'ils ne peuvent nous faire aucune nuisance sans son congé.

5. Nous croyons que l'homme ayant été crée pur et entier et conforme à l'image de Dieu est par sa propre fauté déchu de la grâce qu'il avait reçue, et ainsi s'est aliéné de Dieu qui est la fontaine de justice et de tous biens: en sorte que sa nature est du tout corrompue. Et, étant aveuglé en son esprit et dépravé en son cœur, a perdu toute intégrité sans en avoir rien de résidu. Et combien qu'il ait encore quelque discrétion du bien et du mal, toutefois nous disons que ce qu'il a de clarté se convertit en ténèbres quand il est question de chercher Dieu, tellement qu'il n'en peut nullement approcher par son intelligence et raison. Et combien qu'il ait volonté par laquelle il est incité à faire ceci ou cela, toutefois qu'elle est du tout captive sous péché, tellement qu'il n'a nulle liberté sinon celle que Dieu lui donne.

6. Nous croyons que toute la lignée d'Adam est infectée de telle contagion qui est le péché originel et un vice héréditaire, et non pas seulement une imitation, comme les pélagiens ont voulu dire, lesquels nous détestons en leurs erreurs. Et n'estimons pas qu'il soit besoin de s'enquérir comment le péché vient d'un homme à l'autre, vu que c'est bien assez que ce que Dieu lui avait donné n'était pas pour lui seul, mais pour toute sa lignée, et ainsi qu'en la personne d'icelui nous avons été dénués de tous biens et sommes trébuchés en toute pauvreté et malédiction.

7. Nous croyons aussi que ce vice est vraiment péché, qui suffit à condamner tout le genre humain, jusqu'aux petits enfants dès le ventre de la mère, et que pour tel il est réputé devant Dieu; même que après le baptême, c'est toujours péché, quant à la coulpe, combien que la condamnation en soit abolie ès enfants de Dieu, pource que Dieu, par sa bonté gratuite, ne nous l'impute point. Outre cela, que c'est une perversité produisant toujours fruits de malice et rébellion, tellement que les plus saints, encore qu'ils y résistent, ne laissent point d'être entachés d'infirmités et de fautes pendant qu'ils habitent en ce monde.

8. Nous croyons que ce cette corruption et condamnation générale en laquelle tous hommes sont plongés, Dieu retire ceux lesquels en son conseil éternel et immuable il a élus par sa seule bonté et miséricorde en notre Seigneur Jésus-Christ, sans avoir égard à leurs œuvres, et en icelui même les a adoptés pour héritiers de la vie éternelle, laissant les autres en icelle même corruption et condamnation, pour démontrer en eux sa justice, comme ès premiers il fait luire les richesses de sa miséricorde. Car de fait, les uns ne sont pas meilleurs que les autres, jusqu'à ce que Dieu les discerne selon son conseil immuable, qu'il a déterminé en Jésus-Christ devant la création du monde. Et nul aussi ne se pourrait introduire à un tel bien de sa propre vertu, vu que de nature nous ne pouvons avoir un seul bon mouvement, affection ne pensée jusqu'à ce que Dieu nous ait prévenus et nous y ait disposés.

9. Nous croyons que tout ce qui était requis à notre salut nous a été offert et communiqué en Jésus-Christ, lequel nous étant donné en salut nous a été quant et quant fait justice, sanctification et rédemption, tellement qu'en déclinant de lui, on renonce à la miséricorde du Père où il nous convient avoir notre refuge unique.

10. Nous croyons que Jésus-Christ, étant la sagesse de Dieu et son Fils éternel, a vêtu notre chair, afin d'être Dieu et homme en une personne, voire semblable à nous, passible en corps et en âme, sinon en tant qu'il a été pur de toute macule. Et quant à son corps, qu'il a été vraie semence d'Abraham et de David, combien qu'il ait été conçu par la vertu secrète du Saint-Esprit. En quoi, nous détestons toutes les hérésies qui ont anciennement troublé les Églises, et notamment aussi les imaginations diaboliques de Servet, lequel lui attribue une divinité fantastique, d'autant qu'il est idée et patron de toutes choses, et le nomme Fils personnel ou figuratif de Dieu, et finalement lui forge un corps de trois éléments incréés, et par ainsi mêle et détruit toutes les deux natures.

11. Nous croyons qu'en une même personne, à savoir Jésus-Christ, les deux natures sont vraiment et inséparablement conjointes et unies, demeurant néanmoins chacune nature en sa distincte propriété, tellement que comme en cette conjonction la nature divine, retenant sa propriété, est demeurée incréée, infinie et remplissant toutes choses, aussi la nature humaine est demeurée finie, ayant sa forme, mesure et propriété, et même combien que Jésus-Christ en ressuscitant ait donné immortalité à son corps, toutefois il ne lui a ôté la vérité de sa nature. Ainsi, nous le considérons tellement en sa divinité que nous ne le dépouillons point de son humanité.

12. Nous croyons que Dieu envoyant son Fils n'a tendu à autre fin sinon de montrer son amour et bonté inestimable envers nous, en le faisant mourir et ressusciter, d'accomplir toute justice et nous acquérir la vie céleste.

13. Nous croyons que par le sacrifice unique qu'il a offert en la croix, nous sommes réconciliés à Dieu, pour être tenus et réputés justes devant lui, pource que nous ne pouvons lui être agréables ni être participants de son adoption, sinon d'autant qu'il nous pardonne nos fautes et les ensevelit. Ainsi nous protestons que Jésus-Christ est notre lavement entier et parfait, qu'en sa mort nous avons entière satisfaction pour nous acquitter de nos forfaits et iniquités dont nous sommes coupables, et ne pouvons être délivrés que par ce remède.

14. Nous croyons que toute notre justice est fondée en la rémission de nos péchés, comme aussi c'est toute notre seule félicité, selon que dit David. Par quoi nous rejetons tous autres moyens de nous pouvoir justifier devant Dieu, et sans présumer de nulles vertus ni mérites, nous nous tenons simplement à l'obéissance de Jésus-Christ, laquelle nous est allouée tant pour couvrir tous nos vices que pour nous faire trouver faveur devant Dieu. Et de fait nous croyons qu'en déclinant de ce fondement tant peu que ce soit, nous ne pourrions trouver ailleurs aucun repos, mais serions toujours agités d'inquiétude, et que jamais nous ne sommes paisibles avec Dieu jusqu'à ce que nous soyons bien résolus d'être aimés en Jésus-Christ, vu que nous sommes dignes d'être haïs en nous-mêmes.

15. Nous croyons aussi que c'est par ce moyen que nous avons liberté et privilège d'invoquer Dieu avec pleine fiance qu'il se montrera notre Père. Car nous n'aurions pas un tel accès, si nous n'étions adressés par ce médiateur, et pour être exaucés en son nom, il nous convient tenir notre vie de lui, comme de notre chef.

16. Nous croyons que nous sommes faits participants de cette justice par la seule foi, comme il est dit qu'il a souffert pour nous acquérir salut, afin que quiconque croira en lui ne périsse point, et que cela se fait, d'autant que les promesses de vie qui nous sont données en lui sont appropriées à notre usage, et en sentons l'effet quand nous les acceptons, ne doutant point qu'étant assurés par la bouche de Dieu, nous ne serons point frustrés. Ainsi, la justice que nous obtenons par foi dépend des promesses gratuites par lesquelles Dieu nous déclare et testifie comment il nous aime.

17. Nous croyons que nous sommes illuminés en la foi par la grâce secrète du Saint-Esprit, tellement que c'est un don gratuit et particulier, lequel Dieu départ à ceux que bon lui semble, tellement que les fidèles n'ont de quoi s'en glorifier, étant obligés au double de ce qu'ils ont été préférés aux autres, même que la foi n'est pas simplement donnée pour un coup aux élus pour les introduire au bon chemin, mais aussi pour les faire continuer jusqu'au bout. Car comme c'est à Dieu de commencer, aussi estce
de parfaire.

18. Nous croyons que par cette même foi nous sommes régénérés en nouveauté de vie, pource que naturellement nous sommes asservis à péché. Or nous recevons par foi la grâce de vivre saintement et en la crainte de Dieu, en recevant la promesse qui nous est donnée par l'Évangile. Aussi tant s'en faut que la foi nous refroidisse ou empêche de bien faire, qu'elle produit en nous toutes bonnes œuvres, comme les fruits sortent d'un arbre, à savoir que Dieu nous donnera son Saint-Esprit. Au reste, combien que ce renouvellement, par lequel Dieu nous réforme à bien faire, soit une partie de notre salut en regard de lui, toutefois nous confessons que les bonnes œuvres, que nous faisons par la conduite de son Esprit, ne viennent point en compte pour nous justifier, ou mériter que Dieu nous tienne pour ses enfants, pource que nous serions toujours flottant en doute et inquiétude, si nos consciences ne s'appuyaient sur la satisfaction par laquelle Jésus-Christ nous a acquittés.

19. Nous croyons que toutes les figures de la Loi ont pris fin à la venue de Jésus-Christ: mais combien que les cérémonies ne soient plus en usage, la substance et vérité nous en demeure en la personne de celui auquel gît tout accomplissement. Au reste il nous faut aider de la Loi et des Prophètes, tant pour régler notre vie, que pour être confirmés aux promesses de l'Évangile.

20. Nous croyons, puisque Jésus-Christ nous est donné pour seul avocat, et qu'il nous commande de nous retirer privément en son nom vers le Père, et même qu'il ne nous est pas licite de prier sinon en la forme que Dieu nous dicte par sa parole, que tout ce que les hommes ont imaginé de l'intercession des saints trépassés n'est qu'abus et tromperie de Satan, pour faire dévoyer les hommes de la forme de bien prier. Nous rejetons aussi tous les moyens que les hommes présument avoir pour se racheter envers Dieu, comme dérogeant au sacrifice de la mort et passion de Jésus-Christ. Finalement, nous tenons le purgatoire pour une illusion procédée de cette même boutique.

21. Et pource que nous ne jouissons de Jésus-Christ que par l'Évangile, nous croyons que l'ordre de l'Église, qui a été établi en son autorité, doit être sacré et inviolable, et pourtant que l'Église ne peut consister sinon qu'il y ait des pasteurs qui aient la charge d'enseigner, lesquels on doit honorer et écouter en révérence quand ils sont dûment appelés et exercent fidèlement leur office. Non pas que Dieu soit attaché à telles aides ou moyens inférieurs, mais pource qu'il leur plaît nous entretenir sous telle bride. En quoi nous détestons tous fantastiques, qui voudraient bien anéantir, en tant qu'en eux est, la prédication de la parole de Dieu.

22. Nous croyons donc que nul ne se doit retirer à part et se contenter de sa personne, mais tous ensemble doivent garder et entretenir l'unité de l'Église, se soumettant à l'instruction commune et au joug de Jésus-Christ, et ce en quelque lieu qu'il aura établi un vrai ordre, encore que les édits des gouverneurs terriens y soient contraires, et que tous ceux qui s'en séparent font perversement, et s'ils en détournent les autres, les faut tenir pour pestes mortelles.

23. Toutefois, nous croyons qu'il convient discerner quelle est la vrai Église pource qu'on abuse par trop de ce titre. Nous disons donc que c'est la compagnie des fidèles qui s'accordent à suivre la parole de Dieu et la pure religion qui en dépend, et profitent en icelle tout le temps de leur vie, croissant et se confirmant en la crainte de Dieu, selon qu'ils ont besoin de s'avancer et marcher toujours plus outre, même quoi qu'ils s'efforcent, qu'il leur convient avoir incessamment recours à la rémission de leurs péchés. Néanmoins nous ne nions point que parmi les fidèles il n'y ait des hypocrites ou des contempteurs de Dieu, ou gens mal vivant, desquels la malice ne peut effacer le titre d'Église.

24. Sous cette croyance nous protestons que là où la parole de Dieu n'est point reçue, et qu'on ne fait nulle profession de s'assujettir à icelle, et où il n'y a nul usage des sacrements, on ne peut juger à parler proprement qu'il n'y ait nulle Église. Surtout, nous détestons les synagogues de la papauté, vu que la pure vérité de Dieu en est bannie, auxquelles les sacrements sont corrompus, abâtardis, falsifiés ou anéantis du tout, et auxquelles toutes idolâtries et superstitions ont la vogue. Nous tenons donc que tous ceux qui se mêlent en tels actes, et y communient, se séparent et retranchent du corps de Jésus-Christ. Toutefois, pource qu'il reste encore quelque petite trace d'Église en la papauté, et même que la substance du baptême y est demeurée, joint que l'efficace du baptême ne dépend de celui qui l'administre, nous confessons ceux qui y sont baptisés n'avoir besoin d'un second baptême. Cependant, à cause des corruptions qui y sont, on ne peut présenter les enfants sans se polluer.

25. Quand est de la vraie Église, nous croyons qu'elle doit être gouvernée selon la police que notre Seigneur Jésus a établie, c'est qu'il y ait des pasteurs, des surveillants et diacres, afin que la pureté de doctrine ait son cours, que les vices soient corrigés et réprimés, et que les pauvres soient secourus en leurs nécessités, et que les assemblées se fassent au nom de Dieu, auxquelles grands et petits soient édifiés.

26. Nous croyons tous vrais pasteurs, en quelque lieu qu'ils soient, avoir même autorité quant à exercer leur office chacun en son lieu, et égale puissance sous un chef, seul souverain et seul universel évêque, Jésus-Christ. Et pour cette cause que nulle Église ne doit prétendre aucune domination et seigneurie sur l'autre, cependant toutefois qu'on garde ordre tel qu'il est requis pour nourrir concorde et fraternité mutuelle.

27. Nous croyons que nul ne se doit ingérer de son autorité propre pour gouverner l'Église, mais que cela doit se faire par élection, en tant qu'il est possible et que Dieu le permet. Laquelle exception nous ajoutons notamment pource que qu'il a fallu quelques fois, et même de notre temps, auquel l'état de l'Église était interrompu, que Dieu ait suscité des gens, d'une façon exraordinaire, pour dresser Églises de nouveau, lesquelles étaient en ruine et désolation. Mais quoi qu'il en soit, nous croyons qu'on se doit toujours conformer à cette règle, que tous pasteurs et surveillants et diacres aient témoignages d'être appelés à leurs offices.

28. Nous croyons aussi qu'il est bon et utile que ceux qui sont élus pour superintendants avisent entre eux quel moyen ils devront tenir pour le régime de tout le corps, toutefois ne déclinant nullement ce qu'il nous a été ordonné par notre Seigneur Jésus, ce qui n'empêche point qu'il n'y ait quelques statuts particuliers en chacun lieu, selon que la commodité le requerra.

29. Cependant nous excluons toutes inventions humaines, et toutes lois qu'on voudrait introduire sous ombre du service de Dieu, par lesquelles on voudrait lier ou asservir les consciences, mais seulement recevons ce qui fait et est propre pour nourrir concorde, et tenir chacun, depuis le premier jusqu'au dernier, en obéissance. En quoi nous avons à suivre ce que notre Seigneur a déclaré quant à l'excommunication, laquelle nous approuvons et confessons être nécessaire, avec toutes ses appartenances.

30. Nous croyons que les sacrements sont conjoints à la Parole pour plus ample confirmation afin de nous être gages et méreaux de la grâce de Dieu, et par ce moyen soulager et aider notre foi, à cause de l'infirmité et rudesse qui est en nous: et qu'ils sont tellement signes extérieurs que Dieu besogne par iceux en la vertu de son Esprit, afin de ne nous y rien figurer en vain. Toutefois nous tenons que toute leur substance et vertu est en Jésus-Christ, et si on les en sépare, ce n'est plus rien qu'ombrage et fumée.

31. Nous en confessons seulement deux, communs à toute l'Église, desquels le premier, qui est le baptême, nous est donné pour témoignage de notre adoption, pource que là nous sommes entés au corps du Christ, afin d'être lavés et nettoyés par son sang, et puis renouvelés par sainte vie par son Esprit. Nous tenons aussi, combien que nous ne soyons baptisés qu'un coup, que le profit de ce qui nous est là signifié s'étend à la vie et à la mort, afin que nous ayons une signature permanente que Jésus-Christ nous sera toujours justice et sanctification. Or combien que ce soit un sacrement de foi et de pénitence, néanmoins puisque Dieu reçoit en son Église les petits enfants avec leurs pères, nous disons que par Jésus-Christ les petits enfants engendrés des fidèles doivent être baptisés.

32. Nous confessons que la sainte Cène nous est un témoignage de l'unité que nous avons avec Jésus-Christ, d'autant qu'il n'est pas seulement une fois mort et ressuscité pour nous, mais aussi nous repaît vraiment et nourrit de sa chair et de son sang, à ce que nous soyons un avec lui, et que sa vie nous soit commune. Or combien qu'il soit au ciel jusqu'à ce qu'il vienne pour juger le monde, toutefois nous croyons que par la vertu secrète et incompréhensible de son Esprit, il nous nourrit et vivifie de la substance de son corps et de son sang. Nous tenons bien que cela se fait spirituellement, non pas pour mettre, au lieu de l'effet et vérité, imagination ni pensée, mais d'autant que ce mystère surmonte de sa hautesse la mesure de notre sens et tout ordre de nature, bref, d'autant qu'il est céleste, il ne peut être appréhendé que par foi.

33. Nous croyons que tant en la Cène qu'au baptême, Dieu nous donne réellement et accomplit par effet ce qu'il y figure, et pourtant nous conjoignons avec les signes la vraie possession et jouissance de ce qui nous est là présenté, et par ainsi que tous ceux qui apportent à la table sacrée de Jésus-Christ une pure foi, comme un vaisseau, reçoivent vraiment ce que les signes testifient, c'est que le corps et le sang de Jésus-Christ ne servent pas moins de manger et de boire à l'âme que le pain et le vin font
au corps.

34. Ainsi nous tenons que l'eau étant un élément caduque ne laisse pas de nous testifier en vérité le lavement intérieur de nos âmes par le sang de Jésus-Christ et par l'efficace de son Esprit, et que le pain et le vin nous étant donnés en la Cène nous servent vraiment de nourriture spirituelle, d'autant qu'ils nous montrent comme à l'œil la chair de Jésus-Christ nous être notre viande et son sang notre breuvage. Et rejetons les fantastiques qui ne veulent recevoir tels signes et marques quand Jésus-Christ
prononce: Ceci est mon corps et ce calice est mon sang.

35. Nous croyons que Dieu veut que le monde soit gouverné par lois et polices, afin qu'il y ait quelques brides pour réprimer les appétits désordonnés du monde, et ainsi qu'il a établi les royaumes, républiques et toutes autres sortes de principautés, soit héréditaires ou autrement, et tout ce qui appartient à l'état de justice et en veut être reconnu auteur; à cette cause, il a mis le glaive en la main des magistrats pour réprimer les péchés commis, non seulement contre la seconde table des commandements de Dieu, mais aussi contre la première. Il faut donc qu'à cause de lui non seulement on endure que les supérieurs dominent, mais aussi qu'on les honore et prise en toute révérence, les tenant pour ses lieutenants et officiers, lesquels il a commis pour exercer une charge légitime et sainte. Nous tenons donc qu'il faut obéir à leurs lois et statuts, payer tributs, impôts et autres devoirs, et porter le joug de sujétion d'une bonne volonté et franche, encore qu'ils fussent infidèles, moyennant que l'empire souverain de Dieu demeure en son entier. Et par ainsi nous détestons ceux qui voudraient rejeter les supériorités, mettre communauté et confusion de biens et renverser l'ordre de justice.

 

Prière de repentance

Texte extrait de la tradition liturgique.

Seigneur Dieu, Père éternel et tout-puissant, nous reconnaissons et nous confessons devant ta sainte majesté que nous sommes de pauvres pécheurs. Nés dans l'esclavage du péché, enclins au mal, incapables par nous-mêmes de faire le bien, nous transgressons tous les jours et de plusieurs manières tes saints commandements, attirant sur nous, par ton juste jugement, la condamnation et la mort.

Mais, Seigneur, nous avons une vive douleur de t'avoir offensé ; nous nous condamnons, nous et nos vices, avec une vraie repentance; nous recourons à ta grâce et te supplions de nous venir en aide dans notre misère. Veuille donc avoir pitié de nous, Dieu très bon, Père miséricordieux, et nous pardonner nos péchés pour l'amour de Jésus-Christ, ton Fils, notre Sauveur.

[En effaçant nos souillures], accorde-nous aussi et nous augmente continuellement les grâces de ton Saint-Esprit, afin que, reconnaissant de plus en plus nos fautes, nous en soyons vivement touchés, nous y renoncions de tout notre coeur et nous portions des fruits de justice et de sainteté, qui te soient agréables, par Jésus-Christ notre Seigneur.

Amen

 

Bibliographie

Acheter en ligne aux Editions Excelsis  : Tout Calvin !

Catéchisme de Genève. Choisis la vie. . .                                                     L Institution de la religion chrétienne. Livre III                                            Com. bibl. Epîtres de Jacques et de Pierre, Première épître de Jean et épître de Jude             L Institution chrétienne. Edition abrégée en français moderne                                

Traité des scandales. Transcription en français modernisé                                     Une spiritualité à visage humain. Le Livre d or de la vie chrétienne                          Instruis-moi dans ta vérité. Brève instruction chrétienne

 

Voir de-même :

Jean-Daniel Benoît, Calvin, directeur d'âmes, Toulouse, Ed. Oberlin, 1947.

Marc-François Gonin, “Le couple et la vie de famille des Luther et des Calvin.” La Revue Reformée 47, no. 191 (1996): 35-42.

Denise Hourticq, Calvin, mon ami, Genève, Ed. Labor et Fides, 1970.

Pierre Marcel, "Calvin et Copernic, la légende ou les faits ? La science et l'astronomie chez Calvin", La Revue Réformée, N° 121-1980/1.

Richard Stauffer, "L'humanité de Calvin", Cahiers Théologiques, Delachaux et Niestlé1964.

François Wendel, Calvin. Sources et évolution de sa pensée religieuse, Genève, Labor et Fides, 1985.

 

En anglais (et en français parfois)

L'une des bibliographies les plus complètes !

Calvin Bibliography : 1997

Compiled by Paul Fields

 

 

Calvin en ligne !

John Calvin

Calvin's Commentaries

 

BOOKS
JOHN CALVIN, A Reformation Debate: Calvin vs. Rome
JOHN CALVIN, Bible Commentaries (Complete Set)
JOHN CALVIN, Calvin's Calvinism (A Treatise on Predestination)
JOHN CALVIN, The Institutes of The Christian Religion
JOHN CALVIN, Tracts and Letters (VOLUMES 1 & 2)

ESSAYS
JOHN CALVIN, An Inventory of Relics
JOHN CALVIN, Antidote to the Council of Trent on Justification
JOHN CALVIN,
Articles of Sacred Theology of Paris & the Antidote
JOHN CALVIN, A Short Summary of The Book of Romans
JOHN CALVIN, Catechism of the Church of Geneva
JOHN CALVIN, Christ Merits Grace & Salvation
JOHN CALVIN, Free Will Refuted
JOHN CALVIN, Letter to the Pope
JOHN CALVIN, Of Christian Liberty
JOHN CALVIN, Of Justification by Faith
JOHN CALVIN, Of Original Sin
JOHN CALVIN, On The Christian Life
JOHN CALVIN, Prayer
JOHN CALVIN, Redemption to be Sought in Christ Alone
JOHN CALVIN, Short Treatise on the Holy Supper of Our Lord Jesus Christ

SERMONS
JOHN CALVIN, Sermons on Deuteronomy On the Sabbath (Part 1) / (Part 2)
JOHN CALVIN,
Sermons: Three Volumes (French edition)
JOHN CALVIN, Sermons on Timothy and Titus:
I Have Obtained Mercy From God's Hands (1579 EDITION, PDF FILE)
If Any Man Desires the Office of a Bishop (1579 EDITION, PDF FILE)
Take Heed to Thy Self and to Learning (1579 EDITION, PDF FILE)
Be An Example Unto Them That Believe (1579 EDITION, PDF FILE)
Despise Not The Gift That Is In Thee (1579 EDITION, PDF FILE)

Click Here for Additional Calvin Links