Il faut aussi dire que parler du mariage, ce nest pas simplement une
sorte de conformisme, un retour au passé (ni pour ce qui est de la cérémonie, ni pour
ce qui est des rôles attribués dans le couple).
Inversement, le fait de vivre heureux et fidèles comme concubins ne rend
pas le concubinage légitime pour autant...
On peut il est vrai, comprendre que létat des lieux du mariage ne
donne pas forcément envie de se marier. Cependant, sil est clair que le mariage ne
résout pas, en lui-même, toutes les difficultés, il est clair aussi que supprimer le
mariage ne supprime pas ces mêmes difficultés !
Réflexion Alors, est-ce le mariage qui doit être en cause ou la
manière dont il est trop souvent vécu ?
Le mariage concerne-t-il, en fait, que les chrétiens seulement, ou bien y
a-t-il une volonté de Dieu universelle à ce sujet ?
La spécificité du lien conjugal
Lamour entre conjoints nest pas seulement un amour plus fort
ou plus durable. Cest un amour particulier, qui se distingue de celui que
lon a pour ses parents, ses enfants, ses amis, son prochain...
Ce caractère particulier est constitué précisément par un acte
dengagement public sans équivoque. Cest cela qui fait du couple marié
une entité nouvelle, et pas seulement une association empirique, un arrangement à deux,
un contrat ou une simple association qui dure le temps qui conviendra, jusquà ce
que les circonstances changent !
Sengager et se donner à un conjoint, cest par là-même
renoncer jusquà la mort à tous les autres conjoints possibles. Il ny a pas
damour conjugal sans ce don total. Lengagement public et social constitue une
prise de position qui donne à lamour conjugal la base objective dont il a besoin,
celle
dune alliance (*).
Dieu lui-même agit ainsi envers son peuple, sengageant
solennellement, devant témoins. Cest ce qui rend possible la foi, la confiance, le
don total (qui va jusquau sacrifice), et donc lamour ! (Jacques
1.16-17).
Cest pourquoi il en est ainsi pour la vie chrétienne elle-même
: le
fait de proclamer ouvertement notre foi et notre appartenance à Jésus-Christ est constitutif
de notre identité chrétienne et conditionnera toute notre marche (Matth.10.32-33
; Rom.10.9-10).
Ainsi, même si les formes du mariage ne sont pas décrites dans la
Bible (il y a bien dautres réalités qui sont fortement attestées
dans la Bible sans être décrites, à commencer par la Création du monde !),
les structures qui constituent une alliance sont, au contraire, la trame
même de lEcriture sainte (Osée 2.16-25 ; Hébr.13.20).
(Sur limportance des témoins, voir par exemple
Deut.17.6 ; Ruth 4.9-11. Sur le préjudice de léquivoque, Gen.12.10-20 ;
26.6-11 !).
Réflexion : A la lumière de ces remarques, seriez-vous
daccord avec cette affirmation : ce nest pas lamour, ni la relation
sexuelle (1 Cor. 6.16), ni même la fidélité qui
constituent le mariage ; cest lengagement sans équivoque devant témoins ?
"Que le mariage soit honoré de tous,
car Dieu jugera les impudiques et les adultères."
Hébreux 13.4
- impudique : relation hors mariage (y compris avant le
mariage, y compris entre fiancés. cf. R.Bariller), ou homosexuelle.
- adultère : infidélité au mariage contracté.
____________________
(*) En légalisant le concubinage ou en établissant le
Contrat dUnion Civile (CUC), ou Contrat dUnion Sociale (CUS), lEtat
semble offrir une alternative légale au mariage qui ne serait plus quoptionnel. Il
importe à ce sujet de noter la différence qui existe entre une alliance et un contrat.
En loccurrence, ces contrats dénaturent le lien conjugal : ils peuvent unir des
homosexuels, ils peuvent être rompus très facilement, ils nétablissent pas de
droits de filiation paternelle... On a alors évacué le sacré, cest à dire
lintention de Dieu.
En annexe...
Une question de discipline
Faut-il accepter de marier des concubins non repentants ?
Cette question paraît incongrue à certains ; très légitime à dautres.
- Il semble quune position exigeante nest possible que si
léglise est déjà informée des raisons dune telle discipline. Il
faut que cela se sache, et donc se dise clairement, dés lenseignement
catéchétique.
- La position souple est bien-sûr plus facile à tenir ; cependant elle
risque fort dêtre anti-pédagogique, les plus jeunes prenant pour un fait acquis
que lon vive ensemble avant de se marier...
Enfin, il semble quil soit juste duser de deux mesures
différentes selon que lon a affaire à des chrétiens ou à des non chrétiens
- Vis à vis de chrétiens, lexigence peut être plus grande
: ils
savent que Dieu bénira lobéissance de la foi ; ils savent quils ont un
témoignage à porter...
- Si le couple nest pas chrétien, une approche différente possible
sera possible, qui présentera les exigences de la foi progressivement. On peut demander
la bénédiction de Dieu sur des non-chrétiens, dès lors que leur demande est sincère,
sans pour autant exiger deux sur lheure ce quon exigerait de
chrétiens.
Le problème sera quelques fois compliqué si un des conjoints seulement
est chrétien (que faire ? Demander à Dieu de bénir ?) ou si, comme cela peut arriver
quand on a entre 20 et 25 ans, on est... chrétien-mal-affermi, ou pas-encore-mais
-presque-chrétien... Dans ces conditions, il me semble que la préparation au mariage
ne peut pas éluder la question de lengagement chrétien, de ses exigences,
de ses implications.
Mariage entre croyant et incroyant
Il y a, il est vrai, des exemples de conjoints incroyants conduits à la
foi après le mariage. Certains ne manqueront pas de le rappeler. Cela nous autorise-t-il
à encourager de telles unions ? Je crois que non. Cela autorise- t-il à les dissuader ?
Peut-être.
Dans un certain nombre de cas, il peut être légitime de proposer un
mariage civil (que Dieu peut bénir également !). Il faudra alors expliquer les raisons
dune telle proposition ; mais comment maintenir une désapprobation sans donner
limpression de rejeter ?
Par ailleurs, comment continuer à apporter un enseignement clair si notre
pratique ne le suit pas et saccommode par convenance ?
Là aussi, on peut déplorer que notre action pastorale intervienne
souvent fort tard, quand les décisions sont déjà prises et le restaurant retenu...
Dans ce cas là tout particulièrement, il paraît important de rencontrer
les futurs mariés séparément (ce qui ne se fait pas souvent). Il sera nécessaire alors
de parler au chrétien comme à un chrétien, sans voiler les conséquences dun
engagement que lEcriture (re-)commande de ne pas contracter.
En plus des références bibliques sur la question, deux types
darguments peuvent être avancés :
- la relation conjugale, bien que "sacrée", est
temporelle
puisque la mort la rompt. Les liens fraternels, eux, sont éternels puisque fondés sur
une commune espérance. Ainsi apparaît la difficulté de vivre une communion spirituelle
privilégiée avec des frères et sœurs chrétiens, de la quelle notre conjoint sera exclu, pour laquelle il sera étranger...
- il faut parler aussi de laspect pratique et quotidien des
décisions à prendre, du style de vie, des relations... Cest aller au devant de
sérieuses difficultés. Cest se placer en situation de réelle solitude au sein de
son foyer. (Les cas ne manquent pas dans les églises). Le conjoint chrétien est-il
conscient de limportance de la différence entre un chrétien et
quelquun qui ne lest pas (il ne sagit pas seulement de "pratique
religieuse") ?
Assez souvent, le chrétien se rassure en constatant que lautre est
"ouvert" à ces choses... Mais est-ce une garantie ? Dieu honorera le choix
courageux. Encourager un dialogue franc à ce sujet. Est-on en paix, ou seulement déjà
trop engagés ?
Mixité confessionnelle
Dans ce cas de figure, on peut envisager que les deux conjoints sont
chrétiens mais de confessions différentes, ou quun seul soit chrétien, ou encore
aucun des deux. Ces trois situations ne sont pas identiques.
Quoi quil en soit, notre Discipline est sage quand elle demande aux
futurs mariés de choisir avant le mariage une appartenance confessionnelle.
Quil y ait ou pas un prêtre et un pasteur, la cérémonie sera catholique ou
protestante. Ce choix, dans certains cas difficile, constituera une épreuve, mais il
sera préférable dy faire face maintenant plutôt que de léviter et
de le reporter à plus tard.
Ce choix nempêche dailleurs pas un esprit douverture à
lautre confession.
Cependant trop de cas démontrent que labsence dengagement
clair compromet la progression dans la foi et léducation satisfaisante des enfants.
Ce problème peut aussi exister entre conjoints de confessions protestantes
différentes. Dans un cas récent, les deux futurs mariés ont choisi de rejoindre après
leur mariage, une troisième dénomination, celle-ci convenant à lun et à
lautre mais demandant à lun comme à lautre un effort
dadaptation. Cette solution évite aussi que lun des deux se sente
"perdant".
En cas de doute ou de choix difficile.
Il sera utile de proposer des périodes de réflexion, établies
dun
commun accord, avec des délais adaptés (selon le principe de 1 Cor. 7.5).
On pourra par exemple décider de ne plus se voir pendant 3 mois, pour
faire alors le point ensemble, à 2 (ou à 3 avec le pasteur). Cest une manière de
responsabiliser qui peut savérer fort utile.
Ch.Nicolas - janv.98